Présidence de la République: controverse autour d’un « droit de tirage» de 6.000 milliards de Fcfa
L'Etat du Cameroun envisage donner sa caution à un projet dont le budget dépasse de plus de 1000 milliards de FCFA celui du Cameroun, et dont le passé du promoteur suscite de la controverse dans les milieux d’affaires au Cameroun. Encore appelé World Dream Investment, l'investissement porte sur la création d'une ville touristique new tech. Au moment où le directeur du Cabinet civil de la présidence de la République explore les voies et moyens pour accompagner ce vaste projet, la polémique enfle. Ce, en rapport avec la capacité de Grand Impex Trading Limited à conduire ledit investissement, avec en toile de fond des rumeurs de blanchiment d'argent, détournement de titres ou tentative d'escroquerie.
6 000 milliards de FCFA. Plus que le budget – 4850,5 milliards – du Cameroun en 2019. C’est la demande d’un droit de tirage que le directeur du cabinet civil (DCC), Samuel Mvondo Ayolo, a adressé, le 28 janvier 2019, au ministre des Finances, au bénéfice de « Grand Impex Trading ». Selon le DCC, cette entreprise a besoin d’une ligne de crédit dans le cadre d’un projet dénommé «World Dream Investment » dont le dossier technique a déjà été transmis au ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat). Dans la correspondance du DCC, l’on apprend qu’il s’agit là d’une « Très haute instruction du chef de l’Etat ».
« A l’analyse, de deux choses : soit le DCC n’est pas suffisamment informé sur Grand Impex Trading, soit, cette entreprise douteuse a réussi son tour de poker. Car, c’est un partenaire douteux qui se voit ainsi adoubé par la présidence de la République », nous renseigne un proche conseiller de la présidence de la République qui nous a fait parvenir le dossier. Les exemples pour étoffer cette affirmation sont légion étant donné qu’à EcoMatin, nous avons déjà eu à investiguer sur plusieurs projets foireux de promoteur Junior Abraham Ngosso, promoteur de Grand Impex Trading.
Du méga concert annulé en 2012 …
En début 2012, une entreprise, Trading Impex, dont le promoteur Junior Abraham Ngosso, fait la une de l’actualité en lançant un programme d’investissement baptisé « World Dream ». Dans sa composante culturelle, «World Dream» vendait le rêve de faire venir au Cameroun de grosses pointures mondiales du showbiz – Manu Dibango, Eminem, 50 Cents, Eve, Jermaine Dupri, Shontelle, etc. L’objectif est d’organiser un méga concert initialement fixé au 28 avril 2012. Ce qui allait donner, selon Impex et son promoteur, une visibilité au pays et par conséquent attirer des investisseurs. Dans le fond, l’idée n’est pas mauvaise. Elle est même audacieuse. Sauf que les notes musicales de concert vont rester dans le domaine de la science-fiction.
Sans obtenir l’accord de Manu Dibango et Cie, l’équipe de « World Dream » se met à diffuser des spots publicitaires sur les stars du concert qui a, entre temps, été repoussé sine die
Sans obtenir l’accord de Manu Dibango et Cie, l’équipe de « World Dream » se met à diffuser des spots publicitaires sur les stars du concert qui a, entre temps, été repoussé sine die. Claire Diboa, manager du chanteur d’origine camerounaise Manu Dibango va le dénoncer violemment dans un mail le 30 avril 2012. Deux jours avant, le 28 avril 2012 à 15h29, c’était déjà la réaction de Georges Williams de l’agence Next-Level basée aux Etats-Unis et spécialisée dans le booking d’artistes qui compte dans son CV d’organisation des stars comme Sean Paul, Eve, Jarule, T-Pain, Jermaine Dupri, etc.
« Pourquoi avez-vous communiqué et annoncé la participation de Manu Dibango sans autorisation et sans même vous être acquitté des 70 000 euros que vous lui devez toujours en violation flagrante des accords signés avec NextLevel Agency ». Georges William poursuit: « Il est donc inutile ici Junior, d’utiliser des méthodes dilatoires, méthodes condamnables et dont je ne suis pas dupe de la finalité. Acquitte-toi de toutes tes dettes auprès des artistes internationaux et artistes Camerounais. Paye les dettes relatives aux engagements souscrites auprès des hôtesses dont la plupart sont de jeunes et innocentes filles qui ont travaillé pour vendre vos tickets de tombola. Remboursez à ces hôtesses les 3000 Fcfa que vous avez exigés à celles-ci, comme seule condition pour leur embauche. Vous savez pertinemment que c’est illégal au regard du droit du travail pour une société qui dit avoir des milliards et immoral de faire payer de jeunes filles qui sont vos petites sœurs, sous prétexte qu’elles vont en retour avoir un emploi qui sera rémunéré à 100 000 Fcfa à condition qu’elles vendent chacune 75% des billets de tombola que vous leur avez remis ».
En novembre 2016, la microfinance (COMECI) annonce qu’elle a obtenu une lettre de confort, le 25 août 2016, et la signature d’un accord de financement le 29 août grâce à son «partenaire financier » Grand Impex Trading Ltd. Ce qui n’était qu’un bluff…
…au scandale de la Microfinance Comeci
L’un des dossiers suivis par EcoMatin en 2016 a été celui de la Compagnie équatoriale pour l’épargne et le crédit d’investissement (Comeci). C’était en août 2016. Dans le cadre de la restructuration de cette microfinance tombée en faillite en 2016, Grand Impex Trading se présente en sauveur. En novembre 2016, la microfinance annonce qu’elle a obtenu une lettre de confort, le 25 août 2016, et la signature d’un accord de financement le 29 août grâce à son «partenaire financier » Grand Impex Trading Ltd. Ce qui n’était qu’un bluff…
En effet, la Société commerciale de banque Sa (Scb), filiale camerounaise du groupe marocain Attijariwafa, a fait publier dans l’édition du 11 janvier 2017 du quotidien à capitaux publics « Cameroon tribune », une correspondance adressée personnellement au directeur de la publication, Marie Claire Nnana. « Madame, en date du 21 décembre 2016, est parue dans votre journal en page 23, une annonce de la société Suisse credit capital dans les termes ci-après : «Suisse Credit Capital Ltd, informe les opérateurs économiques, les entrepreneurs, les industriels camerounais et ceux opérant dans la sous-région, de sa relation effective avec les deux banques locales de premier ordre, notamment Scb (Société camerounaise de banque Sa) et … [Uba, United Bank for Africa]. Les deux banques retrouvent ainsi les 405 autres affiliés et correspondants à notre plateforme financière. Nous sommes également l’institution de tête de file du fond d’investissement Grand Impex-Trading Ltd qui dispose d’une allocation financière de plusieurs milliards de dollars sous la référence S.aCmi-Git – Sa-179A-1», poursuit la correspondance de la Scb. La filiale camerounaise d’Attijariwafa dément formellement n’être pas en affaire avec Suisse Credit Capital et déclare qu’elle « se réserve le droit d’engager une telle action juridique qu’elle jugerait nécessaire, pour se prémunir contre tout impact négatif que cette fausse nouvelle pourrait provoquer ».Une semaine avant la sortie musclée de la SCB, la banque UBA avait fait publier un démenti dans des termes quasiment similaires.
De fait, les démentis presque synchronisés de la Scb et Uba découlent d’un malaise. Celui d’être associées à une société inconnue de la place financière suisse, présentée il y a quelques mois comme le sauveur de la microfinance Comeci dans l’incapacité de restituer les épargnes de milliers de personnes parce que ses comptes sont au rouge. La manœuvre de Comeci était pourtant de rassurer ses clients. A cet effet, l’établissement financier avait alors annoncé par voie de presse en octobre 2016 qu’après la délivrance de la lettre de confort, le 25 août 2016, et la signature d’un accord de financement le 29 août entre lui et son partenaire financier Grand Impex Trading Ltd, des lignes de crédit de 50 milliards de FCFA lui avaient été promises par Crédit Capital Suisse. Et que, « les formalités de déblocage des fonds en vue de financer les microprojets se poursuivent normalement ».
Bien qu’inconnue dans le monde de la finance, la « Suisse Credit Capital » s’est présentée comme une « institution financière basée à Londres, agréée par la Banque centrale anglaise »
A ce sujet, avait indiqué la microfinance, une séance de travail inclusive s’était tenue le 25 octobre 2016 à Douala avec les représentants de la Comeci, Grand Impex Trading Ltd et la «Suisse Credit Capital Ltd » représentée par un certain Nabil Osman, directeur pour l’Afrique et le Moyen orient. Il serait ressorti de cette réunion que « des échanges très avancés ont eu lieu avec une banque locale où seront hébergés lesdits fonds ». Ce qui aurait rendu Comeci optimiste quant à « la reprise progressive des opérations des transactions financières à ses guichets dans les brefs délais ».
Bien qu’inconnue dans le monde de la finance, la « Suisse Credit Capital » s’est présentée comme une « institution financière basée à Londres, agréée par la Banque centrale anglaise ». Et qu’elle aurait déjà financé des projets dans plusieurs pays africains, en Tanzanie, en Angola et au Ghana. Les démentis de SCB Cameroun et UBA jettent un sérieux doute sur tous ces partenaires de la Comeci, notamment Impex Trading, qui ne présente pas des gages de remboursement des dépôts de ses épargnants.
Le sulfureux projet World Dream
Loin de se décourager, Grand Impex Trading Limited maintient néanmoins le vaste projet « World Dream Investment » ou « Ndole City » qui semble séduire le gouvernement. Par correspondance du 3 décembre 2018, Samuel Mvondo Ayolo, le directeur du Cabinet civil de la présidence de la République du Cameroun transmettait pour « avis » au ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, la demande d’un droit de tirage relatif à la mise en œuvre dudit projet, à hauteur de …6.000.000.000.000 de FCFA (six mille milliards). Demande précédemment adressée au président de la République par Junior Abraham Ngosso, le représentant de Grand Impex Trading Limited au Cameroun.
Samuel Mvondo Ayolo demande « un examen en toute diligence et en collaboration avec l’ensemble des administrations compétentes, les modalités d’émission d’un droit de tirage de 6.000 milliards de FCFA sollicité par Grand Impex Trading Limited dans le cadre du projet World Dream Investment….
Dans une autre correspondance authentifiée, adressée au ministre des Finances, sur très haute instruction du chef de l’Etat, en date du 28 janvier 2019, avec en objet « demande d’un droit de tirage d’un montant de 6.000.000.000.000 de FCFA« , Samuel Mvondo Ayolo demande « un examen en toute diligence et en collaboration avec l’ensemble des administrations compétentes, les modalités d’émission d’un droit de tirage de 6.000 milliards de FCFA sollicité par Grand Impex Trading Limited dans le cadre du projet World Dream Investment….« . Mentionnant par ailleurs la transmission effective du dossier technique y afférent au ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire. Satisfaction de Junior Abraham Ngosso : « Voilà 8 ans que nous sommes derrière ce projet. L’Etat du Cameroun a enfin décidé d’autoriser les fonds qui doivent entrer dans ce projet y compris les fonds de Comeci. L’Etat du Cameroun souverain doit ou peut autoriser l’émission de la monnaie qui est garantie par nos réserves extérieures. Il n’y a que le Chef de l’Etat qui peut l’autoriser. Le droit de tirage est une autorisation d’utilisation des devises en monnaie locale sur la base de lignes de crédits. Cela signifie que nous avons à travers nos investisseurs des lignes de crédits en devises Euro et Dollar déjà identifiées« .
Pourtant, depuis la publication de ce document, les réactions se multiplient sur les réseaux sociaux: « tentative de détournement de fonds « , « escroquerie à grande échelle « , « transfert de fonds au Bahamas » etc. Junior Abraham Ngosso n’entend pas de cette oreille: « Ce n’est pas une arnaque. Ce n’est ni l’Etat qui finance. Ni même l’argent du Cameroun. Il n’y a aucun engagement financier dans ce projet, juste un engagement d’encadrement du projet. Au contraire, ce projet va permettre de créer des conditions favorables pour l’économie« , souligne le représentant de Grand Impex Trading Limited. En dehors du Cameroun, plusieurs autres pays africains ont utilisé la méthode des droits de tirage: le Burundi, la RDC, le Tchad, le Congo, égrène Junior Abraham Ngosso.
Projet « World Dream Investment » baptisé « Ndole City »Une ville unique modèle, DigiEcoCity sera en construction au Cameroun. L’objectif est de créer des villes où les innovations de la technologie numérique sont combinées avec le développement durable, sans émissions de pollution, prévu de produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme. DigiEcoCity Ltd a signé un important contrat de joint-venture avec la Société de droit Camerounais Impex Trading pour la construction d’une ville modèle en DigiEcoCity. Cette ville sera construite à Ndolè (une vingtaine de Km de Douala au Littoral du Cameroun).
Le concept Ndolè City crée d’importants débouchés commerciaux pour les entreprises dans les phases de conception, de construction et de fonctionnement de la ville. La participation des entreprises locales et internationales, les besoins des consommateurs, sont les plus importants pour le programme. Le projet Ndolè City est à l’étape où les entreprises camerounaises et étrangères qui sont désireuses et capables de travailler avec les homologues finlandais pour réaliser la vision des villes modèles sont concernées. DigiEcoCity combine trois concepts fondamentaux : Concepts DIGI couvrir intégrés, les systèmes d’information interactifs donnant accès à des services communautaires comme les soins de santé, l’apprentissage et le commerce, hautement automatisée, le transport, la logistique et des systèmes de construction, systèmes d’information et de gestion des villes, la production de services. Concepts ECO couvrir écologiquement de manière durable les services qui fournissent à la fois l’efficacité énergétique du bâtiment et de la communauté, en utilisant les énergies renouvelables et les déchets comme source d’énergie, des matériaux recyclés, la sécurité de l’approvisionnement en eau et à un environnement propre. Concepts VILLE couvrir, localiser des solutions proactives en milieu urbain permettant une logistique efficace, de nouvelles combinaisons de travail et de vie, et l’augmentation de la diversité fonctionnelle rendant la structure urbaine plus vitale et résistante contre les impacts de l’évolution des conditions sociales et macro-économique. DigiEcoCity est un modèle pour une cité idéale, combinant les principes du développement durable, les innovations de la révolution numérique et les fonctions nécessaires urbaines, pour fournir un cadre de vie quotidien bien dans un environnement urbain. DigiEcoCity combine, vie, travail services publics et privés, culture, loisirs pour répondre aux besoins locaux. Il est important que la ville soit construite en fonction du développement durable. DigiEcoCity peut offrir à ces projets de technologies de pointe numérique et écologique, des solutions; M. Mauri Tommila, PDG de DigiEcoCity Ltd dit : « Les projets sont uniques en ce que la ville offre à leurs résidents tous les services nécessaires à la bonne vie, avec un accès piétonnier ». La ville aura de l’énergie, auto-suffisante, ce qui signifie qu’elle produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme. La production d’énergie est en grande partie à partir des sources d’énergie renouvelables. La ville est également destinée à être « zéro émission », sans émissions nocives. Les solutions numériques rendent la ville plus écologique, avec les services virtuels capables de réduire et de remplacer partiellement les opérations physiques traditionnels, tels que les immeubles de la banque. De nouvelles innovations changent les méthodes de travail, de la santé et de la scolarisation. La technologie numérique va changer la structure de villes et des collectivités encore plus fortes que les précédentes inventions grandioses. Dans la ville nouvelle, l’ère de l’utilisation de l’énergie solaire, la terre et les sources de bioénergie, système automatique de récupération des déchets, le recyclage et la consommation d’énergie, systèmes d’éclairage basse énergie et d’eau et d’égouts sont tous mis en œuvre selon des principes écologiques. Le programme d’investissement WDI, dirigé par Grand Impex Trading Ltd, grâce au réseau international du cabinet Deloitte est introduit au cœur du système financier planétaire, plus grand cabinet d’audit et services financiers au monde. |
Source: Grand Impex Trading Ltd,
Ce que nous connaissons d’Abraham Junior Ngosso
Né en 1980, Abraham Junior Ngosso est un jeune Camerounais. Il déclare avoir fait ses études dans les lycées et collèges camerounais. « J’ai commencé mes études à l’Ecole publique d’Ombessa, ensuite je continue au Lycée de la Cité verte où j’ai obtenu le concours d’entrée en 6ème parmi les meilleurs de l’époque. Je termine mon Lycée dans les années 98-99, période pendant laquelle j’obtiens mon baccalauréat A4. Et puis, j’ai des envies de partir du Cameroun, comme tous les jeunes, pour aller voir ce qui se passe ailleurs. En fait, je m’intéresse très tôt aux professions libérales. Car tout jeune, je faisais le petit commerce pendant les vacances. Ce qui m’a permis d’acquérir une certaine expérience. Et plus tard, dans le métier au plus haut niveau, cette endurance me sert aujourd’hui », explique-t-il.
Après l’obtention de son baccalauréat A4 philosophie en 1999, il poursuit ses études à l’étranger, après un détour au Gabon. Et notamment en Asie du Sud-Est, particulièrement à Singapour où il déclare, sans le prouver, avoir appris les arcanes du métier de Trading.