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Business et Entreprises

Camtel : l’improbable mission de Judith Achidi

Malgré une dette colossale, des effectifs pléthoriques, une incapacité structurelle à assurer un service de qualité et à recouvrer ses créances… la patronne de Camtel ambitionne de faire de l’opérateur public des télécommunications le leader du marché national et sous régional à l’horizon 2025.

« Faire de Camtel la première société de téléphonie du Cameroun et d’Afrique centrale», c’est l’objectif du plan de développement (2019-2025) de la Cameroon Telecommunications (Camtel), présenté en fin d’année 2019 par Judith Achidi. Portée à la tête de l’opérateur public de télécommunications le 14 décembre 2018, l’ancienne directrice commerciale régionale pour le Sud-Ouest a de grands projets pour la boite. «Dans cinq ans, je vois Camtel au firmament du secteur des télécommunications… Je vois déjà un Camtel Centrafrique, un Camtel Gabon, un Camtel Tchad…», rêve-t-elle dans une vidéo publiée en février 2020 sur le compte Tweeter de l’entreprise. Pour y parvenir, la nouvelle patronne de Camtel a élaboré un plan en trois étapes : stabilisation et relance en 2019; consolidation et expansion de 2020 à 2021 et prise du leadership de la transformation numérique de 2022 à 2025.

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Il repose sur deux axes stratégiques : « customer centricity» et «change management». «Lesdits axes mettent le client au cœur des préoccupations, assurent la gestion du changement tout en garantissant la préservation de l’objet social de Camtel», précise Judith Yah Sunday. Atouts «Il n’est pas interdit de rêver. Il est même très conseillé de rêver grand! », Commente Beaugas Orain Djoyum. Pour le directeur de publication de Digital Business Africa, plateforme web d’informations stratégiques sur les TIC, les télécoms et le numérique en Afrique, «Camtel détient les moyens et les bases solides pour être le leader du marché des télécommunications dans la sous-région Afrique centrale». Il faut dire que depuis le 12 mars, Camtel détient trois licences.

Cela est d’ailleurs présenté par la direction générale comme la première grande victoire du nouveau top management. Les deux premiers titres d’exploitation confortent le monopole dénoncé (voir encadré) sur la téléphonie fixe (une concession provisoire octroyée en 2003 avait expiré en 2007) et l’infrastructure de transport (12000 km de fibre optique, l’ADSL, quatre points d’atterrissement des câbles sous-marins et deux téléports vers les réseaux satellites). Et la troisième licence permet désormais à l’opérateur public des télécoms de se lancer dans la téléphonie mobile (2G, 3G, 4G). «C’est un atout énorme et unique dans la sous-région Afrique centrale», précise cet observateur averti du secteur. Mais pour Beaugas Orain Djoyum, l’échéance de 2025 fixée pour l’atteinte de cet objectif est irréaliste. Pour lui, l’horizon 2030 serait plus raisonnable. Il faut dire que malgré ses atouts, l’opérateur public des télécoms part de loin.

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Selon l’observatoire annuel 2018 du marché des communications électroniques, rapport produit par l’Agence de régulation des télécommunications, Camtel est actuellement l’avant-dernier opérateur des télécoms au Cameroun. Avec 18,43% de parts de marché, il devance juste Nexttel, dernier venu dans le secteur (10,71%). Orange (chiffre d’affaires d’Orange Money inclus) et MTN (chiffre d’affaires de sa filiale Mobile Money exclu) sont au coude à coude avec respectivement 35,61 et 35,25% de parts de marché. Boulets Le pari est d’autant plus fou que, comme le reconnait Judith Achidi ellemême, l’opérateur historique a « de nombreuses difficultés de tout point de vue ». À la suite d’un audit réalisé dès son arrivée, il est ressorti que l’entreprise traine une dette financière colossale de près de 576,6 milliards de FCFA, soit plus de 5 fois son chiffre d’affaires annuel. Camtel qui réalise près de 50% de son chiffre d’affaires auprès des administrations publiques peine également à recouvrer ses créances. Selon le dernier rapport sur la situation des entreprises et des établissements publics, publié en septembre dernier par le ministère des Finances, les créances de l’entreprise publique sont évaluées à près de 288 milliards de FCFA au 31 décembre 2018.

Pour atteindre ses objectifs, Judith Achidi a pourtant besoin d’argent. «Déployer, par exemple, la 4G que vient de décrocher Camtel sur l’ensemble du territoire national va nécessiter d’énormes ressources financières », avertit le directeur de publication de Digital Business Africa. Avec une capacité d’endettement quasi nulle, l’opérateur public des télécoms mises sur le recouvrement de ses créances pour se donner des marges de manœuvre. Pour cette année, l’entreprise ambitionne de recouvrer au moins 95% de ses créances. Déjà ambitieux, cet objectif est aujourd’hui hypothétique au regard de la crise économique causée par la pandémie de coronavirus. Camtel, qui revendique une hausse de 21 % de recettes d’exploitation en 2019, envisage de réaliser un chiffre d’affaires de 115,2 milliards de FCFA en 2020. Pour cela l’entreprise entend fidéliser au moins 85% des clients en améliorant la qualité de service, un autre tendon d’Achille de l’opérateur public. Pour y arriver, Beaugas Orain Djoyum conseille d’agir sur le personnel qui a encore «la mentalité de l’ancien système». Judith Achidi se montre consciente de la situation.

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Mais on a peu de visibilité sur l’action qu’elle entend mener. Juste sait-on qu’il est envisagé d’accroître la motivation du personnel d’au moins 25%, d’aboutir à un taux d’assiduité et de présence au travail d’au moins 95% et d’améliorer de 100% le rendement de chaque personnel. «L’adéquation des effectifs aux besoins objectifs de Camtel», présentée comme nécessaire par le ministère des Finances ne semble cependant pas à l’ordre du jour. À ce jour, Camtel compte près de 3500 employés pour chiffre d’affaires de plus de 100 milliards de FCFA. Ses concurrents Orange et MTN réalisent deux fois son chiffre d’affaires avec moins de 1000 employés chacun. Une analyse sommaire de l’organigramme de Camtel a permis à l’ingénieur principal des travaux des télécommunications Godfroid Ondoua qu’on pouvait supprimer jusqu’à 47 postes de directeurs, sous-directeurs et assimilés.

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