Dans la tourmente, la situation du groupe Société Générale épargnera-t-elle sa filiale au Cameroun ?
Résultats en demi-teinte, amende de 4,5 millions d'euros (2,9 milliards de francs CFA) à payer pour des «commissions non justifiées», stratégie globale incomprise des places boursières, suppression annoncée de plusieurs centaines de postes… Les difficultés qui affectent le groupe bancaire français Société Générale suscitent des inquiétudes quant aux répercussions sur les filiales africaines, en particulier au Cameroun, où une réduction des ressources et un ajustement stratégique global sont à prévoir. Cette filiale qui occupe la deuxième place du classement EcoMatin 2022 des banques camerounaises, reste un point lumineux pour le groupe.
Les mauvaises nouvelles se succèdent au sein de Société Générale. A quelques semaines de la présentation de ses résultats annuels, prévue le 8 février prochain, le groupe bancaire français est dans la tourmente. Lestée par l’effet de la hausse des taux sur la banque de détail et par des ajustements comptables, la banque a dévoilé début novembre dernier, un résultat net divisé par cinq au troisième trimestre 2023, par rapport à la même période en 2022, à 295 millions d’euros. De même, le produit net bancaire (PNB), équivalent du chiffre d’affaires pour le secteur, se chiffre à 6,19 milliards d’euros au cours de la même période, en baisse de 6,2% sur un an.
En sus de ces chiffres qui augurent une santé financière des moins reluisante, le groupe Société Générale vient d’être épinglé par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf) en France. Ce service du ministère français de l’Economie lui a infligé une «amende transactionnelle» de 4,5 millions d’euros pour des «prélèvements de commissions d’intervention non justifiées» et acceptée par la banque. Les faits, décelés au cours d’une enquête réalisée entre avril 2019 et janvier 2021, «sont relatifs au délit de pratique commerciale trompeuse», précise la Dgccrf.
Entre temps, Société Générale s’apprête à supprimer des centaines d’emplois, principalement en France. Plus de 500 postes pourraient être concernés, alors que le groupe emploie 115.000 salariés dans le monde, dont 56.000 en France. Cette nouvelle coupe dans la masse salariale intervient dans le cadre d’un énième plan de réduction des coûts de la banque présenté par le nouveau patron du groupe, Slawomir Krupa qui avait annoncé des économies brutes d’un montant d’environ 1,7 milliard d’euros à l’horizon 2026. A cela s’ajouterait le projet «Vision 2025», qui vise à fusionner les réseaux de banque de détail de Société Générale et Crédit du Nord et prévoit la suppression de 3.700 postes et 650 agences en France. Ce chantier vise des économies de l’ordre de 450 millions d’euros à partir de 2025.
Des répercussions sur les filiales africaines ?
Les représentants du personnel craignent des mesures douloureuses après les annonces de Slawomir Krupa, qui est décidé à restaurer la confiance des investisseurs alors que le groupe reste affaibli en Bourse où la valeur de l’action Société Générale est toujours très volatile. Les analystes financiers ne sont pas rassurés par la prudence des objectifs du plan de réduction des coûts de la banque. Les investisseurs attendent les conclusions d’une revue de portefeuille du groupe et des cessions d’actifs. Plusieurs filiales font l’objet d’une attention particulière, alors que des spécialistes craignent que les difficultés rencontrées par la multinationale pourraient avoir des répercussions sur ses filiales en Afrique.
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«Les filiales africaines pourraient être affectées par une réduction des ressources et un ajustement stratégique global de la Société Générale», argue un analyste contacté par EcoMatin. «La volatilité persistante de la valeur boursière de la banque indique une préoccupation continue des investisseurs, soulignant l’importance cruciale de restaurer la confiance du marché, ajoute-t-il. Une surveillance attentive de la situation, en particulier des conclusions de la revue de portefeuille et des cessions d’actifs, est essentielle pour évaluer l’ampleur des répercussions sur les filiales en Afrique et mettre en place des stratégies d’atténuation adéquates». Le groupe Société Générale y a tout intérêt.
Consolider les acquis en Afrique
En Afrique où elle est active dans 17 pays, la multinationale présente des résultats en croissance, grâce à ses principales activités à savoir : la banque de détail et les services financiers. En 2022, le groupe a enregistré 1,8 milliard d’euros de PNB, en hausse de 20%. La filiale marocaine a été la plus rentable du continent devant la Côte d’Ivoire, l’Algérie, la Tunisie, le Cameroun et le Sénégal. Le 1er novembre, le géant bancaire français a nommé un nouveau directeur Afrique : François Bloch.
Le défi du promu, fort de 30 années d’expérience acquises dans le groupe à l’international, est de conforter cet acquis et renforcer la présence du banquier sur ce marché, ce d’autant plus que le géant français a engagé des opérations de cessions d’actifs dans quatre de ses filiales africaines (Congo, Tchad, Guinée Equatoriale et Mauritanie) où les marchés sont dominés par les matières premières et le pétrole dont les fluctuations de cours sur le marché international perturbent l’atteinte des résultats de la banque.
Cette consolidation stratégique participe de l’objectif de concentrer ses ressources sur les marchés à fort potentiel comme le Cameroun, où la banque peut se positionner comme l’un des principaux établissements de crédit, en synergie avec ses autres activités et avec une taille critique permettant de créer de la valeur.
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Le Cameroun, un marché à fort potentiel
En effet, selon le classement EcoMatin des banques 2022, Société Générale Cameroun détient la palme d’or en second de la banque qui a le mieux collecté l’épargne des clients avec 1163 milliards de Fcfa au cours de cet exercice. Elle est également la banque la plus rentable du marché camerounais en 2022, avec un bénéfice annuel déclaré de 22,8 milliards Fcfa en progression de 46% par rapport à 2021. Preuve du fort potentiel du marché camerounais, par ailleurs l’économie la plus performante de la sous-région Cemac, la banque est engagée dans des projets de long terme notamment le barrage hydroélectrique de Nachtigal (420 MW), avec un investissement de 1,2 milliard d’euros, soit près de 800 milliards de Fcfa.
La capacité de Société Générale Cameroun à financer l’économie s’est nettement améliorée avec un encours de crédit qui s’est établi à 663,9 milliards de Fcfa contre 641,3 milliards un an en arrière. L’encours de dépôts, considéré comme un baromètre de la confiance du public a enregistré un bond de 20% en glissement annuel. Sur ce segment SCG a dépassé la barre symbolique de 1000 milliards de Fcfa pour atteindre 1 163 milliards.
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