Stabilité du système financier : les suggestions du FMI à la BEAC et la COBAC
Face à une forte exposition des banques sur les États, un durcissement des conditions d’emprunts sur le marché, un taux d’inflation en hausse et une croissance du PIB au ralenti, le FMI dresse un ensemble de mesures visant à solidifier le système financier et bancaire de la CEMAC. C’était au cours d’une séance de travail qui s’est tenue en mai dernier avec les institutions communautaires. EcoMatin fait l’économie de ces recommandations.
Mitigé. Tel est le terme utilisé par le Fonds Monétaire International (FMI) pour qualifier l’état des programmes économiques et financiers qui sont en cours avec les 6 pays de la CEMAC. Un nouvel accord appuyé par la facilité élargie de crédit(FEC) a récemment été trouvé avec la RCA ; les premières et deuxièmes revues du programme du Tchad ont été achevées à la fin 2022 suite aux accords conclus sur la restructuration de la dette avec les créanciers officiels et privés dans le Cadre commun du G20 et un éventuel accord avec la Guinée Équatoriale devrait être trouvé avant la fin de l’année. Toutefois, les revues des programmes en cours au Congo et au Cameroun se sont achevées avec des retards. La 3e revue du programme du Gabon est en « suspens » en raison des arriérés récurrents de la dette extérieure, des dérapages budgétaires et de la lenteur des réformes structurelles. Ces facteurs qui rendent mitigés l’achèvement des programmes en cours, sont corrélés à une inflation mondiale en hausse exacerbée par une la flambée des prix mondiaux de l’énergie et des denrées alimentaires. Par ailleurs, les Etats font face à un durcissement des conditions financières mondiales ce qui impose la nécessité pour le FMI de « rééquilibrer les programmes ».
Dans un récent rapport élaboré au terme de consultations auprès des institutions communautaires de la CEMAC, l’institution multilatérale basée à Washington appelle également la Banque des États de l’Afrique centrale(BEAC) et la commission bancaire d’Afrique centrale(COBAC) à poursuivre et impulser un ensemble de réformes pour maintenir stable le système financier qui reste encore le plus à même de soutenir les économies de la sous-région . Les discussions se sont déroulées du 2 au 4 mai 2023 à Libreville (Gabon) ainsi que le 5 mai et du 8 au 16 mai respectivement à Douala et Yaoundé (au Cameroun).
Resserrer davantage la politique monétaire
Face à l’accélération des pressions inflationnistes, la BEAC a amorcé depuis fin 2021 un resserrement de sa politique monétaire. C’est ainsi qu’elle a effectué 4 relèvements successifs de ses taux directeurs soit une augmentation cumulée de
175 points de base. La BEAC a également resserré les conditions de refinancement des banques en interrompant ses injections hebdomadaires de liquidité après les avoir progressivement réduites depuis juin 2021. Pour le FMI, la politique monétaire devra être davantage durcie « compte tenu des incertitudes extérieures accrues, des effets de second tour possibles des réformes des subventions aux carburants et du resserrement significatif de l’écart entre le taux directeur de la BEAC et celui de la BCE par rapport à sa moyenne historique ». Cela devrait se traduire par une nouvelle augmentation des taux directeurs mais également une augmentation du taux des opérations de ponction de liquidités afin d’éponger « l’importante liquidité excédentaire des banques » identifiée comme un frein à la transmission de la politique monétaire.
En effet, le FMI suggère à la banque centrale d’augmenter son taux des opérations de ponction de liquidité jusqu’ à ce que celui-ci se rapproche du principal taux directeur, qui est actuellement de 5%. Les services du Fonds ont souligné que la BEAC devrait également augmenter les montants mis aux enchères, en s’appuyant sur les facteurs autonomes de liquidité bancaire (FALB). Une suggestion acceptée par les services de la Banque centrale qui ont consenti à augmenter ces taux « dans un délai relativement court ». Par contre, la BEAC a minimisé les inquiétudes du fonds concernant le rétrécissement de l’écart entre les taux directeurs de la avec la BCE, réitérant que cet écart « n’influe pas de manière déterminante sur les flux de capitaux entre la CEMAC et la zone euro ».
Renforcer l’efficacité de la réglementation des changes
Entré en vigueur en mars 2019 l’élargissement, en octobre 2022, de la réglementation des changes aux entreprises du secteur extractif a nettement contribué à renforcer les avoirs extérieurs de la région. Selon la BEAC, le volume de devises rétrocédées par les agents économiques a pratiquement quadruplé entre 2018 et fin 2022. Cependant, le FMI croit savoir qu’une meilleure application de ce règlement pourrait être plus efficace. Les services du FMI ont par exemple souligné que la BEAC devrait renforcer sa capacité de répertorier les comptes en devises détenus à l’étranger par les administrations publiques, les sociétés publiques et l’ensemble des entités publiques, avec l’aide éventuelle de la Banque des règlements internationaux, de manière à augmenter la valeur des rapatriements de devises du secteur public.
La mission a également réitéré la nécessité d’une certaine uniformité entre les lois nationales et la réglementation des changes régionale. Elle a par ailleurs encouragé la BEAC à poursuivre les discussions constructives qu’elle entretient avec le secteur extractif pour s’assurer d’une application sans heurts des exigences de rapatriement des fonds dédiés à la réhabilitation des sites pétroliers (RSP). Sur ce dernier point, la BEAC a indiqué qu’elle comptait amorcer une nouvelle série de discussions avec le secteur lesquels devront aboutir à la signature de cet accord dans les 3 années qui vont suivre.
Réduire l’exposition au risque souverain
Selon le FMI, l’exposition des banques commerciales sur les emprunts des États de la région est « excessive ». « Cette exposition (prêts et titres) représentait environ 30 % de l’actif total à la fin de 2022, en hausse de 10 % par rapport à la fin de 2015. L’exposition de plusieurs banques à la dette souveraine des pays de la CEMAC est supérieure à 50 %, ce qui constitue une menace importante pour la stabilité́ financière » tempête l’institution. Cette dépendance excessive aux titres d’Etats contribue à l’éviction du secteur privé, et sape les efforts déployés pour soutenir la croissance du secteur privé et pour diversifier l’économie. Le FMI recommande à la COBAC, d’appliquer progressivement les limites de concentration actuelles et de pousser les banques à mettre en œuvre une gestion prudente des risques à l’interne.
Par ailleurs, en s’appuyant sur la reprise des activités de surveillance régionale de la Commission de la CEMAC, le fonds suggère à la COBAC de s’éloigner de manière plus systématique de la pondération de risque zéro sur les expositions souveraines. « Les services du FMI ont répété leur invitation à la collaboration entre la COBAC et la BEAC afin de s’assurer que les spécialistes en valeurs du Trésor, surtout des banques, ne s’approprient pas systématiquement toutes les nouvelles émissions de titres souverains, comme le stipulent d’ailleurs leurs cahiers des charges ».
Les services du FMI ont exhorté le gendarme bancaire à s’assurer que les banques sous-capitalisées soumettent des plans crédibles de recapitalisation à moyen terme et se dotent d’une stratégie de réduction des prêts improductifs. La COBAC a également été invité moderniser son corpus règlementaire en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
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