Aéroports du Cameroun : pourquoi les compagnies aériennes internationales boudent les salons VIP

Assis dans un lounge huppé de la ville de Yaoundé, David P. (nom d’emprunt), la cinquantaine, garde un mauvais souvenir de son unique séjour dans l’un des salons VIP de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen au Cameroun. L’homme d’affaires qui se rendait à Bruxelles (Belgique) a vécu une expérience qui l’a marqué à vie : « j’avais déboursé environ 50. 000 francs CFA, pour avoir accès à l’un des salon VIP de l’aéroport. Le service est lamentable: aucun buffets, de l’eau et quelques bouteilles entamées de vin. Rien que ça. Si c’est ce qu’on appelle service VIP au Cameroun, je dois dire que c’est une insulte pour chaque voyageur qui paie la facture ».

Les salons VIP des Aéroports du Cameroun (ADC), autrefois symboles de prestige, font désormais face à la contestation de voyageurs fortunés qui remettent en question leur valeur face à des tarifs jugés démesurés. A l’aéroport de Yaoundé, il s’agit des salons Afamba (75 000 Fcfa), Gold (50 000 Fcfa) ou encore Mefou réputés pour son service beignets – haricots servi dans des espèces de tupéroir en papier aluminium (15 000 Fcfa). « Pourquoi payer des sommes considérables pour des services qui laissent à désirer ? », s’interroge David. Comme lui, toutes les grandes compagnies aériennes internationales ont pris la décision de déconseiller ces lieux de moins en moins fréquentés, à leurs passagers.

L’un des griefs majeurs soulevés par ces compagnies concerne le coût prohibitif d’accès aux salons VIP des aéroports au Cameroun. Quelques responsables de compagnies (Air France, Brussels Airlines, Asky, Royal Air Maroc..) contactés par EcoMatin ont exprimé leur frustration face à des tarifs qui, selon eux, ne correspondent en aucun cas à la qualité des prestations offertes. « Nous nous étions rendus compte que parfois, il n’y avait pas assez d’hôtesses, pas de buffet, des boissons en quantité insuffisante et une absence totale d’accompagnement des passagers dont la plupart voyagent en première classe et en classe affaires. Nous ne pouvions plus accepter de payer pour des services aussi médiocres» rapporte une employée d’une des compagnies.

Connexion internet limitée

Outre les tarifs exorbitants et la qualité de services, une autre source de mécontentement pour les compagnies aériennes internationales concerne la politique de connexion Internet dans les salons VIP des aéroports camerounais, récemment rénovés suite à la Coupe d’Afrique des Nations 2021. Des passagers et le personnel navigant rapportent que la connexion Wi-Fi n’est gratuite que pendant les dix premières minutes, avec des interruptions sans cesse. «Les 10 premières minutes sont gratuites et la suite du service est facturée au client »

Interrogé sur ces allégations, un cadre des ADC avoue être conscient des préoccupations des compagnies aériennes, d’autant plus qu’elles ont souvent été évoquées en interne avec le top management de l’entreprise publique camerounaise. Reste que le dossier n’a jamais évolué.

Les efforts de Camair-Co

Face à la désertion des salons VIP des ADC par les compagnies aériennes internationales, la direction générale de la compagnie nationale camerounaise, Camair-Co a décidé d’agir en lançant son propre salon VIP à l’aéroport international de Douala. Doté d’un buffet varié, de boissons de qualité et en quantité, ainsi que d’une connexion Internet haut débit gratuite et illimitée, le salon VIP de Camair-Co se positionne comme une alternative attrayante pour les passagers en transit. Bien que des discussions pour ouvrir un autre salon à l’aéroport de Yaoundé soient au point mort avec les ADC, cette initiative vise à restaurer la confiance des voyageurs. « A Douala nous avons réussi a aménagé ce Salon Parceque c’est un espace qui appartenait déjà à Camair-Co. Au niveau de Yaoundé les négociations n’aboutissent pas ».

Les exemples de l’Ethiopie, du Maroc, du Togo et de la France

Les aéroports étrangers, tels que ceux d’Addis Abeba en Ethiopie, Roissy-Charles de Gaulles en France et Casablanca au Maroc, sont reconnus pour offrir des services VIP de première classe, définissant les normes en matière d’expérience exclusive de voyage. Les salons VIP de ces aéroports sont réputés pour leur élégance, leur confort et leurs installations haut de gamme.

A Addis-Abeba par exemple, pour 35 euros (22 900 Fcfa), le voyageur a droit à un accès au salon haut standing, à un buffet varié, des boissons alcoolisées et café sélectionnés, une connexion Wi-Fi illimitée et l’opportunité de prendre une douche.

A l’aéroport Mohammed V de Casablanca au Maroc, les salons VIP offrent des canapés longs et sièges individuels, douches, chambre d’enfants, terrasse avec un espace fumeur, salon TV et un bar lounge, un buffet assorti de friandises, des boissons chaudes, froides et alcoolisées sur demande.

Plus proche du Cameroun du côté de Lomé au Togo, l’aéroport international Gnassingbé Eyadema a été doté de deux salons VIP aménagés pour un service personnalisé et un confort exclusif. Ici, les voyageurs ont droit à des coûts relativement bas, parfois à 10 000 Fcfa (environ 15 euros) à un buffet ouvert à toute heure, deux open bars dont un bar/crêmerie (Le Flamant Rose) et un bar/restaurant (Le Nangbeto), une connexion internet illimitée et totalement gratuite.

A Roissy-Charles de Gaulle en France, enfin, les voyageurs peuvent profiter de salons spacieux offrant des vues panoramiques sur les pistes, des buffets gastronomiques variés, des bars bien approvisionnés et des espaces de détente. Avec des tarifs bien plus raisonnables.

Ces aéroports étrangers s’imposent comme des modèles à suivre, illustrant l’importance de l’équilibre entre coût et qualité pour attirer des voyageurs VIP de plus en plus exigeants.