Ajustement structurel: vers un autre programme avec le FMI ?
La Commission de la Cemac appelle le Cameroun, et d’autres pays de la sous-région à conclure un autre programme sur la Facilité élargie de crédit en guise de solidarité avec la Guinée équatoriale et le Congo toujours pas éligibles.
Le Cameroun va-t-il vers un autre programme avec le Fonds monétaire international (FMI) ? La réponse à cette interrogation pourrait trouver une réponse après la 4ème revue du programme économique [Facilité élargie de crédit-FEC] avec le FMI du 23 avril au 3 mai 2019. Au cours de cette période, une mission du FMI est prévue à Yaoundé et le rapport sera présenté au Conseil d’administration du FMI en juin 2019, sous réserve de la bonne performance dudit programme. Jusqu’ici, le Cameroun a passé avec succès, les trois premières revues menées par Corinne Delechat.
Cependant, plusieurs indices montrent que le Cameroun pourrait s’acheminer vers un autre programme économique avec le FMI. En effet, Daniel Ona Ondo, président de la Commission de la Cemac a évoqué cette éventualité le 31 mars 2019, à Douala. C’était à l’occasion des travaux du comité de pilotage du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac. M. Ona Ondo faisait référence au Cameroun, la Centrafrique, le Gabon et le Tchad qui achèvent prochainement [2019-2021] leurs programmes avec le FMI.
«Des programmes financiers entre le Fonds monétaire international (FMI) et certains pays de la Cemac arrivent bientôt à échéance. Que faisons-nous dans la suite ? Faille-t-il prolonger les accords existants pour s’aligner sur le Congo et la Guinée équatoriale dont les arrangements financiers pourraient être comme nous le souhaitons tous, conclus avec le FMI ?», s’est interrogé le président de la Commission de la Cemac.
Selon Daniel Ona Ondo, cette réflexion tombe sous le sens dans la mesure où, « l’exigence de solidarité que nous impose notre communauté de destin, commande le soutien et le plaidoyer sans faille des institutions communautaires pour soutenir les discussions et initiatives en cours (…) pour permettre à la Guinée équatoriale et le Congo de conclure un programme financier avec le FMI ».
Le président de la Commission de la Cemac a jeté ainsi un pavé dans la marre en faisait le point sur les deux pays de la sous-région en crise, qui n’ont pas encore conclu un programme économique avec le FMI. Selon lui, la validation et la conclusion du programme financier au Congo restent conditionnées par l’aboutissement des accords de restructuration de la dette avec les créanciers de ce pays, notamment avec la Chine.
Pour la Guinée équatoriale, la conclusion de la deuxième revue du Programme de référence a été conditionnée à la satisfaction des actions préalables (audit externe des compagnies pétrolières et gazières, et l’adhésion à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives-ITIE). A ce jour, les audits ont été commandités et le processus d’adhésion à l’ITIE a été initié.
Depuis le début de la FEC en juin 2017, le Cameroun a déjà bénéficié de la part du Fonds monétaire international, d’une enveloppe cumulée de 245 milliards FCFA. Le pays attend pour la période triennal 2017-2019, un appui budgétaire global d’un montant de 680,7 millions de dollars, soit environ 396 milliards FCFA.
Lors de la dernière mission du FMI à Yaoundé du 5 au 12 novembre 2018, Mme Delechat avait déclaré que la troisième revue a été jugée «satisfaisante». Car, le pays a renoué graduellement avec la croissance établie à 3,8% en 2018 contre 3,2%, l’année précédente. Ce qui a permis un décaissement supplémentaire de 46 milliards FCFA, pour un total d’appuis d’une valeur de 85 milliards FCFA pour la seule année 2018.
Ce que le FMI reproche au Cameroun
le Cameroun est invité à mettre en place les mesures nécessaires pour renforcer les contrôles des dépenses et assurer une mise en œuvre transparente et efficiente du budget, notamment « en limitant strictement le recours aux procédures de dépenses exceptionnelles et en accélérant l’exécution des lois nationales qui transposent les principales directives de la CEMAC relatives à la gestion des finances publiques ». Un renforcement de la planification et du suivi de l’exécution des projets financés sur ressources extérieures, contribuera à limiter le déficit et la dette publique.
En août 2018, les appels de fonds effectués par le gouvernement camerounais sur les ressources financières extérieures ont culminé à 698,1 milliards de FCFA, contre un plafond de 596 milliards de FCFA édicté par la loi de Finances 2018 de l’Etat du Cameroun
En août 2018, les appels de fonds effectués par le gouvernement camerounais sur les ressources financières extérieures ont culminé à 698,1 milliards de FCFA, contre un plafond de 596 milliards de FCFA édicté par la loi de Finances 2018 de l’Etat du Cameroun, révèle le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, dans une correspondance officielle datée du 9 août 2018.
En seulement neuf mois, le volume de ces appels de fonds, effectivement décaissés (404 milliards FCFA) ou alors en attente de décaissement, étaient en dépassement d’un peu plus de 100 milliards de FCFA. Ce dépassement a mis le gouvernement camerounais en indélicatesse avec le Fonds monétaire international (FMI), institution financière internationale avec laquelle l’Etat du Cameroun est engagé dans un Programme économique et financier (PEF), très rigoureux en matière de gestion des ressources publiques et d’endettement du pays.
Lire aussi : Loi de finances 2019 : pourquoi le budget de l’Etat a augmenté à 5212 milliards de FCFA
Aussi, dans une correspondance qu’il a adressée au ministre de l’Economie, Alamine Ousmane Mey, le ministre des Finances, Louis Paul Motaze avait annoncé le «gel des appels de fonds sur ressources extérieures». «Il me semble urgent d’examiner, en collaboration avec le FMI, les possibilités de revoir à la hausse (le) plafond pour l’exercice 2018, tout en envisageant des prévisions plus réalistes pour le cadrage budgétaire au titre de l’exercice 2019.», avait écrit Louis Paul Motaze.
L’un des points positifs tout de même est que, le FMI a noté avec satisfaction les efforts que les autorités camerounaises déploient pour réduire l’accumulation importante de créances contractées mais non encore décaissées
Les aléas entourant les prévisions du Cameroun sont plus ou moins équilibrés. Parmi les risques, figurent une évolution défavorable des prix des produits de base, une détérioration de la situation sécuritaire, une lassitude face aux réformes, et la matérialisation de passifs contingents qui pourraient peser sur la dynamique de la dette.
L’un des points positifs tout de même est que, le FMI a noté avec satisfaction les efforts que les autorités camerounaises déploient pour réduire l’accumulation importante de créances contractées mais non encore décaissées. Cependant, il invite les autorités camerounaises à accélérer leur plan visant à éliminer cette accumulation, y compris en améliorant la préparation et la mise en œuvre des projets.
Scénario catastrophe en cas de non éligibilité du Congo et la Guinée équatoriale
Dans ce scénario, les contraintes de financement obligeraient les deux pays à poursuivre des politiques budgétaires plus ou moins similaires à celles du scénario de référence. Toutefois, pour remplacer le financement budgétaire extérieur qu’ils auraient reçu au titre de ces programmes, ils auraient recours à l’accumulation d’arriérés intérieurs et extérieurs et aux retraits sur les dépôts.
Dans le cadre de telles hypothèses, indique le FMI, « la croissance régionale serait légèrement moins forte, en raison de la baisse de l’investissement intérieur et extérieur ; la dette publique brute serait moins élevée, car les deux pays auraient recours aux retraits sur les dépôts plutôt qu’à l’emprunt pour financer leurs déficits ; le déficit des transactions courantes serait légèrement moins prononcé, en raison d’un ralentissement de la croissance et d’une baisse de l’investissement ».
Enfin, entrevoit le FMI, l’accumulation d’avoirs extérieurs nets serait nettement plus faible, et le ratio de couverture des réserves n’augmenterait que jusqu’à 3,6 mois d’importations d’ici 2021, contre 4,2 mois dans le scénario de référence. « Si ce scénario pessimiste devait se concrétiser, et si les programmes avec le Congo et la Guinée équatoriale devaient être considérablement ajournés au-delà de ce qui est actuellement envisagé dans le cadre régional, il conviendrait de réexaminer la stratégie régionale », conclut le FMI.
Les programmes avec le FMI appuient aussi financièrement, jusqu’en 2019, quatre (Cameroun, Gabon, Tchad et Centrafrique) des six pays de la CEMAC. « Des efforts sont en cours pour conclure des programmes soutenus par le FMI avec les deux pays restants [Guinée équatoriale et Congo]», avait affirmé, en décembre 2018, Christine Lagarde, la patronne de cette institution financière.