Attractivité : Il y a trois ans, la conférence « Investir au Cameroun »
Le gouvernement n’est pas capable de présenter un seul investissement fruit de ce rendez-vous organisé à coup de milliards Fcfa les 17 et 18 mai 2016, et auquel plus de 800 hautes personnalités du monde des affaires, de l’économie, de la finance internationale et du monde politique avaient pris part.
Les 17 et 18 mai 2016, à l’initiative de la présidence de la République, Yaoundé a accueilli plus de 800 hautes personnalités du monde des affaires, de l’économie, de la finance internationale et du monde politique, tous frais payés par le contribuable, dans le cadre de la conférence économique internationale « Investir au Cameroun, Terre d’attractivités ». L’objectif était, pour les autorités camerounaises, de présenter aux hommes d’affaires, industriels, décideurs…venus d’Afrique et du monde, « les opportunités considérables » d’investissements dans le pays. Le gouvernement se vantait alors d’avoir posé les jalons d’une meilleure attractivité du Cameroun, avec les nombreux projets structurants lancés au début de la décennie 2010-2020, dans les domaines clés que sont : l’agro-industrie, les infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, l’énergie, l’immobilier, l’aménagement urbain, les industries extractives, etc. Et le principal objectif poursuivi par la conférence internationale de Yaoundé était de trouver des ressources et des partenaires non seulement pour le parachèvement des projets structurants de première génération qui constituent une base suffisamment solide pour l’industrialisation du Cameroun, mais aussi pour le lancement des projets structurants de seconde génération.
>> Lire aussi – Climat des affaires: le Cameroun classé pays à risque élevé par la Coface en 2019
A l’ouverture des travaux, le chef de l’Etat avait assuré : « Avec le développement de notre capacité énergétique en cours, nous allons pouvoir transformer nos matières premières d’origine agricole, minière et à partir de nos gisements d’hydrocarbures, jeter les bases d’une industrie chimique. Parallèlement, nous continuerons à développer notre industrie de l’aluminium et à utiliser le gaz comme source d’énergie pour nos usines. Nous avons prouvé ainsi, que nous sommes capables de sortir de l’économie de traite où nous avons été longtemps confinés ».
>> Lire aussi – Electricité : un secteur de plus en plus attractif au Cameroun
Plusieurs recommandations avaient été prises au terme des travaux présidés par le président de la République, Paul Biya, en personne (voir encadré). Trois ans après, le gouvernement n’est pas capable de présenter un seul projet, fruit de ce rendez-vous organisé tambours battants et à coup de milliards Fcfa. Personne ne sait ce qu’est devenue la convention de financement d’un montant de 150 milliards Fcfa, la seule signée en marge de cet événement, entre La Cameroon Telecommunications (Camtel) et l’entreprise américaine William F. Clark and Co Llp. L’ex-directeur général de Camtel, David Nkoto Emane avait expliqué, s’agissant de ce qui devait être fait des fonds mis à la disposition de son entreprise par William F. Clark and Co Llp, que les 2/3, soit 100 milliards Fcfa, allaient servir à la construction, au Boulevard du 20 mai à Yaoundé, de tours jumelles de 25 niveaux chacune, dont l’une devait servir de futur siège à l’opérateur public des télécommunications, et l’autre pour un hôtel 5 étoiles, des restaurants, etc.
>> Lire aussi – Business: le Cameroun pas toujours assez attractif
Présent à Yaoundé, l’ancien président de la Commission européenne, Emmanuel Barroso, avait lancé : «l’Afrique a besoin des infrastructures en termes d’énergie, des transports, que ce soit des routes, des chemins de fer mais aussi du numérique, du digital, des télécommunications». Sur le plan interne, il avait prôné l’État de droit, l’ouverture démocratique, l’accès à l’éducation, l’amélioration du climat des affaires, etc. De même, le haut fonctionnaire européen avait appelé à l’accélération du processus d’intégration régionale. Les autorités camerounaises semblent encore se presser très lentement sur la question. Conséquence, l’entrée en vigueur annoncée, le 30 mai prochain, de la Zone de libre-échange continentale (Zlec) africaine, se fera sans le Cameroun qui n’a toujours pas ratifié l’accord y relatif, alors qu’il avait été parmi les premiers pays à le signer en mars 2018 à Kigali, au Rwanda.
Déclaration de la Conférence « investir au Cameroun, terre d’attractivités »I) Les hautes personnalités du monde des affaires de l’économie, de la finance Internationale et du monde politique saluent cette initiative dont le format inédit a permis d’allier réflexions en plénière aux rencontres en ateliers entre porteurs de projets tant publics que privés et investisseurs étrangers et nationaux. Cette conférence a ainsi créé un véritable marché des investissements.
II) Les hautes personnalités ont eu, dans une atmosphère franche et cordiale, des échanges approfondis sur la contribution du secteur privé à la croissance de l’Afrique en général et plus spéciale. III) A l’issue des interventions en plénière et des échanges dans les tables rondes, les hautes personnalités ont adopté les recommandations ci-après pour un plan d’action en réponse à l’appel et aux attentes, du président de la République, contenus dans son discours d’ouverture : (1) Prendre acte des recommandations formulées pendant ces deux jours pour favoriser l’investissement privé qui est au cœur de toute croissance. (2) Renouveler l’engagement d’être davantage encore aux cotés des acteurs du secteur privé pour faciliter leurs démarches et les accompagner dans la réalisation effective de leurs projets au Cameroun. (3) Prendre les mesures prioritaires ci-après : 3.1- Mise en place à un niveau approprié, d’un conseil léger pour le suivi du financement et de la réalisation des projets identifiés et présentés au cours de la Conférence ; 3.2- Facilitation de l’obtention des visas pour les hommes d’affaires avec dématérialisation des démarches (mise en place d’une procédure de visa on line) et, en attendant, l’octroi généralisé des visas au débarquement ; 3.3- Création des zones économiques spéciales; 3.4- Encouragement des investissements privés par des facilités fiscales et administratives et une administration plus performante ; 3.5- Renforcement des liens avec les pays voisins de la CEMAC et du Nigéria, pour accroître la taille du marché régional. (4) Prendre des actions dans l’intérêt des camerounais. C’est bien pour eux et avec eux que le décollage économique du Cameroun doit être accéléré. A cet égard, il importe de : 4.1 Mettre l’homme au cœur de toute initiative économique en veillant notamment à ce que chaque projet contribue réellement à l’emploi et à l’amélioration des conditions de vie des populations ; 4.2 Favoriser une croissance et un développement durables respectueux de la nature et des générations à venir ; 4.3 Accélérer la formation des jeunes générations aux nouvelles technologies qui sont créatrices d’emploi ; 4.4 Accélérer la formation professionnelle des techniciens et des ingénieurs, si indispensables à l’industrialisation du pays, notamment pour les projets structurants et notre économie agricole. IV) Les hautes personnalités du monde des affaires de l’économie, de la finance internationale et du monde politique réunies à Yaoundé se feront les porte-parole de ce qu’ils ont entendu, vu et vécu au cours de ces deux jours d’intenses et fructueux échanges. Elles remercient les autorités camerounaises et les populations de Yaoundé pour leur accueil. |
Par ailleurs, dans le Doing Business 2019, le classement de la Banque mondiale des pays les plus attractifs en matière d’investissements, le Cameroun perd jusqu’à trois places. Le pays y occupe le 20e rang en Afrique (sur 54 pays) et le 129e mondial (sur 190 économies) en matière de réglementations prises pour faciliter l’accès des nouvelles entreprises au réseau d’électricité. Comparé à la moyenne de l’Afrique subsaharienne (112 jours et 5,2 procédures pour le raccordement au réseau), la Banque mondiale estime qu’il faut en moyenne 64 jours et 04 procédures au Cameroun. Conséquence, le stock des investissements privés reste insuffisant.
>> Lire aussi – Climat des affaires : 10 nouvelles recommandations pour le CBF 2019
Or, lors de la conférence internationale de Yaoundé, Paul Biya promettait que son gouvernement et lui-même allaient « améliorer l’environnement des affaires, en assurant aux opérateurs économiques une sécurité juridique convenable, un traitement fiscal équitable et de meilleures garanties pour les investissements ». Car, en étai-t-il conscient, « l’établissement d’un climat de confiance entre l’État et le secteur privé, qui pourrait donner naissance à un véritable partenariat, serait une donnée essentielle de la croissance». Alors que les autorités n’en parlent presque plus, dans un contexte marqué par une montée spectaculaire des tensions sécuritaires, la conférence « Investir au Cameroun, terre d’attractivités », laisse l’impression d’avoir été un rendez-vous pour rien.