Cemac : les microfinances à la merci de la Covid-19
En plus de leur situation prudentielle relativement préoccupante, l’activité des établissements de microfinance de la Cemac pâtit de la crise sanitaire depuis mars 2020.
Dans son rapport de politique monétaire du mois de décembre 2020, la Banque des Etats de l’Afrique centrale dresse un état des lieux de la situation du système bancaire de la sous-région depuis l’avènement de la pandémie du coronavirus. Si les banques de la sous-région sont restées relativement solides pendant cette période critique, les établissements de microfinances (EMF) eux, ont subi de plein fouet les effets de la pandémie. L’examen des déclarations effectuées à la Beac entre décembre 2017 et décembre 2019 révèle que le total agrégé des bilans des EMF de la Cemac est passé de 1 159 milliards à 1 514 milliards, soit une hausse de 31 %. Cependant, à fin juin 2020, il ressort à 1 199 milliards, en baisse de 21 % par rapport au niveau atteint en décembre 2019. « Ce recul pourrait notamment s’expliquer par le ralentissement des économies des pays de la Cemac, en relation avec la pandémie de COVID-19, dont les effets sont perceptibles depuis mars 2020 » explique la Beac.
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Dépôts
Après une baisse de 9 % à 881 milliards observée entre 2017 et 2019, les dépôts affichent une nette reprise à fin juin 2020 pour s’établir à 914 milliards. De même, les crédits bruts baissent de 9 % à 531 milliards entre 2017 et 2019, avant de remonter à 534 milliards à fin juin 2020. Toutefois, comparés au niveau atteint à fin mars 2020, les crédits bruts ont enregistré une diminution de 2,2 milliards, en liaison avec les mesures de restriction d’octroi des crédits prises par les EMF en réaction aux premiers effets négatifs de la pandémie de COVID-19 sur leurs portefeuilles de crédit.
Créances en souffrance
Les créances en souffrance ressortent en hausse de 7 % sur la période examinée, passant de 88 milliards à 95 milliards entre 2017 et 2019. A fin juin 2020, elles enregistrent la même tendance haussière, s’élevant à 101 milliards, soit environ 19 % des crédits bruts à cette date. Les provisions pour dépréciation des comptes de la clientèle s’élèvent à 65 milliards en décembre 2019, contre 80 milliards comptabilisée deux ans auparavant, en baisse de 18 %. A fin juin 2020, elles évoluent à la hausse, s’établissant à 73 milliards, contre 68 milliards enregistrés trois mois plus tôt. Le taux de couverture des créances en souffrance par les provisions recule de 22 % entre 2017 et 2019. Au 30 juin 2020, il se situe à 72 %. En conséquence, les crédits nets enregistrent une baisse de 8 % sur la période analysée, revenant de 505 milliards à 466 milliards entre 2017 et 2019, pour finalement remonter à 577 milliards à fin juin 2020.
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Situation prudentielle
Au 30 juin 2020, l’analyse que la Beac fait de la situation prudentielle des établissements de microfinance déclarants met une fois de plus en lumière le non-respect par ces derniers de plusieurs normes prudentielles. En effet, les normes à l’égard desquelles la plupart d’établissements sont en infraction portent principalement sur la constitution du fonds de solidarité16, le ratio de couverture des immobilisations, la norme individuelle de division des risques, le ratio de couverture des risques, ainsi que la norme individuelle des engagements en faveur des apparentés.
Il ressort de l’examen du reporting règlementaire SESAME effectué par les établissements déclarants à fin juin 2020, les observations suivantes : – 77 % des EMF de première catégorie (contre 70 % enregistré à fin mars 2020) sont en infraction vis-à-vis de la norme relative à la constitution du fonds de solidarité ; – le ratio de couverture des immobilisations de 25 % des EMF, contre 21 % enregistré au 31 mars 2020, est inférieur au minimum réglementaire de 100 % ; – 21 % des EMF, entre mars et juin 2020, enfreignent la limite individuelle des engagements en faveur des apparentés dont le minimum est fixé à 5 % des fonds propres/patrimoniaux nets ; – 16 % des EMF, contre 15 % trois mois plus tôt, extériorisent un ratio de couverture des risques inférieur au minimum de 10% ; – 17 % des EMF, contre 14 % enregistré à fin mars 2020, enfreignent la limite individuelle du ratio de division des risques fixé respectivement à 25 % (pour les EMF des deuxième et troisième catégories) et à 15 % (pour ceux de première catégorie) des fonds propres/patrimoniaux nets ; – 13 % des EMF (contre 14 % trois mois plus tôt) affichent un rapport de liquidité inférieur au minimum réglementaire de 100 %.
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Pour rappel, l’analyse de la situation du secteur est effectuée sur une base pluriannuelle (entre 2017 et 2019), avec une observation des tendances à fin mars et fin juin 2020. Au 30 juin 2020, le secteur de la microfinance de la Cemac compte 620 établissements agréés et en activité, répartis entre le Cameroun (419), la Centrafrique (10), le Congo (56), le Gabon (18), la Guinée Equatoriale (2) et le Tchad (115). A cette date, le nombre d’établissements ayant fait de déclaration représente environ 93 % de l’activité du secteur. Il convient de souligner à cet effet une amélioration progressive du nombre d’entités déclarantes sur la plateforme eSESAME.