Blanchiment des capitaux : le Cameroun mis en demeure par le Gabac
Suite aux lacunes observées dans son dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et la lutte contre le terrorisme, le Groupe d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique centrale (Gabac), a mis en demeure le Cameroun, qui devra apporter, d'ici février 2023, les corrections pertinentes aux dysfonctionnements relevés.
D’après les résultats de deux évaluations menées alternativement par le gouvernement du Cameroun (Evaluation nationale des risques) et le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (Gabac), le Cameroun affiche la note «Élevé», concernant les risques de blanchiment des capitaux. Cet indice négatif fait suite aux multiples facteurs de vulnérabilité que présente le dispositif de lutte contre ce fléau économique. Le cas du Cameroun a été évoqué, du 11 au 13 mai 2022 à Douala, lors de la deuxième session de formation des magistrats et officiers de police judiciaire. Des pesanteurs administratives et techniques freinent la mise en œuvre des engagements du Cameroun dans le cadre du blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
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«Qu’est-ce qui pourrait expliquer l’absence de décisions pour blanchiment, alors même que d’après l’évaluation nationale des risques conduite par nous-mêmes, le risque de blanchiment est jugé élevé, à cause des multiples facteurs de vulnérabilité que présente notre dispositif? Ensuite, comment comprendre que les rapports envoyés par l’Anif aux différentes autorités de poursuites, et dont la qualité est jugée bonne, non seulement par les autorités saisies, mais aussi par les experts du Gabac, n’aboutissent pas encore å des condamnations pour blanchiment? Enfin, à quel niveau de notre dispositif se trouverait le problème? », s’est opportunément interrogé Louis Paul Motaze, le ministre des Finances.
Acteurs concernés
Plusieurs dysfonctionnements ont effectivement été relevés: manque et rétention des décisions de justice, non déclaration des cas suspects de blanchiment de capitaux et de financiers du terrorisme, lourdeurs administratives, collusion frauduleuse entre services compétents et criminels etc.
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Le 22 mars 2022, le Gabac, par le biais de son Président Marcus Pleyer, a adressé une lettre d’observation au gouvernement camerounais sur les lacunes et les insuffisances du dispositif camerounais de lutte contre le blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme. « La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme concernent trois acteurs principaux. En amont, les professions assujetties, au centre, il y’a l’Anif (Alliance nationale d’investigation financière) et en aval, il y’a les autorités de poursuite et de réflexion. Il ressort également que l’Anif, et les professions assujetties font leur travail, mais les autorités de poursuite se heurtent à l’absence de loi sur le blanchiment des capitaux », a affirmé le Directeur général de l’Anif, Hubert Nde Sambone.
Comité de surveillance
Le Cameroun dispose par conséquent d’un peu plus de 6 mois, jusqu’en février 2023, pour apporter des réponses satisfaisantes aux recommandations principales faites par les experts du Gabac qui ont évalué le dispositif contesté. « À titre de rappel, le blanchiment des capitaux peut entrainer des bouleversements de notre équilibre macro-économique, le discrédit de notre système financier, et la perte de la confiance de nos partenaires financiers internationaux », a ajouté Louis Paul Motaze.
Rappelons que l’Anif a lancé un plan d’actions prioritaires, pour la période 2021-2024. Ledit plan permettra de corriger les lacunes liées à l’absence d’un cadre juridique formel régissant les sociétés de transfert de fonds, l’absence de corps spécialisés au sein des autorités d’enquêtes et de poursuites en matière de financement du terrorisme, l’absence de sanctions administratives et pénales dans la mise en application des diligences de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme».
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D’après les statistiques officielles, les déclarations de soupçons reçues par l’Anif sont passées de 450 à 782 déclarations, entre 2019 et 2020. L’agence d’investigation a transmis plus de 300 rapports aux autorités judiciaires en 2020. Le Cameroun, à travers le ministère des Finances, a mis sur pied un Comité de surveillance et de réflexion, afin de permettre aux différents acteurs d’apporter des solutions aux problèmes soulevés par le Gabac. Supervisé par le ministre des Finances et piloté par l’Anif, les membres de ce Comité de surveillance et de réflexion ont été nommés, le 14 avril 2022.