Cacao : la guerre des prix aura lieu
Les grands négociants chocolatiers occidentaux tentent d’obtenir une nouvelle baisse du kilogramme de fèves, en baissant leurs commandes. Le Cameroun, le Ghana et la Côte d’Ivoire, les trois principaux producteurs s’opposent au diktat des grands marchés et agitent la solution du marché endogène.
Le prix de cession du cacao qui a connu au moins 5 hausses depuis le début de la campagne de commercialisation 2023-24 au Cameroun, atteint désormais 2015 Fcfa dans certains bassins de production désenclavés, notamment lors des ventes groupées organisées par le ministère du Commerce (Mincommerce), l’Office national du cacao et du café (Oncc) et le Conseil interprofessionnel du cacao et du café (Cicc). Ces opérations spéciales mettent en concurrence plusieurs négociants, dans un contexte où la fève camerounaise, particulièrement prisée par les chocolatiers occidentaux et asiatiques, se raréfie. Les chiffres de la dernière campagne, publiés début septembre dernier, font état d’une baisse de la production nationale de l’ordre de 11,2%. Face à ce qui apparaît comme une embellie pour la filière cacaoyère nationale, et l’appétit venant en mangeant, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, assure que « les conditions sont réunies pour que cette base de 2015 Fcfa ne soit qu’une étape vers des sommets plus hauts », alors même que le prix officiel fixé par les autorités en début de campagne était de 1600 Fcfa.
En Côte d’Ivoire, le prix bord champ a été fixé pour la campagne en cours à 1000 Fcfa, contre 1100 Fcfa au Ghana. Si là-bas ces plafonds sont encore respectés, une grogne des producteurs monte dans ces deux pays classés respectivement premier et deuxième fournisseurs mondiaux de fèves. Les producteurs, là-bas, suivent attentivement l’évolution record des prix au Cameroun réclament également une meilleure rémunération. La conjoncture ne plaide pas moins pour un ajustement des prix, du fait d’un déséquilibre annoncé entre l’offre et la demande mondiale au cours de cette campagne. En effet, l’Organisation internationale du cacao (Icco) anticipe un déficit de production de fèves de 116 000 tonnes, du fait notamment des changements climatiques.
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Mais, les caprices des grands chocolatiers européens en particulier hypothèquent la perspective d’une meilleure rémunération de la fève cette année. La chronique des matières premières signale que les multinationales telles que Cargill, Olam ou encore Barry Callebaut ont considérablement ralenti leurs achats, principalement en Côte d’Ivoire, ces dernières semaines. « D’ordinaire, à cette période, les géants du cacao (…) sécurisent leur approvisionnement pour l’année prochaine et achètent donc, par anticipation via des contrats à terme, les fèves de la récolte 2024-2025. Fin décembre, les trois quarts du cacao de la récolte principale de l’année suivante sont généralement déjà réservés. Au rythme actuel – 300 000 tonnes seulement auraient été contractées, selon les informations compilées par l’agence Reuters – le quota de fèves acheté sera bien plus faible que l’année dernière », souligne Radio France internationale (RFI).
Ces grandes firmes qui s’étaient pourtant engagés en 2022 à Accra (Ghana) à œuvrer pour un meilleur revenu des producteurs, « auraient demandé aujourd’hui au Conseil caféccao une baisse des prix pour relancer leurs commandes. Une exigence d’autant plus facile à formuler pour elles que la demande des chocolatiers, en bout de chaîne, est, elle aussi, en berne. C’est ce que montrent les dernières statistiques sur les broyages de fèves qui sont le reflet de la consommation. Sans pression des industriels du chocolat, les broyeurs ont manifestement décidé d’attendre une baisse des cours ou un geste des pays producteurs qui peuvent agir sur une des composantes du prix du cacao, via une prime dite d’origine ou prime « pays » basée sur la qualité du cacao, et qui est intégrée au prix global », ajoute la chaîne.
Même au niveau record de 2015 le kilogramme de fèves, les producteurs africains estiment être encore largement sous-payés. Au Cameroun, le gouvernement n’entend pas céder à ce chantage à peine voilé des grands négociants. Le 09 novembre, le ministre du Commerce a signé un arrêté précisant les modalités de conditionnement et de commercialisation des fèves de cacao, qui met hors de circuit les opérateurs ne disposant d’une carte professionnelle dûment délivrée par le Cicc. Les dispositions y relatives visent à mettre fin aux exportations frauduleuses de fèves vers les pays voisins, à l’instar du Nigeria. Cependant, les opérateurs nigérians régulièrement agréés par les instances compétentes ont désormais la possibilité de venir négocier les fèves au Cameroun et les exporter vers le Nigeria en payant les taxes et impôts y afférents. Il faut dire que ce grand pays voisin a rehaussé dernièrement ses capacités de transformation en construisant des usines qui peuvent consommer jusqu’à 200.000 tonnes de cacao brut par an.
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Au plan interne, Atlantic Cocoa Corporation (ACC) dispose de 30.000 tonnes de capacités de transformation, contre 55000 Sic Cacaos et 30.000 pour Neo Industry. A côté de ces industries, la demande des unités artisanales est également sans cesse croissante. En clair, les pays producteurs vont davantage compter sur la capacité endogène du marché africain, dans la dynamique de la Zone de libre échange continentale africaine (Zlecaf) qui constitue un marché de 1,3 milliard de consommateurs. La résistance s’organise manifestement. Et si même les marchés occidentaux devaient obtenir un repli des prix, « ce qui est certain c’est que nous sommes partis pour ne plus jamais redescendre à un certain niveau », assure Luc Magloire Mbarga Atangana. Il fait notamment allusion aux années 2015 et 2016, où la prix du kilogramme de fèves avait chuté de 40%.
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