Gaston Eloundou Essomba : l’hyper-ministre
Tiraillé entre l’obligation d’améliorer l’offre en eau et en électricité et l’impératif de garantir l’approvisionnement continu du marché local en quantité et en qualité des produits pétroliers raffinés après l’incendie ayant provoqué l’arrêt de la production de la Sonara, le ministre de l’Eau et de l’Energie perd le sommeil.
Entre l’immense défi d’éviter une pénurie de produits pétroliers à la suite de l’incendie qui a ravagé certaines installations de la Société nationale de raffinage (Sonara), le 1er juin dernier, le lancement des barrages hydroélectriques prévus dans le cadre des projets structurants dits de seconde génération, le parachèvement suivi de la mise en service effective de ceux de première génération, l’amélioration de l’offre en eau attendu grâce, entre autres, au parachèvement du Projet d’extension d’alimentation en eau potable de la ville de Yaoundé à partir du fleuve Sanaga (Paepys), le ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee) doit avoir perdu le sommeil.
les importations de carburants seront consolidées et il n’y aura pas d’augmentation de prix à la pompe. C’est un pari gargantuesque que Gaston Eloundou Essomba a l’obligation de tenir.
Aux côté de trois de ses collègues membres du gouvernement, Gaston Eloundou Essomba était le 06 juin dernier sur les installations de la Sonara à Limbe (Sud-Ouest), pour non seulement constater l’ampleur des dégâts afin de proposer une option assortie des coûts de réhabilitation des unités de productions partie en fumée, mais aussi rassurer l’opinion quant aux dispositions prises en vue de garantir l’approvisionnement continu du marché local en quantité et en qualité des produits pétroliers raffinés.
La pression de Memve’ele et de Lom Pangar
Sur le dernier point, il a été clair : les importations de carburants seront consolidées et il n’y aura pas d’augmentation de prix à la pompe. C’est un pari gargantuesque que Gaston Eloundou Essomba a l’obligation de tenir. En 2018, le volume de produits pétroliers mis sur le marché national était de 221 286 m3. Les importations, elles s’élevaient à 411 520 m3 pour les marqueteurs et 963 559 m3 pour la Sonara pendant l’arrêt de production qu’elle a observé entre avril et juillet 2018. Etant donné que l’on est en milieu d’exercice, c’est la moitié des 221 286 m3 qu’il va falloir importer au cours des six prochains mois.
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Pour cette année 2019, Gaston Eloundou Essomba avait défendu une enveloppe budgétaire d’un peu plus de 202,6 milliards Fcfa au Parlement. Celle-ci a même connu une augmentation de 23 milliards Fcfa dans le cadre de l’ordonnance présidentielle du 29 mai dernier modifiant et complétant certaines dispositions de la loi de finances 2019. C’est-à-dire, bien avant l’incendie. C’est dire l’importance du ministère de l’Eau et de l’Energie dans un contexte où moins de 25% de la population rurale a accès à l’électricité, 80% de la population n’a pas accès à l’eau potable dans les trois régions septentrionales, etc. Après plus d’un moins d’instabilité marqué par des coupures intempestives d’eau et d’électricité qui ont mis Eloundou Essomba et le gouvernement en général sur la sellette, l’on assiste progressivement à la stabilisation des réseaux. Pour ce qui est de l’électricité, cela est dû à la mise sous tension des barrages hydroélectriques de Memve’ele et Mekin, construits dans la région du Sud.
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Les deux injectent désormais 90 Mw d’électricité dans le Réseau interconnecté Sud (Ris), mais l’on est encore loin de leurs capacités cumulées (211 + 15 Mw). « Nous étions obligés de le faire, compte tenu des contraintes du secteur ; notamment l’utilisation des centrales thermiques qui coûtait 1 milliard Fcfa par semaine ; une facture insupportable (…) Pour continuer à porter l’énergie aux Camerounais, il fallait rapidement trouver une solution, en attendant que la ligne haute tension en construction arrive à Yaoundé », a justifié le Minee au sujet de la mise sous tension de Memve’ele. Eloundou Essomba a pris l’engagement ferme que ce barrage, qui enregistre un peu plus de deux ans de retard par rapport à l’échéance initiale de 2017, sera mis en service définitivement en 2020. Celui de Mekin aussi.
Dans le même temps, il ne cesse de mettre la pression sur Electricity Development Corporation (EDC) et à son partenaire chinois CAMC Engineering, pour que l’usine de pied du barrage de Lom Pangar, d’une capacité de 30 MW et dont le coût des travaux s’élève 30 milliards Fcfa, soit livrée au plus tard au troisième trimestre 2021. L’électricité produite par cet ouvrage va desservir 150 villages de la région de l’Est.
Un palliatif pour Lagdo…
A la tête d’une mission avec les directeurs généraux de Electricity Development Corporation (Edc), Théodore Nsangou, d’Eneo Cameroon, Joël Nana Kontchou, de la Cameroon Water Utilities (Camwater), Gervais Bolenga et de plusieurs experts de son département ministériel, le ministre de l’Eau et de l’Energie a séjourné début mai dernier dans la région de l’Adamaoua, pour dresser un état des lieux du niveau de dégradation du barrage hydroélectrique de Lagdo, en vue de sa réhabilitation immédiate. D’une puissance installée de 72 Mw d’électricité, cet ouvrage construit entre 1977 et 1982 pour alimenter les régions de l’Adamaoua, de l’Extrême-Nord et du Nord, produit depuis une dizaine d’année moins de 50% de ses capacités. Conséquence, les trois régions septentrionales sont plongées dans une crise énergétique aigue, laquelle est aggravée par une faible pluviométrie dans cette partie du pays.
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Sa réhabilitation qui devrait débuter bientôt, selon le Minee, nécessite des financements de l’ordre de 100 milliards Fcfa. Et pour pallier le déficit de production de Lagdo, Gaston Eloundou a annoncé au terme de la visite évoquée supra, la construction prochaine d’une centrale solaire de 20 Mw dans le Septentrion.
Les défis de Grand Eweng, Nachtigal, Makay, Menchum…
Il est à préciser que, toujours l’Adamaoua, le projet de construction du barrage de Bini à Warak (75 Mw), qui a démarré en 2017, connaît quelques perturbations. Selon les statistiques officielles, la demande en électricité au Cameroun croit entre 6 et 8% par an. Celle en offre ne suit pas cette tendance, tranchant net avec les ambitions du pays de s’industrialiser davantage. En 2014, le Comité monétaire et financier du Cameroun avait insisté, dans un rapport, sur la nécessité pour le pays de porter sa production d’électricité à 3 millions de kilowatts (3000 Mw, contre environ 1300 Mw actuellement) pour pouvoir arriver à un taux de croissance réel de 9,5% à partir de 2018. Avec les barrages hydroélectriques de seconde génération en attente de lancement, on devra dépasser largement ce chiffre.
Eloundou Essomba doit par ailleurs concrétiser le projet de construction du plus grand barrage hydroélectrique jamais construit au Cameroun qui deviendra le quatrième plus important en Afrique, à savoir celui de Grand Eweng
L’un des plus importants est l’aménagement de Nachtigal sur le fleuve Sanaga (région du Centre), dont les travaux ont démarré fin 2018. D’une capacité de production de 420 Mw, cet ouvrage va coûter 786 milliards Fcfa. En janvier 2019, la Banque mondiale a mobilisé 108 milliards Fcfa en faveur de ce projet. Egalement inscrits dans le Programme de développement du secteur de l’électricité à l’horizon 2030, les barrages hydroélectriques de Makay (400 Mw) et Menchum (75 Mw) attendent également d’être lancés.
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Eloundou Essomba doit par ailleurs concrétiser le projet de construction du plus grand barrage hydroélectrique jamais construit au Cameroun qui deviendra le quatrième plus important en Afrique, à savoir celui de Grand Eweng dans le Nyong et Kellé (région du Centre), lequel aura une capacité de 1800 Mw d’énergie.
Quid du secteur de l’eau…
En dehors du domaine énergétique, l’actuel ministre de l’Eau et de l’Energie, qui s’est félicité de l’amélioration des volumes des stations de pompage d’eau d’Akomnyada (à Mbalmayo) et de la Mefou (Nkolbisson, à Yaoundé) grâce aux premiers Mw de Memve’ele et Mekin, devra tout faire pour que le Projet d’alimentation en eau potable de la ville de Yaoundé et ses environs à partir du fleuve Sanaga, dont le taux global d’avancement des travaux était de 30% à fin 2018, entre en production d’ici à fin 2020 au plus tard. Cette infrastructure est censée apporter une production supplémentaire de 315 000 m3/jour, alors que le déficit actuel est de seulement 215 000 m3/j. « 69% des ménages de Yaoundé subissent au moins quatre fois des coupures d’eau par mois. Ces coupures périodiques et chroniques poussent les ménages à s’alimenter en eau souterraine : les puits (35,9%), les sources non aménagées (5,6%) et les sources aménagées (46,6%) », relève l’Ong Africain Center for Advocacy (ACA), qui promeut l’égalité d’accès aux services de base pour tous en Afrique.
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Dans l’Extrême-Nord, la vieille promesse gouvernementale de construire 450 forages d’eau potable en faveur des populations prend progressivement corps, après le décès dans l’éboulement d’un puits, de quatre enfants qui cherchaient de l’eau à boire dans l’arrondissement de Tokombéré. Eloundou Essomba a annoncé récemment le déblocage d’une enveloppe de 4 milliards Fcfa pour les besoins de la cause. Sous le feu des projecteurs allumés par les crises qui se multiplient dans son secteur, Gaston Eloundou Essomba, l’hyper-ministre de la République, semble avoir cessé de dormir sur ses deux oreilles. Nommé ministre de l’Eau et de l’Energie le 02 mars 2018, celui qui était jusque-là directeur général de la Société camerounaise de dépôts pétroliers (Scdp) est sur tous les fronts. Résistera-t-il à une telle pression.