Abbas Mahamat Tolli : l’homme des réformes
A la tête de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale depuis 2017, le gouverneur a engagé de nombreuses réformes qui aujourd’hui continuent de porter des fruits.
Sa jeunesse, son expérience, son intelligence, ses qualités personnelles et son ascension fulgurante dans la haute administration sont sans doute quelques qualités qui lui ont valu d’être désigné par les chefs d’Etats de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Des qualités relevées à plus d’un titre par ceux qui ont eu à le côtoyer, et qui suffisent à balayer d’un revers de la main l’hypothèse d’une ascension du fait de sa filiation ; car faut-il le rappeler, Abbas Mahamat Tolli est le neveu de l’actuel président Tchadien. «Grâce à votre esprit de rassemblement, je suis convaincu que ces objectifs ambitieux mais réalistes, seront atteints en misant sur le soutien sans faille de tout le Gouvernement ainsi que du personnel de la BEAC sans distinction » relevait alors le président du Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) à la cérémonie d’installation d’Abbas Mahamt Tolli comme gouverneur. Mais avant d’accéder à cette haute fonction, Abbas Mahamat Tolli c’est avant tout un féru du travail à l’autorité naturelle et à la pondération avéré.
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Fils de Haïga Déby Itno, la grande sœur du président tchadien, Abbas Mahamat Tolli est né le 04 juin 1972 à Abéché, en République du Tchad. Au terme des études supérieures, notamment à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Paris et à l’Université du Québec, Monsieur Abbas Mahamt Tolli intègre l’Administration Publique tchadienne où, par son travail, ses compétences et ses qualités personnelles, il connait une brillante ascension professionnelle. C’est ainsi qu’en 2001, il est appelé pour servir au sein du Ministère des Finances en tant que Directeur des Douanes et Droits Indirects, et qu’en 2003, il assume les fonctions de Directeur du Cabinet Civil du Président de la République du Tchad. A partir de 2004, un nouveau temps fort va rythmer la vie professionnelle de ce haut commis de l’Etat. Monsieur Abbas Mahamat olli intègre le Gouvernement de son pays en qualité de Secrétaire d’Etat aux Finances à l’âge de 32 ans. Puis, de 2005 à 2008, il occupe tour à tour les fonctions de Ministre des Finances, de Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, et de Ministre des Finances et de l’Informatique.
Muni de cette riche expérience sur le plan national axée sur les questions économiques, Monsieur Abbas Mahamat Tolli élargit son champ d’action à l’espace communautaire. En 2008, il est appelé à intégrer pour le compte du Tchad le tout nouveau Gouvernement de la BEAC à six (6) membres pour y occuper le poste de Secrétaire Général. En 2011, alors que son pays engageait d’importants chantiers pour se doter en infrastructures modernes, il est rappelé chez lui pour se voir confier les rênes du Département ministériel au cœur de cette vision, en l’occurrence le Ministère des Infrastructures et Equipements. A partir de 2012, la Communauté lui fait de nouveau appel. Il se voit tout d’abord confier le mandat de Secrétaire Général de la Commission Bancaire de l’Afrique Central (Cobac), ensuite en 2015, il occupe le poste de Président de la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale (Bdeac).
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Contexte
Au moment où il prend la tête de la Banque Centrale en février 2017, le gouverneur de la Beac est confronté à des défis majeurs. La Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), connait des turbulences susceptibles de ralentir sa marche. La crise liée à la chute des cours mondiaux du pétrole brut freine les activités économiques, pèse fortement sur les comptes publics et extérieurs et grève les réserves de change. L’évolution des avoirs extérieurs indique qu’ils sont passés de plus de 8 000 milliards de francs CFA en janvier 2014 à moins de 3 000 milliards de francs CFA en décembre 2016. La croissance communautaire a chuté de 4,8 % à 1,7 % sur les deux dernières années, selon le FMI. Le déficit budgétaire communautaire se situait à 9 % du PIB contre 1,8 % en 2014. En vue d’une réponse macroéconomique et structurelle rapide, déterminée et coordonnée aux niveaux national et sous régional, les Etats de la Cemac (Cameroun, Gabon, Guinée Equatorial, Tchad, Congo et République Centrafricaine) avaient décidé d’ouvrir et de conclure à brève échéance des négociations bilatérales avec le Fonds monétaire international pour mieux structurer les efforts d’ajustement de leurs États.
Dans ce contexte, le rôle de la Beac était non seulement de mener à bien l’ensemble de ses missions statutaires, qui touchent notamment la politique monétaire et le système financier, mais également mettre son expertise au service des Etats dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs réformes. La tâche est donc lourde pour l’ancien Président de la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale (Bdeac). Âgé de 44 ans, le Tchadien se montre à la hauteur des enjeux. « La Beac ne saurait s’afficher comme un îlot de prospérité et d’opulence dans une sous-région en crise », clamait-il déjà à sa prise de fonctions, en février 2017. Ainsi, dans ce contexte fort périlleux, la banque centrale, conduite de main de maître par Abbas Mahamt Tolli a mené de nombreuses actions afin de réduire le volume de la liquidité banque centrale pour abaisser la pression sur les avoirs de réserve, redynamiser le marché interbancaire et optimiser la gestion de la liquidité, assurer un meilleur suivi des transferts sortants et de la position extérieure, réduire la perception du risque de crédit, par l’amélioration de la qualité de l’information financière et promouvoir les marchés de capitaux.
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Réformes
En ce qui concerne la réduction de la liquidité banque centrale, la Beac a notamment procédé au gel à leur niveau du 31 décembre 2017 des avances aux Trésors nationaux et à la consolidation sur 14 ans, dont 4 ans de différé, de l’ensemble des engagements des États vis-à-vis de la Beac à la même date. Cette consolidation porte sur un encours de 2 780,4 milliards au 31 mai 2020 au taux de 2 %. L’octroi par la Banque Centrale des financements monétaires directs a été abandonné. La redynamisation du marché interbancaire et l’optimisation de la gestion de la liquidité ont été réalisées au travers de l’ouverture effective du marché des titres de créances négociables et de la pension livrée, le réaménagement des règles, opérations et modalités d’intervention sur le marché monétaire, le renforcement et la dynamisation du marché interbancaire et la mise en place d’un dispositif d’apport de liquidité en urgence. Par ailleurs, la nouvelle réglementation des changes, perçue à l’entame de sa mise en œuvre comme une source de détérioration du climat des affaires dans la Cemac, est finalement apparu comme un instrument de consolidation de la position extérieure de la Cemac. Leur suivi méticuleux de la Beac de l’application de cette règlementation par la Beac s’est traduit par un hausse des rapatriements et des rétrocessions, ce qui a impacté positivement les réserves de la Communauté qui se sont établies à 4348 milliards de FCFA au 31 décembre 2019, contre 3777 milliards de FCFA une année au paravent. Au 30 juin 2020, les réserves de change de la Cemac ont atteint 5152 milliards de FCFA, soit une hausse de 20,5% du niveau des avoirs extérieurs enregistrées au 30 juin 2019 où ces avoirs se fixaient à 4276 milliards de FCFA. Si l’application de cette réforme fait aujourd’hui face à la réticence des opérateurs du secteur pétrolier et minier, le gouverneur de la Beac poursuit les négociations. Abbas Mahamat a ouvert un autre front de bataille, il s’agit des investissements directs et de portefeuilles étrangers. Conformément au règlement susmentionné, le gouverneur de la Beac a, au mois d’octobre dernier défini les conditions et modalités de réalisation des opérations y relatives.
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À la suite de la décision de la Conférence des Chefs d’État de la Cemac du 31 octobre 2017 à N’Djamena, donnant mandat à la Beac de réaliser la fusion des deux marchés boursiers de l’Afrique Centrale, la Banque Centrale a coordonné les actions qui ont permis le bon aboutissement aujourd’hui de cette importante réforme du marché financier régional. Ainsi plusieurs structures ont déjà été mises sur pied dans le cadre de cette réforme. Il s’agit de la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (Cosumaf), basé à Libreville ; la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale basée à Douala et le dépositaire central unique, rôle confié à titre transitoire à la Beac.
Lutte contre la Covid-19
La survenue de la pandémie du coronavirus a provoqué un véritable choc économique à travers le monde. Face à la gravité de ces conséquences économiques et financières anticipées, et à l’instar de plusieurs banques centrales dans le monde, la Beac a adopté une série de mesures d’assouplissement monétaire, en révisant à la baisse ses principaux taux d’intérêt directeurs. En effet, le taux d’intérêt des appels d’offres (TIAO) a été réduit de 25 points de base, en revenant de 3,50 à 3,25 %. Le taux de facilité de prêt marginal a, quant à lui, été davantage réduit de 100 points de base, soit de 6,00 % à 5,00 % ; accroissant de 260 milliards le montant de liquidités à injecter sur le marché monétaire. La Banque Centrale a ainsi porté le montant des injections de 6 liquidité sur le marché monétaire de 240 milliards à 500 milliards de FCFA et s’est engagée à relever ce montant en cas de besoin ; décidant de l’élargissement de la gamme des effets privés admis comme collatéral des opérations de politique monétaire ; et révisant à la baisse les niveaux des décotes applicables aux effets publics et privés admis comme collatéral pour les opérations de refinancement à la BEAC.
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Au titre des interventions directes, la Beac a pris deux mesures supplémentaires destinées à soutenir durablement la liquidité du marché monétaire. Il s’agit des injections de liquidités (150 milliards de FCFA) de logue échéance et des mesures d’interventions exceptionnelles directes. Cette dernière consistait en le rachat par la banque centrale des titres publics sur le marché secondaire pour un montant maximale de 600 milliards de FCFA à raison de 100 milliards de FCFA par Etat.