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Tchad : Succès Masra à l’épreuve d’un budget marqué par la baisse des recettes pétrolières et des incitations fiscales à la pèle 

Aux côtés du général Mahamat Idriss Déby vis-à-vis duquel il a été très critique, le nouveau Premier ministre tchadien et son gouvernement auront parmi les défis urgents l’atteinte des objectifs économiques contenus dans la loi de finances 2024 du Tchad promulguée le 29 décembre 2023.

Le 1er janvier 2024, alors que le peuple tchadien était embarqué dans la célébration du nouvel an, le président de la transition, le général Mahamat Idriss Déby, a procédé à la nomination de l’opposant Succès Masra au poste de Premier ministre du Tchad. Selon des sources introduites dans les arcanes du pouvoir au Tchad, qui évoquent un accord secret passé entre le chef d’Etat de transition et celui qui apparaissait jusqu’ici comme son opposant le plus farouche, Succès Masra devrait conserver la primature jusqu’après l’organisation du scrutin qui, courant 2024, devrait mettre un terme à plus de 3 ans de régime militaire au Tchad. Ce qui exclut de facto cet économiste, président du parti politique « Les transformateurs », de la prochaine course pour la magistrature suprême dans son pays.  

Revenu à Ndjamena le 3 novembre 2023, après un bref exil consécutif aux émeutes du 20 octobre 2022, conséquence de la répression d’une marche de protestation des militants de son parti dénonçant la prorogation de 2 ans d’une transition militaire initialement prévue pour 18 mois, Succès Masra avait appelé ses militants à voter  « OUI » lors du référendum constitutionnel, approuvé par 86% des Tchadiens selon les résultats rendus publics le 28 décembre 2023 par le Conseil national de transition, le pendant de l’assemblée nationale. La posture de Masra à l’occasion de ce référendum présenté par certains partis de l’opposition et des militants de la société civile comme une mascarade visant à perpétuer le régime des Déby, après le décès au front du Maréchal Idriss Déby Itno en avril 2021, au bout d’environ 30 ans passés au pouvoir, était déjà un indicateur du rapprochement entre le pouvoir de Ndjamena et son opposant le plus farouche ces dernières années.  

Selon les tenants de la thèse de l’existence d’un accord secret entre Masra et Mahamat Idriss Déby, c’est l’ex-opposant devenu allié du pouvoir de transition qui, en tant que chef du gouvernement, devrait coordonner et s’assurer de la bonne organisation de la prochaine élection présidentielle au Tchad. Avec l’actuel président de transition comme candidat à sa propre succession, cette fois-ci comme candidat civil. Masra, apprend-on des mêmes sources, devrait d’ailleurs être reconduit au poste de Premier ministre, après la présidentielle pour laquelle nombre d’observateurs de la scène politique tchadienne anticipent d’ores et déjà une victoire du général Mahamat Idriss Déby.  

Lire aussi : Tchad : les défis qui attendent Succès Masra à la tête du gouvernement

Un budget électoraliste ?  

Mais, avant cette échéance, dans l’immédiat, le nouveau Premier ministre du Tchad, qui a formé son gouvernement le 2 janvier 2024, aura parmi les principaux défis l’atteinte des objectifs socio-économiques contenus dans la loi de finance 2024 de la République du Tchad, adoptée le 28 décembre 2023 par le CNT, par 158 voix pour, contre six abstentions et une seule voix contre. Equilibré en recettes et dépenses au montant record de 2 016 milliards de FCfa, enveloppe jamais projetée dans le pays, la loi de finance 2024 ou budget de l’Etat pour l’exercice concerné, promulgué le 29 décembre 2023 par le président de la transition tchadienne, est qualifiée d’électoraliste par certains militants de l’opposition. Ceux-ci ne voient pas le pays réaliser les objectifs qui y sont contenus, eu égard à la situation socio-économique du pays.      

Un avis balayé par le ministre tchadien des Finances, Tahir Hamid Nguilin, qui a défendu le projet gouvernemental face aux CNT, avant d’être reconduit à son poste par le nouveau Premier ministre de transition. « Depuis 2019, les recettes propres hors pétrole ont triplé pratiquement, et nous sommes aidés en cela par les différentes mesures de lutte contre la fraude, la contrebande, l’évasion fiscale, mais aussi la relance importante de l’activité, l’accroissement de la TVA. C’est un budget réaliste », rassure-t-il. En tout cas, malgré la baisse annoncée des recettes pétrolières, passant de 1 067 milliards de FCfa en 2023 à 952 milliards de FCfa en 2024 (- 115 milliards de Fcfa), une grande première dans ce pays considéré comme un émirat pétrolier, le premier gouvernement de Succès Masra devra batailler pour mobiliser les recettes nécessaires pour rendre effectives les importantes allocations faites à certains départements ministériels stratégiques.  

D’importantes dépenses fiscales  

C’est le cas du ministère en charge de la Santé, dont l’enveloppe budgétaire croit de 55% en 2024 par rapport à 2023, grâce principalement à l’accroissement de l’enveloppe devant permettre de réaliser les investissements. Selon Tahir Hamid Nguilin, celle-ci passe de 11 milliards de FCfa en 2023 à 46,5 milliards de FCfa en 2024. Le budget de l’Education nationale quant à lui croit de 18%, idem pour celui du département ministériel en charge de l’hydraulique, avec en ligne de mire la réhabilitation des châteaux d’eau de Ndjamena et la construction d’autres infrastructures du même type dans le pays. Le budget approuvé par le CNT prévoit également des investissements massifs dans la lutte contre la désertification, ou encore l’affectation de 10% du fruit de la collecte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux communes et aux provinces, « afin que dans l’arrière-pays jusqu’aux sous-préfectures, le service public et la présence de l’État soient mieux financés », a expliqué le ministre des Finances aux membres du CNT.  

Force est de constater que les recettes permettant de réaliser les objectifs budgétaires 2024 de l’Etat tchadien doivent être mobilisées dans un contexte d’accroissement des dépenses fiscales. Celles-ci sont consécutives aux abattements et exonérations en faveur des entreprises et des employés, tels que contenus dans la loi de finance 2024 du Tchad. En effet, pour améliorer l’environnement des affaires, accroître les investissements dans le pays et promouvoir l’emploi, le gouvernement tchadien a pris certaines mesures incitatives applicables dès l’année 2024. Il s’agit principalement de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) de 35 à 30% ; de l’instauration d’un taux d’IS de 25% pour les entreprises industrielles et du secteur de l’énergie.    

Entre autres mesures fiscales incitatives, il est également prévu la prorogation de 5 à 10 ans de la durée de l’exonération de la patente, de l’impôt minimum forfaitaire (IMF), de la taxe forfaitaire (TF) et de la taxe d’apprentissage (TA), du droit d’enregistrement et de l’abattement de 50% de l’impôts sur les sociétés, au bénéfice des entreprises des secteurs agricole, de l’élevage, des TIC, de l’énergie, des agro-industries et des industries pharmaceutiques et vétérinaires ; la baisse de 10 à 5% du plafonnement des frais de siège et d’assistance technique dans les secteurs des télécommunications et du numérique afin de « réduire la fracture numérique et promouvoir la digitalisation du commerce, des services et paiements électroniques » ; la réduction de 25 à 18% de la retenue à la source sur les revenus des capitaux mobiliers (intérêts, dividendes, etc.) dans tous les secteurs d’activités, en dehors de la mine solide et du secteur pétrolier, etc.   

Lire aussi : Tchad : Succès Masra nommé Premier ministre de transition

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