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Au Cameroun, le ministre des Finances suspend un impôt « controversé » sur les revenus des salariés

Après les plaintes des groupements patronaux, Louis Paul Motaze met un frein au sujet de l’imposition sur les avantages en nature des salariés : logement, électricité, eau, véhicule, domestiques, nourriture.

Dans une correspondance datée du 12 janvier 2024 aux Groupements Patronaux, le ministre des Finances (Minfi), Louis Paul Motaze, a prescrit la suspension d’un impôt controversé sur les revenus des personnes. Il écrit à cet effet : « j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir requérir de toutes les entreprises de votre groupement et de tous les employeurs du secteur privé de surseoir à l’application de ces dispositions nouvelles en attendant des précisions ultérieures sur leurs modalité d’application et de mise en œuvre ».

La suspension dont il s’agit ici concerne l’imposition globale des avantages en argent versé aux salariés au titre d’avantages en nature : logement, électricité, eau, véhicule, domestiques, nourriture.

Le rétropédalage du Minfi survient à la suite d’une conjonction de plaintes des entreprises et organisations du secteur privé. En effet, le 10 janvier dernier, les associations du secteur de l’industrie et les Chambres de commerce ont saisi Louis Paul Motaze pour se plaindre d’une « situation préoccupante » pour les salariés des entreprises du secteur formel, lourdement impactés au niveau de leur impôt sur le revenu des personnes physiques. « Ces nouvelles dispositions fiscales génèrent une augmentation très substantielle de l’imposition des salariés, et donc, corrélativement, une forte diminution de leurs revenus nets disponibles, après retenue à la source de l’IRPP et autres impôts, taxes et cotisations effectuées par leurs employeurs », écrivent les industriels.

Ils poursuivent : « lorsque les salariés bénéficient de la prise en charge par leurs entreprises de certains avantages, ceux-ci sont fiscalisés par application d’un taux appliqué aux salaires bruts. Les avantages en nature concernés étaient jusqu’à présent : le logement (15%), le véhicule (10%), la domesticité (5% par domestique), l’eau (2%) et l’électricité (4%) ». Les plaignants notent que la loi de finances 2024 a créé quatre nouveaux avantages en nature forfaitisés : téléphone : 5% ; carburant : 10% ; gardiennage : 5% ; internet : 5%. Pour le secteur des industries, ces taux surévalués par rapport à la charge réelle et aux salaires moyens des bénéficiaires, participeront d’une augmentation substantielle de la fiscalité sur les salaires.

Toujours pour les industries, cette hausse de la pression fiscale impacte une large majorité des salariés du secteur formel, et obère sensiblement leur pouvoir d’achat dans un contexte économique dégradé.

Cette inquiétude rejoint celle d’un responsable du secteur brassicole qui explique que ces nouveaux impôts tombent mal dans un contexte où les employeurs du secteur des industries subissent une inflation généralisée des coûts de production du fait de la hausse des matières premières, les coupures intempestives d’énergie. Malgré ces difficultés, les industriels sont interdits d’augmenter les prix afin d’atténuer les pertes.

Analyse

Pour le président de l’Association camerounaise pour la défense des droits des contribuables (ACDC), Mazou Mouliom, ces nouveaux impôts sont malvenus. « Les salariés sont pour la grande majorité dans la couche de la population la moins aisée car ayant des salaires misérables. C’est malheureusement la cible facile car, subissant des retenues à la source, il est plus facile de leur prélever efficacement les impôts. Les vraies niches fiscales existent dans notre pays mais trop de complaisance et de politiques politiciennes empêchent l’équité fiscale. Venir imposer ces avantages contribue à les plonger dans une extrême pauvreté car automatiquement, leur pouvoir d’achat deviendra de plus en plus faible ».

Pour le compte de l’exercice 2024, il est attendu au titre des impôts et taxes, des recettes un montant de 2 888,4 milliards de F CFA en hausse de 14,5% par rapport à l’objectif de l’exercice 2023 fixé à 2 523,4 milliards de F CFA. Cette augmentation tient compte de la reprise de l’activité économique et des mesures nouvelles.

Au cours de l’exercice 2024, la Direction Générale des Impôts prévoit une réalisation de recettes base caisse, c’est-à-dire susceptible d’alimenter les circuits du Trésor, d’un montant de 2 407,2 milliards de F CFA et un montant prévisionnel de recettes d’ordre de 481,2 milliards de F CFA.

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