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Au Cameroun, les fausses déclarations sur la production de l’or font florès

Dans une étude sur le suivi de la vision minière africaine (VMA) au Cameroun, le Centre régional africain pour le développement communautaire et endogène (Cradec) et d’autres organisations de la société civile révèlent cet aspect. Tout comme à l’époque déjà, le Cadre d’appui et de promotion de l’artisanat minier (Capam). Pendant ce temps, les déclarations de la Société nationale des Mines (Sonamines) sur les quantités collectées par en 2021 butent sur un rapport de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) qui évoquent des dissonances entre les exportations du Cameroun vers les Emirats arabes unis de 2008 à 2017.

Une résurrection. Mieux, une exhumation. Tant les fausses déclarations de productions par les opérateurs miniers ont la peau dure, malgré les mécanismes publics et les initiatives privées pour l’éradiquer. Elles sont encore apparues dans une étude récemment commise par le Cradec et d’autres organisations de la société civile (OSC) du Cameroun sur « le suivi de la domestication de la vision minière africaine et le partage des bénéfices issus du secteur minier : cas du Cameroun ». Ces entités relèvent que «les déclarations de production ne sont pas faites ou ne sont pas exactes». Une situation qui, selon ces OSC, « impacte sur les bénéfices à partager dans le cadre de la taxe à l’extraction et la taxe ad valorem, toutes deux des redevances proportionnelles à la production ».

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Le rapport du Cradec rejoint celui de mai 2021 d’Interpol sur « l’exploitation aurifère illégale en Afrique centrale ». «De 2008 à 2017, on constate d’importantes différences entre la déclaration n annuelle du Cameroun sur les exportations vers les Émirats arabes unis et celle des Émirats arabes unis sur les importations depuis le Cameroun ». En effet, ce rapport indique que « selon le Cameroun, les exportations annuelles vers les Émirats arabes unis n’ont jamais dépassé 32 kg ». Or, en 2017, souligne Interpol, « pendant que les Émirats arabes unis reconnaissaient avoir importé 10,9 tonnes d’or en provenance du Cameroun, celui-ci ne déclarait que 4 kg d’or exportés vers ce pays du Moyen-Orient ».

En 2010, 90% de l’or dans l’informel

Bien avant le Cradec et Interpol, il y a plus de 10 ans, le Capam (l’ancêtre de la Sonamines, ndlr), évoquait déjà « les quantités d’or qui se perdent dans les circuits informels au Cameroun ». Dans une interview accordée au quotidien privé « Mutations » le 16 juin 2010, l’ancien coordonnateur du Capam, Paul Ntep Gwet, affirmait que « le Capam, chargé de canaliser l’or produit au Cameroun dans le circuit formel, fait face à une concurrence déloyale des trafiquants. Ces derniers achètent les quantités d’or produites par les artisans miniers avec notre appui technique et financier. Et à des prix supérieurs à ceux pratiqués à l’international. Ce sont des réseaux bien huilés de blanchiment d’argent et d’appui aux monnaies étrangères. » « Plus grave, déclare-t-il, sur les 100 Kg d’or produits au Cameroun chaque mois, 90% sont canalisés dans les circuits des trafiquants ».

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Dans le même sens, selon un rapport de mission d’avril 2016 du Capam, du fait des fausses déclarations de productions dont se rendaient complices ses personnels, l’Etat enregistrait des pertes d’environ un milliard de FCFA par mois dans les sites miniers de la région de l’Est. En son temps, le Capam avait pris la résolution de « renforcer les brigades minières avec des éléments de sécurité armés, notamment la gendarmerie, ceux présents sur le terrain ayant déjà des familiarités avec les trafiquants ». Pour accompagner cette mesure, le Capam sollicitait du gouvernement l’ouverture d’une ligne de crédit d’un milliard de FCFA par an pour l’achat des quantités d’or canalisées dans les circuits formels.

Entre-temps, en 2020, selon le rapport sur « la situation et les perspectives économiques, sociales, et financières de la nation » du ministère des Finances (Minfi), les 233,2 kg d’or produits par le Cameroun étaient en baisse de 25,8% par rapport à la production de 2019. De cette production, la quote-part rétrocédée à l’Etat par le Cadre d’appui et de promotion à l’artisanat minier (Capam) était de 38,5 kg. Le Minfi justifie ce recul par « le non-renouvellement des autorisations d’exploitation, la réduction du nombre d’exploitants et les effets de la pandémie de la Covid-19 qui ont induit une interruption des activités ».

Réserves sur les chiffres de la Sonamines C’est sur ces entrefaites que le président de la République décide de créer le 14 décembre 2020 la Sonamines. Elle est chargée, entre autres, « de la promotion de la transparence dans le secteur minier ». C’est sur ce terrain que les équipes du directeur général (DG), Serge Hervé Boyogueno, étaient attendues. Elles semblent avoir relevé le défi. Dans une interview accordée à votre journal le 27 décembre 2021, le DG révèle que « la collecte de l’or pour le compte de l’Etat a augmenté de 93% en 2021 ». Précisément, du 17 juillet au 30 novembre 2021. Selon M. Boyogueno, au cours de cette période, « 43,46 kg d’or ont été collectés, soit une augmentation de 93,29% par rapport à la même période en 2020 et 138,86 % en 2019 ». Pour arriver à ce score, le DG de la Sonamines dit avoir repris « la collecte de l’impôt synthétique minier libératoire dans différents sites miniers » et resserré « le suivi et le contrôle de la production de l’or ».

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Pour autant, des observateurs émettent des réserves sur la véracité des chiffres avancés. « Seule une contre-expertise peut en établir la réalité dans un système toujours déclaratif », souffle un cadre d’une OSC à Yaoundé. Pour un autre, qui a participé à l’étude du Cradec, « nos affirmations sont de mai 2021, antérieures à la période prise en compte par la Sonamines. Cette dernière a déployé plus de personnel dans les sites miniers que le Capam dont le personnel en sous-effectif justifiait le peu de résultat dans le suivi et le contrôle des productions d’or. Cependant, l’enquête d’Interpol sur les exportations d’or vers les Emirats arabes unis peut aider à démêler cet écheveau ».

Au-delà de toute diatribe, le rapport du Cradec recommande de « s’assurer de l’effectivité et l’efficacité du mécanisme de contrôle et de suivi de la production ». Le dispositif mis en place pourrait être coordonné par le ministère des Mines, de l’Industrie et du développement technologique (Minmidt) à travers la Brigade minière et du cadastre minier.

Par Bernard Bangda et Amina Malloum

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