Communication électronique : ce qui va changer avec le nouveau modèle de régulation
L’Agence de régulation des télécommunications (ART), fait un aggiornamento du secteur face aux défis de l’évolution constante de la technologie des réseaux, de l’apparition des services innovants et de l’intégration du numérique.
Le secteur des télécommunications au Cameroun connaît des mutations majeures depuis 1998, date de sa libéralisation et de sa restructuration. Entre autres objectifs de cette libéralisation, le gouvernement visait prioritairement l’ouverture du marché à la concurrence par la participation du secteur privé, au développement harmonieux des réseaux et services de télécommunications sur l’ensemble du territoire, à une meilleure contribution du secteur au développement de l’économie nationale et à la mise à disposition de services de télécommunications de qualité à prix abordables au profit des populations. La loi N°98/014 du 14 juillet 1998 régissant les télécommunications au Cameroun a consacré la séparation entre les fonctions de réglementation, de régulation et d’exploitation des réseaux. C’est dans cette logique qu’est instituée l’Agence de régulation des télécommunications (ART) qui assure, pour le compte de l’État, la régulation, le contrôle et le suivi des activités des opérateurs et exploitants du secteur des télécommunications/TIC. Elle poursuit les objectifs de régulation qui consistent à garantir une concurrence saine, loyale, transparente et objective, à attribuer les ressources en numérotation et fréquences, à veiller à la mise en œuvre du service universel et du développement des communications électroniques sur l’ensemble du territoire, à assurer le suivi des obligations contenues dans les cahiers de charges des opérateurs et à garantir la protection des consommateurs à travers des offres de qualité et à prix abordables.
Lire aussi : Le Forum des institutions de régulation du Cameroun adopte sa feuille de route pour 2022
Grâce à cette Agence, le secteur des télécommunications a enregistré des avancées en termes de pénétration des réseaux et services de communications électroniques, de développement de l’offre de produits et services, d’investissements, de création d’emplois directs et indirects et d’impacts sur l’économie nationale, même si sa contribution au Pib reste faible – moins de 5%. 22 ans après, s’il est notable que la concurrence est devenue effective et les consommateurs ont bénéficié de la diversification des offres, quelques points d’insatisfaction subsistent au niveau de la qualité. Par ailleurs, du fait de l’évolution structurelle et technologique du marché, l’ART fait face à des défis majeurs qui l’obligent à adapter ses dispositifs de régulation pour un meilleur encadrement des effets de la convergence des réseaux et services des télécommunications, des TIC, de l’audiovisuel et en vue de garantir efficacement la protection des consommateurs.
Lire aussi : La cybercriminalité fait perdre 12,2 milliards au Cameroun en 2021
Personnalité juridique
L’un des corollaires de cette évolution est le développement, depuis une quinzaine d’années, des services OTT (hors offre du fournisseur d’accès à l’internet) ayant fait émerger de nouveaux acteurs puissants sans réseaux qui s’appuient sur les capacités des réseaux classiques pour fournir leurs services aux abonnés. La mise à niveau des dispositifs de régulation et modes d’intervention du régulateur au regard du nouvel écosystème des communications électroniques étant devenue un impératif absolu, le Directeur général de l’ART, Philémon Zo’o Zame, a entrepris d’établir un nouveau modèle de régulation à l’horizon 2025, « qui tienne compte de l’évolution sus-décrite de l’écosystème et qui vise l’adaption des moyens d’action et d’intervention du régulateur pour une meilleure efficacité de son action globale et en vue de contribuer durablement à la transformation numérique du pays ». Car, en 22 ans, les missions et prérogatives dévolues à l’ART se sont étoffées, principalement à la faveur de la loi N° 2015/006 du 20 avril 2015 régissant les communications électroniques, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi N°2010/013 du 21 décembre 2010 et du décret n° 2020/727 du 03 décembre 2020 portant réorganisation et fonctionnement de l’ART, qui fait d’elle un établissement public à caractère spécial doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.
Lire aussi : Performances : la Campost en faillite
Activités connexes
L’Agence dispose de ce fait, de nouveaux pouvoirs de régulation, de contrôle, d’investigation, d’injonction, de coercition et de sanction. Elle dispose, notamment, de deux types d’outils de régulation : les outils de régulation asymétrique ex ante qui visent à empêcher des abus de pouvoirs économique et les outils de régulation symétrique ex post qui visent quant à eux à corriger les actes ou pratiques répréhensibles posés par les opérateurs et acteurs du secteur. Ce nouveau modèle s’appuie sur les politiques publiques en matière des télécommunications et des TIC, notamment le plan stratégique « Cameroun numérique 2020 » qui vise des recettes fiscales de l’ordre de 300 milliards Fcfa, la Stratégie nationale de développement 2020– 2030 et le plan stratégique de l’Agence qui a pour vision de « stimuler un environnement propice, collaboratif et innovant pour une connectivité inclusive au service de la transformation numérique du Cameroun ». Pour le top management, la réalisation de cette vision est possible à travers un modèle de régulation collaboratif et proactif qui tient compte du positionnement de tous les acteurs aux fins de mieux orienter le marché national.
Lire aussi : Affaire ART : Jean Louis Beh Mengue condamné à 20 ans d’emprisonnement pour une amende de 654,815 millions de fcfa
Ce nouveau modèle de régulation implique toutes les parties prenantes du secteur, à savoir : les régulateurs sectoriels, les opérateurs des communications électroniques, les consommateurs, les associations de consommateurs, la société civile et les institutions. Cette mutation est possible grâce à un meilleur partage des données entre les acteurs régulés, les utilisateurs et les régulateurs. « Cette nouvelle conception de la régulation, qui viendrait en complément du mode de régulation traditionnel, consiste donc à utiliser la puissance de l’information ouverte pour mieux analyser le marché et éclairer son fonctionnement de manière factuelle, dans l’optique d’une meilleure orientation et d’une meilleure garantie de la protection des consommateurs », renseigne la direction générale. Dans la pratique, il s’agit d’assurer la transition d’une régulation par la permission dite déclarative à la régulation par la responsabilité informée par la donnée dite de suivi et de contrôle, qui utilise le potentiel des technologies numériques.
Lire aussi : Télécommunications : l’ART en passe de perdre 55 milliards de FCFA de créances
Pour mieux impacter l’écosystème et garantir les conditions d’une saine concurrence profitable à tous, le nouveau modèle de régulation vise également à stimuler la collaboration entre les secteurs d’activités connexes aux télécommunications, tels que le secteur financier et bancaire, le secteur de l’audiovisuel et le secteur des TIC.
Lire aussi : Télécommunications : les opérateurs confisquent 68 milliards de FCFA dus à l’ART
Régulation post-convergence
Au regard des défis et des objectifs de régulation, il s’agit au final de mettre en place « une régulation plus efficace et efficiente à travers un meilleur dispositif organisationnel coordonné, cohérent et performant dans un souci de synergie d’ensemble. Un régulateur doté d’un ensemble d’outils de régulation performants, de procédures efficaces pour le suivi et le contrôle des obligations des opérateurs et des fournisseurs de services dans le secteur des Télécommunications/ TIC ». La régulation devra également être collaborative et favoriser une coordination et une collaboration plus étroite entre les agences de régulation sectorielles chargées des télécommunications/TIC, des communications audiovisuelles, de la finance, etc. L’ART veut cette régulation proactive, dynamique capable de créer un environnement concurrentiel favorable à l’innovation, au développement du segment de marché des fournisseurs des services des communications électroniques, aux investissements dans le haut débit contribuant à la transformation numérique du Cameroun d’une part, et de publier un ensemble d’indicateurs comparables relatifs, entre autres, à la couverture réseau et à la qualité de service offerte par les réseaux de communications électroniques ouverts au public.
Du reste, le nouveau modèle de régulation permettra de mettre en place la régulation post convergence de cinquième génération devant contribuer à la consolidation du développement de l’économie numérique et à la transformation numérique du Cameroun à l’horizon 2025.