Affaire Glencore: ce que risquent la SNH et la Sonara, après la plainte de Me Akere Muna
D'après les spécialistes, si les faits de corruption, blanchiment d'argent, fraude fiscale et fraude douanière, contenus dans les 3 plaintes déposées par l'ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats du Cameroun Akere Muna, sont avérés, la responsabilité pénale des dirigeants de ces entreprises pourrait être engagée. Ils redoutent par ailleurs, réparation et paiement des dommages intérêts au bénéfice de la partie lésée.
L’avocat international Me Akere Muna a finalement mis sa menace à exécution. À travers un communiqué publié ce 11 avril 2023, l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun dit avoir saisi le Procureur de la République près du tribunal de grande instance du Wouri, celui du tribunal de grande instance du Mfoundi, et le Senior state counsel legal department de Limbe, respectivement contre le négociant Glencore dont la filiale camerounaise est basée à Douala, la Société nationale des hydrocarbures (SNH), dont le siège est à Yaoundé, et la Sonara basée à Limbe, dans la région du Sud-ouest.
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L’avocat relève contre ces trois institutions, des faits de corruption, blanchiment d’argent, fraude fiscale et fraude douanière, documentés sur 107 pages. Alors que ce dossier refait surface 10 mois après les révélations faites par la justice Américaine et le Serious Fraud Office (SFO) de Londres sur Glencore, certains s’interrogent sur les conséquences des plaintes déposées par Me Akere Muna et ses fondements en droit. Sur ce dernier cas, le demandeur s’appuie sur l’article 135 al.1 de la Section lll du Code de procédure pénal Camerounais, relative aux attributions du Procureur de la République.
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Sur les conséquences encourues par les défendeurs, les juristes sont également formels: « la responsabilité pénale des dirigeants peut être engagée », indique un avocat au Barreau du Cameroun ayant requis l’anonymat. Rappelons, par exemple, que d’après l’article 134 al. 1 du Code pénal camerounais, le délit de corruption est sanctionné par une peine d’emprisonnement de un (01) à cinq (05) ans.
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Concernant la fraude fiscale, les articles L107 et L108 du Livre de procédures fiscales du Cameroun punis d’une peine d’emprisonnement allant de un (1) à cinq (5) ans. « Il y aura également possibilité de réparation et de paiement de dommages intérêts au bénéfice de la partie lésée », ajoute cet avocat. Les dispositions du Code pénal camerounais prévoient, en cas de corruption, le paiement d’une amende de 100 000 F à 1 million de FCFA.
Quant à la fraude fiscale, les articles L 107 et L 108 du Livre prévoient, pour les personnes reconnues coupables de cette infraction, le paiement d’une amende de 500 000 à 5 millions de francs. « Lorsqu’on applique ces faits relevés par Me Akere Muna à la règle de droit, cette procédure n’a que des raisons de prospérer. Dans l’affaire Glencore, Me Akere Muna s’est rangé aux côtés de la justice internationale et de la justice Camerounaise pour faire éclater la vérité, établir les responsabilités et prendre les sanctions appropriées », a indiqué Sylvestre Magloire Tamo, avocat au Barreau du Cameroun.
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Rappelons également que c’est depuis 2018 que le groupe Anglo-Suisse de négoce en produits pétroliers, Glencore est sous le coup de graves accusations de corruption et de manipulation de marchés en Afrique et en Amérique latine. Parmi les pays impliqués, d’après une enquête rondement menée par la justice américaine et le Serious Fraud Office en Grande-Bretagne, figure le Cameroun. D’après le Bureau Londonien du SFO, et suite à des enquêtes pour des faits lancés en 2019, Glencore aurait versé au moins (10) dix millions d’euros en pots-de-vin à des agents de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et de la Société nationale de raffinage (Sonara). Soit environ 6,5 milliards de FCFA.
Glencore a finalement reconnu sa culpabilité, acculé par le Département américain de la justice. Pour ce faire, le groupe accepte par ailleurs de s’acquitter de 700 millions de dollars d’amende. Le négociant doit en outre régler une pénalité de 486 millions de dollars pour manipulation de prix sur les marchés pétroliers. Malgré ces aveux actifs, les acteurs locaux concernés dans ce dossier brûlant se dédouanent les uns après les autres. Au Cameroun, les entreprises citées nient en bloc les faits.