Accident d’Eseka : Cerutti dénonce CAMRAIL auprès de Paul Biya
Dans une correspondance adressée au chef de l’Etat, le cabinet français, chargé de déterminer les causes de l’accident ferroviaire, fait le reproche à la filiale de Bolloré au Cameroun d’avoir dissimulé le rapport global et définitif des origines de la catastrophe.
Le 21 octobre 2019, les Camerounais vont commémorer le troisième anniversaire de la catastrophe ferroviaire d’Eseka. Le timing était parfait pour le cabinet d’expertise français, Pierre Cerutti, de remettre sur la table certains aspects de cet accident encore encré dans la mémoire collective. D’après ce cabinet choisi pour évaluer la catastrophe, seul le rapport d’étape a été rendu public.
« Le rapport définitif du cabinet Cerutti du 14 février 2017 n’a jamais été communiqué ni aux magistrats ni aux conseils des victimes. Seul le rapport d’étape du cabinet Cerutti du 21 novembre 2016 a été produit en justice alors que le rapport d’expertise de 70 pages, qui avait été adressé par DHL à la présidence de la République du Cameroun en 46 exemplaires (23 en langue française et 23 en langue anglaise) à l’attention d’un haut commis de l’État encore en fonction (et réceptionné par ses soins) dont 2 exemplaires de grand luxe à votre attention, a totalement disparu », peut-on lire dans une correspondance adressé au président camerounais, Paul Biya.
Le document final, qui comportait d’autres détails sur les origines de l’accident, n’a malheureusement pas été exploité lors des différentes procédures judiciaires ouvertes au tribunal d’Eseka. Parmi ceux-ci, énumère le cabinet, se trouvaient les précisions destinées aux juges du tribunal d’Eseka sur les causes et circonstances de l’accident, des démonstrations techniques et scientifiques des fautes graves, ainsi que des manquements commis par la Cameroon Railways company (CAMRAIL), depuis la direction générale jusqu’aux équipes opérationnelles. « De telles irrégularités étant de nature à avoir faussé la bonne administration de la justice dans cette affaire d’une particulière gravité, il est de mon devoir d’attirer respectueusement votre attention à ce sujet. Je me tiens à votre disposition pour vous soumettre toutes les pièces qui justifient mes déclarations », précise Pierre Cerutti à Paul Biya.
Le cabinet implore l’arbitrage du chef de l’Etat afin de « laver les soupçons d’irrégularités ainsi que l’accusation de corruption » porté à l’encontre de Cerutti par la société CAMRAIL. En effet, rapporte-t-il, ces « accusations inacceptables » trouvent leur origine première dans le plagiat du rapport d’étape du cabinet français par le nommé Benoit Essiga, qui prétend avoir reçu du procureur de la République du Cameroun, l’autorisation de mener une mission parallèle sur la même affaire. Il est reproché d’avoir publié un rapport d’expertise réalisé par ses soins dont des pans entiers ont été simplement copiés sur le rapport d’étape du cabinet Cerutti.
Contacté par EcoMatin, CAMRAIL n’a pas souhaité faire de commentaire sur cette lettre du cabinet Cerutti adressée au président Paul Biya. Toujours est-il qu’avec cette sortie du cabinet d’expertise, on pourrait assister à un rebondissement au sujet de cet accident dont le bilan officiel faisait état de 79 morts et quelque 600 blessés.