Câble ACE : le point d’atterrissement de Orange Cameroun toujours en attente
Cinq ans après s’être engagée auprès de l’Etat à construire cette infrastructure dans la ville de Kribi, la filiale camerounaise de l’entreprise française de Télécommunications n’a pas encore honoré son contrat, privant ainsi le Cameroun d’une cinquième connexion à un câble sous-marin international, alors que dans le même temps, le gouvernement camerounais, à travers le ministère des Postes et Télécommunications, a déjà dépensé plusieurs milliards de FCFA dans le projet. L’enquête de EcoMatin.
Au moment où ces lignes sont écrites, en ce 18 août 2020, la ville de Kribi, dans le Sud du Cameroun, n’est toujours pas équipée d’un point d’atterrissement du câble sous-marin à fibre optique Africa Coast to Europe (ACE). C’est l’entreprise de télécommunications Orange Cameroun, qui avait pourtant pris l’engagement, en 2015, de construire cette infrastructure. Selon les prévisions du ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel), le point d’atterrissement du câble sous-marin à fibre optique ACE devait être opérationnel à Kribi, depuis 2018 au plus tard. Pour comprendre les ressorts de cette affaire, mieux vaut faire un léger retour en arrière.
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2009 : au nom de l’Etat du Cameroun, la Cameroon Telecommunications (Camtel) signe le MoU (Mémorandum of Understanding (MoU) jetant les bases de la création du consortium ACE, après avoir sacrifié à toutes les procédures y relatives : acquittement de sa contribution d’entrée dans le consortium, participation à toutes les réunions de faisabilité technique et juridique consacrées à l’élaboration de l’accord… Sauf qu’en juin 2010, lorsque les parties sont appelées à signer l’accord régissant la construction et l’exploitation du câble ACE (Construction and Maintenance Agreement, en abrégé C&MA), le Cameroun va se garder d’apposer sa signature sur le document à l’élaboration duquel il avait activement pris part. «Pour des raisons commerciales et de respect de la réglementation en vigueur», explique aujourd’hui un des porteurs du projet à l’époque.
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A cause de ce faux pas, le Cameroun ne fera pas partie des 13 pays raccordés lors de la première phase (réalisée de mi 2011 à fin 2012) de déploiement de ce câble sous-marin qui relie la France à la côte Ouest de l’Afrique.
Négociations
Mais dès 2015, l’Etat du Cameroun, conscient des énormes avantages dont l’économie et la société camerounaises retireraient de la connexion à ce câble, engage des négociations avec le consortium qui le gère, pour faire partie des pays bénéficiaires de la deuxième phase de déploiement de ce câble, au même titre que la République Démocratique du Congo, l’Angola, la Namibie et l’Afrique du Sud.
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Le 8 juin 2015, le gouvernement camerounais, représenté par le ministre en charge des Postes et Télécommunications de l’époque, Jean Pierre Biyiti bi Essam, et la filiale locale du Français Orange signent un protocole d’accord. Selon les termes de cet accord, les deux parties s’engagent à payer leurs tickets d’entrée respectifs au consortium à 25 millions de dollars (13,7 milliards FCFA aux cours actuels) pour le Cameroun, et 15 millions de dollars (8,2 milliards FCFA aux cours actuels) pour Orange Cameroun. Ce dernier s’engage surtout à investir 1,5 milliard de FCFA pour la construction de la station d’atterrissement du câble ACE dans la ville de Kribi. En contrepartie de cet investissement, le gouvernement s’engage à lui garantir l’accès à des capacités compatibles à ses propres besoins.
Le 2 octobre 2020, Minette Libom Li Likeng est nommée ministre des Postes et Télécommunications. Et dans le «Plan Stratégique Cameroun numérique 2020» rendu public en mai 2016, elle retient la construction des points d’atterrissement des câbles sous-marins ACE et CBCS (Cameroonto Brazil Cable Systems) parmi les projets prioritaires, pour un montant d’un peu plus de 236 milliards FCFA. Les deux projets, qui devaient être opérationnels au plus tard en 2018, devaient aussi porter à cinq, le nombre de points d’accès du Cameroun aux câbles sous-marins à fibre optique.
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Si le Cameroun est relié à la ville brésilienne de Fortaleza grâce au câble CBCS depuis septembre 2018, le pays ne bénéficie toujours pas des capacités du câble ACE. Alors pourquoi ? Selon un haut responsable du Minpostel, le Cameroun a déjà payé «substantiellement» sa contribution d’entrée dans le consortium. Selon la source de Ecomatin, l’Etat camerounais aurait toutefois décidé de suspendre ce paiement, en raison de «profonds désaccords sur la contrepartie en capacités demandée par Orange Cameroun pour construire le point d’atterrissement. « Nous allons engager d’ultimes négociations avec les autres parties et ce n’est qu’au terme desdites négociations que nous déciderons d’adhérer ou de nous retirer du projet ACE » ajoute-t-elle.