Coronavirus : la Cemac pourrait perdre 2653,7 milliards de F CFA de recettes pétrolières
Le Programme des Réformes Économiques et Financières de la Cemac prévoit des pertes économiques énormes si la crise sanitaire actuelle n’est pas rapidement maîtrisée.
La situation macro-économique des pays de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac) pourrait bien devenir insoutenable si des mesures efficaces de lutte contre la pandémie du COVID-19 ne sont pas adoptées dans cet espace communautaire. C’est en substance ce qu’il faut retenir du document d’évaluation des incidences économiques et financières du Covid-19 sur les économies de la Cemac réalisé par le Programme des Réformes Économiques et Financières de la Cemac (Pref- Cemac).
De manière sommaire, les conséquences économiques et financières de la crise sanitaire actuelle dans l’espace communautaire sont de plusieurs ordres. Il y a la baisse significative des recettes budgétaires, la dégradation des comptes macro-économiques, la baisse des financements extérieurs, la perturbation des échanges intracommunautaires, la fragilisation de la stabilité externe et financière, sans oublier le risque de montée des tensions inflationnistes.
Pour évaluer cet impact, le Pref-Cemac s’est appuyé sur deux scénarii. Un « scénario de base révisé » qui prévoit une rapide maîtrise de la crise se traduisant par un cours moyen du baril du pétrole à 39,1 dollars US et un « scénario pessimiste » prévoyant une propagation rapide et de grande ampleur de la crise avec pour effet une baisse du cours moyen du baril de pétrole à 20 dollars.
>>Lire aussi-
Cemac : les mesures économiques et financières pour faire face à la crise du Coronavirus
Baisse de la croissance
Dans le premier cas, l’on assisterait à une baisse de la croissance de 3,3 à 3,0%. En dehors de la RCA, les cinq autres pays de la Cemac enregistreront une détérioration des finances publiques qui « résulterait à la fois de la baisse des recettes budgétaires (-0,5 points de PIB) et d’une augmentation relative des dépenses publiques (+0,9 points de PIB) », précise le rapport. Dans le cas espèce, les pays devraient enregistrer des pertes de recettes pétrolières devant atteindre 992,5 milliards de FCFA, même si la baisse du prix du baril n’affecterait pas significativement la production. Le Pref- Cemac prévoit également une baisse des recettes non pétrolières du fait de l’impact de la crise sur les entreprises qui ne pourraient plus être en mesure d’honorer leurs obligations fiscales.
Les dépenses publiques seraient réorientées vers la santé au détriment des dépenses courantes traditionnellement orientés vers le marché local. Le programme envisage également un accroissement du taux d’endettement pour financer les déficits budgétaires. S’agissant de la situation monétaire, « elle se détériorerait significativement à travers la baisse des avoirs extérieurs nets, des crédits à l’économie et de la masse monétaire ».
Dans l’hypothèse d’un scénario plus pessimiste marqué par la propagation rapide et de grande ampleur de la crise du COVID-19, le Pref-Cemac table sur un impact de grande ampleur marqué par une baisse de la croissance de 3,3 à -1,6%. Les finances publiques en sortiront fortement détériorées à la fois à cause de la « baisse des recettes budgétaires (-4,7 points de PIB) et d’une augmentation relative plus importante des dépenses publiques ». Du fait de la baisse drastique du prix du baril de pétrole (20 dollars), les pays connaîtront à coup sûr une baisse de la production (-6,9 millions de tonnes) et des pertes de recettes qui pourraient atteindre 2 653,7 milliards de FCFA. Ce choc pétrolier sera ressenti différemment en fonction des pays. La Guinée Équatoriale, le Congo, le Gabon et le Tchad pour qui cette matière première contribue très souvent à plus de 80% du budget seront plus sévèrement touchés par rapport au Cameroun où celles-ci représentent 25%.
>>Lire aussi :
La Cobac anticipe sur une crise bancaire dans la Cemac
S’agissant du secteur non-pétrolier, il « serait davantage touché que dans le cas d’une crise temporaire, avec une perte de 2,4 points de PIB, et l’on enregistrerait un plus grand nombre de faillites d’entreprises et de pertes d’emplois ». Les recettes non pétrolières diminueraient également de manière significative (-1,2 % du PIB). Une baisse qui impactera sur la capacité des 6 pays de la Cemac à honorer le service de la dette extérieure. « Le ratio du service de la dette rapportée aux recettes budgétaires se situerait à 26,7% contre 17,3% dans le scénario de base initial », souligne encore le rapport. Malgré la gravité de la situation économique, la Banque Centrale, du fait de ses avoirs de réserve (3,27 mois d’importations de biens et services en fin 2019) devrait fortement soutenir l’économie par des injections massives de liquidités. Néanmoins, le Pref Cemac rappelle aux Etats que l’urgence est à la lutte efficace contre cette pandémie, faute de quoi, « la situation macro-économique deviendrait insoutenable »