BEAC : Les propositions d’Abbas Mahamat Tolli pour renforcer les pouvoirs du nouveau gouverneur
Lors du Sommet en visioconférence des chefs d’Etat de la CEMAC tenu ce 9 février, le gouverneur sortant a plaidé auprès des dirigeants des Etats communautaires pour une indépendance du nouveau patron de l’institut d’émission. Un plaidoyer qui intervient dans un contexte de tensions entre des membres du gouvernement de la BEAC et le gouverneur.
« Au moment de quitter mes fonctions, je constate que notre Institut d’émission communautaire fait face à de nombreux problèmes, tels qu’un manque de respect hiérarchique, des dépassements de compétences, de l’insubordination et des violations répétées des règles en vigueur, perpétrés par des responsables de haut niveau », a déclaré Abbas Mahamat Tolli, lors de la Conférence des chefs d’Etat qui a porté de nouveaux responsables à la tête de l’institut d’émission ce 9 février 2024.
Cette sortie du gouverneur sortant intervient dans un contexte de tensions ouvertes et une atmosphère de défiance entre des membres du gouvernement de la Banque centrale et le gouverneur. Une bataille rangée dont le dernier épisode, encore frais dans les mémoires, est la sortie du directeur général du Contrôle général, le Camerounais Blaise Nsom, qui, dans une lettre adressée au vice-gouverneur, au secrétaire général et au directeur général de l’exploitation, a mis fin aux fonctions du gouverneur, en s’appuyant sur « ses prérogatives ». Une habilitation qui selon les textes, ne lui est légalement pas conférée.
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Pour Abbas Mahamat Tolli, cette option permettrait de préserver l’intégration régionale et de stopper la décadence des valeurs. Ainsi, comme suggestion à l’endroit des chefs d’Etat de la CEMAC, il suggère que son successeur « dispose de tous les outils nécessaires pour diriger cette institution de manière sereine. Je souhaite mettre l’accent sur deux points essentiels: permettre au nouveau gouverneur de diriger le Conseil d’administration, comme le font toutes les banques centrales», lance-t-il.
Car, pour lui, il est question d’éviter que « ses pouvoirs ne soient dilués dans une notion vague de collégialité qui est la source de tous les problèmes au sein de la BEAC». Au regard du rôle exécutif que le gouverneur est appelé à jouer, il n’est pas pertinent que ses pouvoirs subissent des contraintes rédhibitoires à son action. Surtout, ajoute-t-il, une collégialité n’assure pas de fonction exécutive. «Un organe exécutif n’est pas un collège. Le Conseil d’Administration et le Comité ministériel remplissent cette fonction », explique le gouverneur sortant.
Les suggestions d’Abbas Mahamat Tolli procèdent des pratiques ayant cours dans les autres instituts d’émissions où les gouverneurs voient leurs pouvoirs renforcés par la présidence du conseil d’administration qu’ils dirigent. Toute chose qui lui permet d’engager en toute sérénité des actions fortes pour l’intérêt de la Banque.
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Car, comme il le souligne dans son discours bilan, dans les autres banques centrales, le poste de président du conseil d’administration échoit au gouverneur de la banque centrale. C’est le cas par exemple à la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’ouest où cette responsabilité est consacrée par les statuts de l’institut d’émission. Ainsi, l’article 81 des statuts de cet institut d’émission dispose que «le Conseil d’administration est présidé par le gouverneur de la Banque centrale et, en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci, par le vice-gouverneur désigné à cet effet par le gouverneur. Il se réunit sur convocation de son Président, au moins deux fois par an. Chaque membre du Conseil d’administration a le droit de vote et dispose à cet effet d’une voix». Et l’article 82 donne voix prépondérante au gouverneur en cas de vote.
C’est sans doute ce qui a motivé les termes du communiqué final qui a sanctionné le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Cemac. En effet, peut-on lire dans le communiqué, la Conférence des chefs d’Etat, après avoir salué la qualité et la synthèse du rapport du gouverneur sortant, a « pris note de la situation difficile prévalant au sein de la Banque des Etats de l’Afrique centrale ». A ce sujet, elle a donné mandat au président centrafricain, Faustin Archange Touadera, président en exercice de la CEMAC, « de prendre toutes les initiatives nécessaires aux fins d’un retour diligent à la sérénité».