Exclusion financière : les banquiers veulent officialiser le paiement des services bancaires minimums
Les acteurs du secteur bancaire et microfinances ont récemment saisi la Cobac parce qu’ils veulent un texte qui oblige les clients à payer pour l’ouverture des comptes, délivrance du relevé d’identité bancaire, consultation du compte sur place, paiement par chèques, etc.
La Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) a consulté récemment à Libreville, au Gabon, la profession bancaire et de microfinance sur les projets des règlements relatifs aux sanctions pécuniaires dans la Cemac. À l’occasion, Halilou Yerima Boubakary, secrétaire général (SG) de la Cobac, a présenté un exposé des motifs du projet de règlement Cemac relatif à la protection des consommateurs des produits et services bancaires dans la Cemac.
Halilou Yerima Boubakary a relevé qu’il n’existe pas actuellement un cadre juridique et spécifique de la Cobac qui régit les relations entre les établissements assujettis et leurs clients. L’adoption de ce dispositif dans le futur vise à promouvoir l’inclusion financière, réduire l’asymétrie d’information, ainsi que le déséquilibre contractuel entre le client et l’établissement assujetti, prévenir et réprimer les abus dont sont victimes les clients. Cet exposé a été suivi des échanges dont les points essentiels ont porté, notamment sur les services bancaires minimum garantis et le délai de traitement des réclamations des clients.
En d’autres termes, les banques et microfinances veulent les clients paient désormais pour l’ouverture des comptes, délivrance du relevé d’identité bancaire, consultation du compte sur place, paiement par chèques, etc.
Les participants ont suggéré que certains services demeurent payants pour permettre aux établissements de couvrir leurs charges d’exploitation et que la liste des services bancaires minimums (ouverture des comptes, délivrance du relevé d’identité bancaire, consultation du compte sur place, paiement par chèques, etc.), soit arrêtée par catégorie d’établissements. Ils ont indiqué également qu’il serait difficile, pour des raisons pratiques de retenir un délai réglementaire uniforme relatif au traitement des réclamations des clients. En d’autres termes, les banques et microfinances veulent les clients paient désormais pour l’ouverture des comptes, délivrance du relevé d’identité bancaire, consultation du compte sur place, paiement par chèques, etc.
Le secrétaire général de la Cobac a indiqué que la mise en place des services bancaires minimums vise l’inclusion financière et la pérennisation des activités des établissements assujettis. Toutefois, prenant en compte les observations des participants, le secrétaire général a décidé de rencontrer dans trois mois la profession bancaire et de microfinance en vue d’échanger sur les résultats des études d’impacts de la gratuité des services bancaires minimums sur la formation de leur PNB qui seraient conduites séparément tant par le secrétariat général de la Cobac que par les associations professionnelles .
Cela paraît invraisemblable en 2018, mais il est avéré que certains Camerounais paient encore pour des services bancaires gratuits. A preuve, révèle André Kanomegne Fominkeu’eu, président de l’association « Douze millions de consommateurs », entre 2015 et 2018, son ONG a reçu 180 plaintes à travers lesquelles, des usagers se plaignent des abus.
« Alors qu’ils constituent le plus grand groupe économique influençant et subissant presque toutes les décisions économiques publiques et privées lorsqu’ils sont éduqués, les consommateurs camerounais sont encore très peu informés sur les droits à leurs intérêts économiques », affirme M. Kanomegne Fominkeu’eu. Il souligne à cet effet la situation actuelle présente un faible niveau de réclamation.
En effet, André Kanomegne Fominkeu’eu affirme que, 2% des plaintes auprès de son association sont relatives aux conditions des banques, 3% concernent les services bancaires minimum garantis. « La majorité des consommateurs ne se rend pas compte ces services devraient être gratuits », fait remarquer le président de l’association « Douze millions de consommateurs ».
En outre, ajoute-t-il, le taux des plaintes dues à la délivrance des chéquiers est de 45%, celui du paiement électronique auprès d’un commerce est de 6% et 7% de réclamations concernent le retrait de liquidités auprès des guichets automatiques.
Les clients à la merci des banques
La commission est donc compétente pour régler les différends concernant les 15 services sans frais, et tout établissement de crédit est tenu d’offrir aux clients l’assiette du Service Bancaire Minimum Garanti (SBMG). Il s’agit de l’ouverture des comptes, la délivrance du relevé d’identité bancaire, la délivrance des chéquiers, la délivrance au guichet des formules de retrait d’espèces au profit du titulaire d’un compte, la délivrance des livrets d’épargne, le paiement par carte bancaire auprès d’un commerce au Cameroun, la consultation du compte sur place, la délivrance d’attestation de non redevance, le paiement par chèque, le versement d’espèces dans les agences d’une même banque, le retrait d’espèces sur la même place bancaire, le virement de compte à compte dans une même banque, le retrait des billets dans les guichets automatiques bancaires de la banque du porteur de la carte, le changement d’adresse et la délivrance du relevé de compte mensuel.
Le SBMG vise à favoriser l’inclusion financière et l’accès des services bancaires aux personnes à faibles revenus au Cameroun. Depuis son institution en 2011, le taux de bancarisation en faveur des particuliers a connu une forte progression au niveau du secteur bancaire qui compte 14 banques avec des ressources collectées de 3 525 milliards FCFA et 2 990 milliards de crédits octroyés au 31 décembre 2015.
La commission d’arbitrage a donc pour mission la protection du consommateur à travers la régulation des relations qui existent entre ce dernier et les prestataires de services financiers. La commission peut compter sur la constante disponibilité de l’autorité monétaire, du Conseil National du Crédit pour l’appui nécessaire à la bonne exécution de sa mission au service de la communauté financière pour un Cameroun émergent à l’horizon 2035.
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Péril sur l’inclusion financière
Globalement, le niveau d’inclusion financière est relativement bas au Cameroun, selon cette enquête. Si le paiement des services bancaires minimums est validé par la Cobac, cela risque porter un préjudice au processus d’inclusion financière au Cameroun. En effet, seulement 10% des 15 ans et plus sont bancarisés (servis par les banques). Le crédit formel (3%) n’est pas largement utilisé dans le pays. Il se dégage une préférence pour le crédit informel (11%). De plus, environ 10% ont accès au crédit auprès de leur famille et de leurs amis. « L’éducation des consommateurs et l’éducation financière sont de réels problèmes au Cameroun, principalement dans le domaine de l’assurance, où la plupart des adultes n’ont pas de connaissances financières », indique l’étude.
Car, environ 51% des adultes ont indiqué avoir besoin de formation en éducation financière, principalement pour obtenir de l’information sur la manière d’épargner et sur les avantages des produits financiers. Et puis, 45% des adultes ne cherchent aucun conseil financier et sont pris au piège du manque d’informations financières. « Seulement 29% des 15 ans et plus sont enregistrés comme utilisateurs de Mobile Money contre 76% de pénétration mobile ; ce qui montre qu’il y a de l’opportunité pour accroître l’inclusion financière digitale. Ceci est important, car le Mobile Money est un produit financier relativement nouveau avec d’énormes potentialités », relève FinScope.
Défis
En dépit des avancées observées ces dernières années, en matière d’inclusion financière au Cameroun, notamment grâce au service Mobile Money des opérateurs de la téléphonie mobile, le pays dispose encore d’importantes marges de progression dans le domaine. Mais, pour réaliser ce potentiel, beaucoup d’obstacles doivent être levés, selon le Global Microscope 2018.
« Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour mettre en œuvre sa stratégie d’inclusion financière et la numérisation de ses paiements est faible. La réglementation financière au Cameroun limite l’émission de monnaie électronique aux banques. En conséquence, les opérateurs de télécommunications doivent offrir des services uniquement en association avec des banques », fait observer le Global Microscope 2018, un rapport de l’unité d’intelligence économique du célèbre journal The Economist.
Parmi ces obstacles qui freinent l’inclusion financière, le rapport cite également l’interdiction faite aux opérateurs télécoms d’effectuer des transferts à l’extérieur du pays via le Mobile Money, ou encore « les taux d’imposition relativement élevés » des transferts d’argent électroniques, dans la mesure où, souligne le rapport, « le transfert d’argent est toujours considéré au Cameroun comme un service postal et non comme une simple transaction financière »