Informatique: les experts d’IBM et de CFAO au chevet du Cenadi
Leur expertise devrait permettre de comprendre l’origine de la panne qui est survenue il y a quelques mois au sein de cette structure en charge du traitement de la solde des agents publics.
Le Centre national de développement de l’informatique (Cenadi) est donc à présent sous diagnostic étranger. Lors de la première session du conseil de direction de cette institution, tenue le 13 mai dernier à Yaoundé, sous la présidence de Louis Paul Motaze, le ministre des Finances et président de cette instance, la direction générale du Cenadi a fait part aux membres du conseil de direction de la situation de son architecture matérielle et infrastructurelle. Qui, de l’avis du Minfi, « est un peu vieillissante, qui n’a pas été réformée et qui nous a posé un certain nombre de problèmes. Jusque-là, nous avons trouvé des solutions palliatives qui nous permettent que les salaires continuent d’être servis sans problème ». Néanmoins a annoncé Louis Paul Motaze, « des dispositions ont été prises pour que les experts d’IBM et de CFAO qui sont déjà là travaillent. Nous avons grand espoir que nous allons finir par comprendre ce qui s’est passé ». En effet, selon un document qui a fuité au mois de mars dernier, une panne avait détérioré les onduleurs (appareil central de régulation de la tension électrique) de la salle des machines du Cenadi, mettant à risque le traitement du solde du mois de mars 2019 dans toutes les administrations publiques. Cet incident enregistré au moment de lancer le traitement de la solde du mois de mars 2019, pourrait avoir été causé par des multiples variations de la tension électrique du réseau Eneo.
il a été prouvé que c’est via cette structure que nombre de fonctionnaires fictifs passent pour toucher frauduleusement des salaires et autres avantages financiers
Mais comme l’a fait remarquer Louis Paul Motaze, « heureusement, cette panne est arrivée après qu’on ait trouvé qu’il fallait qu’à même rattraper le retard. Ce qui fait qu’au mois de septembre 2018 grâce à l’intervention du ministère des Marchés publics, et du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, nous avons pu commander un matériel nouveau, parce que nous prévoyions effectivement que des pannes pouvaient arriver, nous n’avions pas beaucoup de garantie, nous n’avions pas beaucoup de couverture. Donc, ce matériel nouveau est arrivé depuis le mois de janvier 2019 ». Avant d’ajouter que «le Mindcaf nous a permis d’avoir des locaux pour avoir ce qu’on appelle le bag up, c’est-à-dire quand vous avez un matériel, s’il tombe en panne, il faut que vous puissiez avoir un matériel et un système de resserve pour prendre immédiatement le relais. C’est un travail technique qui continue avec les experts d’IBM et de CFAO ».
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En effet, la sécurité sur la plateforme du Cenadi est une préoccupation pour l’actuel patron des Finances. Car en réalité, c’est en son sein que s’opèrent toutes les manipulations du fichier solde du personnel de l’Etat. Un fichier qui fait l’objet de toutes les attentions du gouvernement en ce moment. Car, il a été prouvé que c’est via cette structure que nombre de fonctionnaires fictifs passent pour toucher frauduleusement des salaires et autres avantages financiers. Ce qui a d’ailleurs poussé l’Etat à lancer au mois de mai 2018, une opération de comptage physique des agents publics. Et après le lancement de cette opération d’assainissement du fichier solde de l’Etat, le ministre des Finances a recruté des experts en informatique pour minimiser les réseaux de fraudes financières. A titre de rappel, depuis le vendredi 4 mai 2018, Emmanuel Leubou, ancien haut responsable du Cenadi est en détention préventive pour détournement de deniers publics en coaction, pour manipulation illicite du fichier solde de l’Etat, ayant causé un préjudice de 13 milliards de FCFA à l’Etat. Emmanuel Lebou détenait les mots de passe devant permettre à d’autres personnes de traiter les salaires de l’Etat du mois de mai 2018.
Louis Paul Motaze ressuscite le conseil de direction
Il sort enfin de son long sommeil. Le conseil de direction du Cenadi. Et Louis Paul Motaze, le ministre des Finances n’hésitera au sortir de cette toute première session de qualifier cette réunion d’« un peu spéciale, parce que depuis qu’on a créé le Cenadi, nous avons noté que depuis 25 ans, le conseil de direction ne s’est pas réuni. Donc, il a été important qu’on relance cette instance, elle a été recomposée, les différentes administrations ont nommé leurs représentants ». Et au cours de cette réunion, la direction du Cenadi, apprend-on, a présenté la structure, notamment ses forces, ses atouts, ses opportunités mais également ses faiblesses.
Pour le Minfi, le fonctionnement effectif du conseil de direction, cet organe délibérant, constitue une amorce de réponse concrète aux nombreux défis auxquels fait face le Cenadi aujourd’hui
Et les faiblesses dues, selon le Minfi « au fait que pendant longtemps, un certain nombre de choses n’ont pas été faites. Et le conseil de direction a donc pris des résolutions fortes, mettre sur pied un cadre de réflexion qui doit travailler toutes affaires cessantes pour présenter à la prochaine session du conseil de direction, les réflexions, comment relancer le Cenadi, comment remettre le Cenadi dans l’environnement institutionnel et réglementaire qui existe et au vue des menaces que nous constatons. Voilà le travail que nous avons fait. C’est ce travail qui va conditionner la suite des débats ». Pour le Minfi, le fonctionnement effectif du conseil de direction, cet organe délibérant, constitue une amorce de réponse concrète aux nombreux défis auxquels fait face le Cenadi aujourd’hui. En effet, c’est depuis 1993 que le Cenadi a été rattaché par le décret présidentiel du 10 mai 1993 au Minfi, et depuis lors le conseil de direction ne s’est jamais réuni. Cette instance a pourtant les pouvoirs les plus étendus, selon les dispositions du décret du 12 août 1988 portant création et organisation du Cenadi qui, en son article 7 précise qu’il appartient au conseil de direction d’arrêter la politique générale du centre et de contrôler ses activités, d’approuver le programme d’action et rapport annuel d’activités. Le Cenadi fonctionnait depuis lors en marge de cette réglementation.
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Pourtant, les défis qui l’attendent cette instance ne sont moins importants. Notamment, repositionner le Cenadi sur les rails en tant que technostructure de l’informatique à compétence nationale, en ce qui concerne son fonctionnement, qui devra désormais être en droite ligne avec les dispositions de ses textes organiques. En plus, redynamiser le Cenadi afin qu’il puisse jouer efficacement son rôle d’organe chargé de la mise en œuvre de la politique informatique du gouvernement et de conseil du gouvernement et des entreprises publiques et parapubliques, voire privées, en matière d’informatique et de téléinformatique. Et enfin, repréciser la place du Cenadi dans le paysage institutionnel de la transformation numérique du Cameroun en cours, pour en faire l’un des maillons essentiels de la transformation numérique du Cameroun, suivant les orientations du Chef de l’Etat.
La modernisation et sécurisation de la plateforme technique du Cenadi en vue
Au ministère des Finances, l’on ne précise pas si le projet de modernisation et sécurisation de la plateforme technique du Cenadi a été confié aux entreprises IBM et CFAO. Louis Paul Motaze indique tout simplement que les experts de ces deux entreprises étrangères ont la charge d’expertiser et de faire comprendre ce qui s’est réellement passé lors du dernier incident survenu au sein de cette structure. Néanmoins, on se rappelle que le ministère des Finances avait au 30 mai 2018, lancé un appel public portant recrutement d’une entreprise nationale pour la mise en œuvre du projet de modernisation et sécurisation de la plateforme technique du Cenadi.
Les prestations attendues dans le cadre de ce projet consistaient en l’évaluation de la plateforme actuelle du Cenadi, l’estimation des besoins techniques et technologiques, la fourniture et la mise en service des équipements techniques et des logiciels, les aménagements des salles machines, la réhabilitation du réseau local du Cenadi, le déplacement du serveur z10BC pour son installation dans le site de relève, le démontage du serveur MP 2003, l’élaboration d’un plan stratégique de sécurité, enfin le renforcement des capacités des cadres du Centre national de développement de l’informatique. Il faut rappeler que c’est au Cenadi que se gère le Système informatique de gestion intégrée des personnels de l’Etat et de la solde (Sigipes).