Réformes : la Cour des comptes aux oubliettes
Instaurée par les directives Cemac de 2011, cette institution imposée aux Etats membres de la communauté en vue de la modernisation de la gestion des finances publiques reste désespérément attendue. L’avant-projet de loi portant transposition desdites directives est pourtant prêt depuis 2017, et il en a été question au cours d’un débat hier au Sénat entre les sénateurs les responsables de la Cour suprême.
Les sénateurs ont invité des responsables de la Cour suprême dont la Chambre des comptes assure jusqu’ici le contrôle des finances publiques, pour débattre sur la nécessité de mettre enfin sur pied la Cour des comptes au Cameroun. Un vieux débat, à la vérité. Lors des travaux de la 4ème session de la plateforme de dialogue sur les finances publiques, courant juin 2018 à Yaoundé, le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, a assuré que depuis 2017, deux avant-projets de lois portant transposition des directives n°6 et n°1 et relatifs au Code de transparence et de bonne gouvernance et au régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, ont été introduits dans le circuit de validation interne après avis de conformité émis par la Commission de la Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale (Cemac). Lesdites directives, qui datent toutes de 2011, imposent aux Etats membres de la communauté, d’impliquer effectivement les élus du peuple que sont les sénateurs et les députés dans l’élaboration du budget de l’Etat, à travers l’organisation d’un Débat d’orientation budgétaire (Dob) au Parlement. Inutile de rappeler qu’au Cameroun, bien que le régime financier de l’Etat en vigueur, celui du 11 juillet 2018 en l’occurrence, ait prévu la tenue de ce type de discussion à partir de l’exercice budgétaire en cours, ce débat n’a toujours pas eu lieu au moment où l’on entame le troisième trimestre de l’année. Le gouvernement prépare donc en solo le budget 2020.
la Chambre des comptes de la Cour suprême qui, aux dires de son premier président, Daniel Mekobe Sone, « n’est pas loin d’exercer l’ensemble des prérogatives dévolues à la Cour des comptes » que les Etats membres de la Cemac « s’obligent à instituer chez eux ».
Quant à la Cour des comptes, institution jugée indispensable par la Cemac dans le dispositif de modernisation de la gestion des finances publiques dans les pays de la sous-région, les autorités camerounaises continuent étonnamment de lui préférer la Chambre des comptes de la Cour suprême qui, aux dires de son premier président, Daniel Mekobe Sone, « n’est pas loin d’exercer l’ensemble des prérogatives dévolues à la Cour des comptes » que les Etats membres de la Cemac « s’obligent à instituer chez eux ». Un avis que ne partage pas le ministère des Finances. Dans son rapport d’évaluation de la gestion des finances publiques 2017, cette administration estime que le degré d’indépendance de la Chambre des comptes, au sens recommandé par l’Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle (Intosai), est limité. « Ses compétences en matière d’audit sont aussi limitées par la législation et par la réglementation. Par ailleurs, elle ne peut exercer pleinement ses missions juridictionnelles en raison du manque de respect par les comptables de leurs obligations en matière de reddition des comptes », explique le document.
Entre autres éléments sur la réforme des finances publiques initiée par les 6 directives de la Cemac de 2011, il y a, en effet, le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats (budget de programme), la recherche de la performance de l’action publique, l’amélioration du cadre pluriannuel des finances publiques, l’élaboration d’un budget plus exhaustif et mieux documenté, et la responsabilisation de tous les acteurs des finances publiques. Selon la circulaire de sensibilisation et de dissémination des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques en Zone Cemac, ces directives « opèrent un renforcement du rôle de la Cour des comptes avec (1) la plénitude de juridiction, (2) l’élargissement de ses missions, (3) des responsabilités étendues à tous les agents publics assorties d’un régime de sanctions approprié ».