Changes : la Beac sensibilise sur la nouvelle réglementation
Le gotha monétaire et financier de la sous-région Cemac était réuni le 5 juillet 2019 à Douala, dans le cadre d'une rencontre de haut niveau à laquelle assistait le représentant du Fonds monétaire international (Fmi) au Cameroun et au Gabon.
Près de 5 mois après son entrée en vigueur, la nouvelle réglementation des changes en zone Cemac peine à être appliquée par certains assujettis. Décidée lors du sommet des Chefs d’Etats de la Cemac, tenu le 23 décembre 2016 à Yaoundé, et adoptée le 21 décembre 2018 par le Comité ministériel de l’Union monétaire d’Afrique centrale (Umac), cette nouvelle politique est à l’origine de profondes dissensions entre les Etats d’Afrique centrale, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), la Commission de la Cemac d’une part, et les opérateurs économiques, banques, assureurs, importateurs, industriels etc., d’autre part. D’où cette importante rencontre de haut niveau entre les organes dirigeants de la Cemac (Umac, Pref-Cemac, Ueac, Beac) et les opérateurs économiques, groupes patronaux, banques, assurances, etc., Sous la présidence d’Abbas Mahamat Tolly, gouverneur de la Beac.
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La Beac, obligée de sensibiliser sur le bien-fondé de cette démarche communautaire. Motif, de nombreuses critiques et réticences enregistrées. D’après Abbas Mahamat Tolly, ces critiques et réticences trouvent d’abord leurs motivations dans «le rejet des demandes de transferts par la Banque centrale »: entre janvier et avril 2019, 32,4% de demandes de transferts présentées ont été rejetées pour «avoirs extérieurs suffisants qui auraient dû servir à l’exécution par les banques, de ces transferts sans recourir à la Beac», indique le gouverneur de la Beac.
Ensuite, dans les ouvertures des comptes en devises sans autorisation préalable de la Beac: ce qui est considéré par la Banque centrale comme «une entrave au principe de la centralisation des devises à la Beac et un moyen insidieux de spéculation contre le Franc CFA». Mahamat Tolly plaide ainsi en faveur d’une «régularisation de tous ces comptes durant une période transitoire de 6 mois, à partir du 1er mars 2019, date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif ». Enfin dans «les autorisations requises pour les importations de billets étrangers par les banques». Autorisations qui, d’après Abbas Mahamat Tolly, «visent à éviter une double circulation fiduciaire dans la Cemac, lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et limiter la détention des billets étrangers aux stricts besoins de voyage».
Malheureusement, certains opérateurs ont effectué des importations illégales de devises. Les banques en l’occurrence. D’où la mise en garde de cette opération de charme de la Beac à l’endroit des acteurs du système financier et monétaire de la Cemac, de l’Ueac, du Pref-Cemac et de l’Umac
Compte d’opérations : 3822 milliards de FCFA de réserves pour la Cemac
Trois faits générateurs sont à l’origine de la nouvelle réglementation sur les changes : «le faible rapatriement des recettes d’exportation, l’inadaptation de la réglementation des changes communautaires aux évolutions intervenues dans le système économique et financier mondial, et l’inadéquation de la politique monétaire et de la réglementation des changes sous régionales à l’évolution du nouvel environnement et aux engagements internationaux des Etats d’Afrique centrale», dit-on à la Beac. La réforme révolutionne ainsi le système financier et monétaire communautaire.
Désormais, c’est à la Beac, que revient l’administration de la réglementation des changes. Ce, «afin de s’arrimer à ses missions statutaires de conduite de la politique de change et de gestion de réserves de change de la Communauté », justifie la Beac. D’après la même réforme, la Beac est chargée de «la formalisation des obligations de cession et de rétrocession des devises». La nouvelle réglementation des changes «oblige» également les différents acteurs à «inclure dans leurs dispositifs, les diligences indispensables à la lutte anti-blanchiment». Obligation également d’indiquer et de justifier de l’origine des fonds pour la réalisation des opérations de change. Tout comme la possibilité d’ouvrir des comptes séquestres, de garantie et assimilés en devises dans les livres de la banque centrale. L’insertion des mesures de sauvegarde en cas de crise affectant les comptes extérieurs de la Cemac. Et enfin, l’assouplissement des sanctions et formalisation des procédures de constatation des infractions et d’application des sanctions.
D’après Abbas Mahamat Tolly, la mise en œuvre du nouveau dispositif s’opère à travers les contrôles de vraisemblance auprès des établissements de crédit par le biais de l’obligation de rétrocession à la Beac des devises rapatriées par certains opérateurs économiques, ainsi que par le déploiement des outils internes nécessaires au suivi des positions de trésoreries extérieures des établissements de crédit. La Beac a d’ailleurs créé une Cellule centrale d’études des transferts et de suivi de la réglementation des changes (Ccetsrc). «Les travaux de cette cellule ont efficacement contribué à la pleine maîtrise des flux de devises dans la sous-région et à l’amélioration du niveau des réserves de change de la Cemac», indique le gouverneur de la Beac.
Les premiers résultats de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation des changes font état d’une nette remontée des réserves de change. En 5 mois, les chiffres sur les rétrocessions de devises, ont atteint fin mai 2019, un montant de 1376,1 milliards de FCFA. Les rétrocessions à la même période 2018 indiquaient un montant de 605,2 milliards de FCFA. Soit une hausse de 127%. Le compte d’opérations a également connu un bond de 32%: entre 2017 et 2018, ce compte est passée de 2552 milliards de FCFA au 31 décembre 2017 à 3360 milliards de FCFA en fin 2018. Il affiche, fin juin 2019, à 3822 milliards de FCFA. Les recettes d’exportation rapatriées sont également au vert. Leur taux de progression se situe à 300%.
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Abbas Mahamat Tolly a par ailleurs profité pour dire un mot sur la supposée crise de devises abondamment évoquée par la presse. A ce sujet, le gouverneur de la Beac est catégorique: «les devises sont disponibles. Il n’y a pas de crise. Les opérateurs qui veulent les devises peuvent se rapprocher de la Beac pour achat, conformément à la nouvelle réglementation ». Le tchadien a attiré l’attention de tous les acteurs monétaires et financiers de la sous-région les dangers de «se positionner en complice ou en acteur de la destruction du FCFA, en cédant aux critiques stériles».
Devises : 80 milliards illégalement importés par les banques en 30 jours
Il existe en effet un mur d’incompréhension entre la Beac et les acteurs du marché financier sous régional, sur la mise en œuvre de la nouvelle réglementation des changes dans la zone Cemac. Ces derniers font désormais face à des obstacles issus de la nouvelle réforme. Ce qui se traduit par des difficultés observées dans les transferts à l’extérieur, laissant libre cours à une rumeur sur une pénurie des devises due au rationnement de la Beac. Les clients et usagers des services bancaires éprouvent de sérieuses entorses d’envois de fonds à travers Western Union et Moneygram, notamment. Quatre cas de figure sont observés. Les banques dont le fonctionnement était basé sur les lignes de découvert à l’étranger qui ont été atteintes, plafonnent désormais les envois aux montants prévisionnels des réceptions (3 banques dans 3 pays de la Cemac). Dans la même veine, les banques en négociation sur les délais de couvertures de leur transaction ont vu leurs envois bloqués pendant la période de négociation (2 banques dans 2 pays).
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En outre, la non-couverture successive des soldes de compensation par certaines banques qui ne les présentaient pas à la Beac, a entraîné un blocage de leurs transactions (12 banques). Par ailleurs, la politique interne de gestion de certaines banques a provoqué une limitation des volumes de transferts (7 banques). La Beac observe, dans un autre registre, une rétention de certains dossiers de transferts sensibles par les banques de la sous-région. Ces dernières ont volontairement effectue des retentions de dossiers de transferts des sociétés stratégiques faisant croire à un rejet de leurs demandes par la Beac. Demandes pourtant jamais déposées. A titre d’illustration, apprend-on à la Beac, «une grande entreprise opérant dans plusieurs pays de la Cemac a récemment saisi la Beac au sujet de 88 dossiers de demandes de transferts en suspens dans une banque depuis janvier 2019. Après vérification, il s’est avéré que 7 demandes seulement avaient été déposées à la Beac. 5 avaient reçu accord et 2 demandes rejetées pour complément d’informations. Importateurs et entreprises sont également victimes de cette rétention de dossiers. La Beac avance aussi «un défaut de transparence envers les clients sur les motifs de rejet des dossiers».
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Pour contourner la nouvelle réglementation des changes, les banques ont importé entre avril et mai 2019, 80 milliards de FCFA de devises sans autorisation préalable de la Beac, qui a infligé conséquemment des pénalités conformément à la réglementation en vigueur.