Patrick Manga : « Nous sommes prêts pour la mise en service des sept premiers postes de péage, nous attendons le feu vert de l’Etat, qui ne saurait tarder »
Dans une interview accordée à EcoMatin, Patrick MANGA, Directeur Général Adjoint de Tollcam revient sur le retard accusé sur l’opérationnalisation des sept péages automatiques ainsi que les difficultés rencontrées dans le cadre de projet gouvernemental.
Monsieur le Directeur, pouvez-vous nous décrire le rôle de votre entreprise dans le processus de mise en place des péages routiers au Cameroun ?
Tollcam Partenariat SAS a signé un contrat de partenariat en 2020 avec l’État du Cameroun qui était représenté par le Ministre des travaux publics et le Ministre des Finances. Et comme ce contrat était dans le cadre d’un Partenariat Public Privé. Cela a été fait sous la houlette du CARPA qui est l’organisme du Conseil et d’Appuis pour les Contrats de partenariat public privé. Ce conseil garantit le bon déroulement des PPP.
Le rôle de Tollcam était de garantir la construction et l’exploitation des péages en apportant des financements, en s’occupant de toute la partie infrastructurelle, c’est-à-dire les recrutements, le transfert de technologies au Cameroun. Ce contrat a été fait sur une durée de 20 ans. Tollcam gère aussi les sous-traitants. L’entreprise a sous-traité la construction à Razel-bec, et l’exploitation à Egis Road Opération. Le donneur d’ordre à ces deux sous-traitants c’est Tollcam. Nous sommes en face de l’État pour rendre compte de la construction et de l’exploitation.
Que répondez-vous aux critiques selon lesquelles les péages automatiques n’ont pas(encore) leur place au Cameroun vu l’état dégradant des routes ?
Pour ce qui est des critiques, il y en a beaucoup. D’abord la première critique était sur les infrastructures, et l’état des routes. Il faut bien comprendre Aujourd’hui, cela ne nous concerne pas, nous ne sommes pas les décisionnaires. Tollcam, comme son nom l’indique a été créé pour la construction des péages automatiques. Nous avons répondu à un appel d’offres, à une demande de contrat de partenariat pour des péages automatiques. Nous ne pouvons pas être tributaire de l’état des routes. Bien-sûr pour arriver à un péage, il faut passer par une route, et il faut qu’elle soit en bon état, mais je pense que ce sujet est régalien à l’État.
C’est à l’État de faire ce qu’il faut pour rendre ces routes viables. Et ces projets que sont le projet des infrastructures routiers et le projet sur les péages automatiques sont différents, et il ne s’agit pas des mêmes interlocuteurs. Pour le cas d’espèce, Tollcam répond sur des péages automatiques. On ne peut pas commencer à répondre sur des routes. Non seulement ce n’est pas notre rôle, mais ce n’est pas notre travail, cela ne fait pas l’objet de notre contrat de partenariat avec l’État du Cameroun. En revanche, on est quand-même opérateurs sur l’infrastructure qu’est le péage. Donc la question nous intéresse. Le commentaire que je peux apporter sur la question c’est qu’aujourd’hui pour faire une route, il faut de l’argent. Et le Mintp a bien souligné en 2020 qu’il y a 50% des recettes du péage routier qui disparaissent.
Je pense que sécuriser les recettes de péages pour avoir de l’argent et s’occuper des routes n’est pas une idée insensée. C’est même une très bonne idée. Aujourd’hui, les péages automatiques sont mis en place à cet effet.
Notre mission c’est la sécurisation des recettes. Le constat que le ministre a fait, c’est un constat réel. Aujourd’hui, on n’a aucune traçabilité sur la recette des péages existant. Ce que Tollcam peut dire c’est que nous ne construisons pas des nouveaux péages. Ce sont des péages qui existent et on les modernise juste en assurant la traçabilité de ces recettes.
Selon certaines indiscrétions, les nouveaux péages devraient augmenter les prix. Quels commentaires pouvez-vous en faire ?
Aujourd’hui les Camerounais paient 500 FCFA dans les postes de péage qui sont sur les routes nationales. Demain, ils paieront toujours 500 FCfa. Tollcam n’a pas la capacité à décider des prix de péages parce que ces routes nationales appartiennent à l’État. Ce ne sont pas des routes privées. Elles ne sont pas privatisées. Le prix des péages sur ces routes-là est légiféré. Si demain l’État veut augmenter ces péages-là, je pense qu’il y aura une explication y relative à ces augmentations, ce qui n’est pas le cas à ce jour. Aujourd’hui, le péage reste à 500 FCFA pour tous types de véhicules. Malgré le déferlement sur les réseaux sociaux. Puis c’est nouveau, les gens ont besoin de parler, ont besoin d’informations, d’une éducation. On a d’ailleurs commencé à sensibiliser les usagers sur ce point. L’information que nous donnons c’est que demain quand vous passerez une gare de péage automatique, vous n’aurez à payer que 500 FCFA. Si ça change, ce sera à l’État de communiquer là-dessus. Ce n’est pas à Tollcam de faire la communication ou de modifier les prix de péage ni aux réseaux sociaux d’ailleurs.
Les péages automatiques annoncés pour être opérationnels dès septembre dernier ne le sont pas toujours deux mois après. Qu’est-ce qui explique ce retard ?
Sur les délais de mise en service, effectivement c’était annoncé pour septembre. Aujourd’hui, on n’est pas mis est en service parce qu’il y avait des réglages techniques à faire entre les systèmes mis en place et les systèmes de contrôle de l’État. Comme dans tous les projets, nous sommes venus avec des systèmes qui sont normés pour assurer une traçabilité des recettes, et l’État a un ensemble d’outils de contrôle de la recette, et il fallait marier ces outils. Il y a toujours un ensemble de réglages techniques à faire dans ce type d’installation.
Maintenant que ce travail est fait, on peut dire qu’on est prêt à ouvrir les péages. La phase 1 qui comporte 7 péages est prête à la mise en service.
On n’a pas de date pour l’instant parce que, le gouvernement est propriétaire des routes et des infrastructures. Nous ne sommes que prestataire dans un contrat de partenariat. Nous restons à l’écoute du gouvernement. Malheureusement, le timing politique n’est pas toujours compatible au timing du projet. Aujourd’hui, on est dans un temps politique qui ne dépend pas de nous. Ce qui dépend de nous c’est de mettre à disposition les péages et de dire que nous sommes prêts pour la mise en service. Nous avons ouvert les gares de péages aux usagers pour qu’ils prennent aussi conscience de ce que c’est, des infrastructures, etc. et c’est toute une éducation à implémenter dans la société, savoir qui paie, qui ne paie pas, pourquoi, comment on passe la gare de péage, la barrière, ralentir, s’arrêter, c’est toute une éducation à faire au sein de la population. Il y a une sensibilisation qui est en cours par les péagers, il y a des jeunes Camerounais qui ont été recrutés pour l’exploitation de ces péages qui effectuent un travail formidable et qui sont déjà en poste à toutes les gares de péage. Aujourd’hui nous sommes à l’écoute de l’État pour la mise en service.
Est-ce que vous pensez qu’il n’y a pas un problème d’organisation dans les délais d’ouverture de ces péages ?
Non ce n’est pas un problème d’organisation. Tous les acteurs publics et privés de ce projet ont été très professionnels. Contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de projets partout dans le monde et en particulier au Cameroun, nous ne comptons que deux mois de retard. Et nous pouvons dire que nous sommes prêts à mettre en service.
Les deux mois de retard, ne sont pas dus au projet, mais des retards liés aux réglages techniques. Ces réglages techniques ont été réalisés. Il y en a d’autres qui peuvent continuer à être réalisés après la mise en service.
Aujourd’hui, ce sont les décisions politiques qui retardent la mise en service des péages. Les techniciens travaillent, il y avait des prérequis auxquels on ne pouvait déroger, c’est fait. Ce sont des décisions politiques que nous attendons.
Malheureusement, Ce temps a un coût. Aujourd’hui on n’est pas encore entré dans des estimations de ce coût.
On n’est pas encore dans un esprit de contentieux. C’est un partenariat. Chaque partenaire peut rencontrer des difficultés de son côté. Le temps des estimations arrivera forcément. Il faut être conscient que le partenaire privé c’est-à-dire Tollcam à des obligations envers les Banques, le personnel (environ 200 personnes mobilisées sur le site aujourd’hui), des assurances, ses actionnaires, ses sous-traitants, et tous ces engagements représentent un coût non négligeable. Le contrat décidera de qui va supporter les frais et à partir de quand. Pour le moment, Nous continuons à rassurer l’État et à répondre aux questions qui sont posées par le gouvernement et par les usagers. Tous les acteurs publics et privés de ce projet ont été très professionnels.
Y a-t-il des mécanismes mis en place pour sécuriser les recettes à engranger de ces péages automatiques ?
Nous avons une convention de collecte qui nous permettra de collecter les recettes. Le but c’est de dire, que tout véhicule qui passe une gare paie. Sauf certains corps constitués comme les véhicules militaire, les véhicules de maintien de l’ordre, les ambulances qui seront exemptés. Pour Chaque véhicule qui passe une gare, le système doit enregistrer un paiement. Les moyens de paiement qui sont disponibles sont le paiement en espèces, le QR code disponible en agence, et une carte d’abonnement. D’autres moyens de paiement pourront arriver dans l’avenir. Une fois que le système a enregistré un paiement, notre travail c’est de faire une traçabilité de ce paiement jusqu’à la caisse de collecte de l’État. C’est-à-dire que nous allons collecter cet argent, le sécuriser, nous avons des conventions avec des convoyeurs des fonds et des banques par lesquels cet argent va transiter et nous devons faire des reportings au gouvernement pour prouver que tout ce que nous collectons va bien dans les bons comptes. Le but c’est de reverser cet argent dans les caisses de l’État. La sécurisation ne se limite pas seulement à la collecte. On doit s’assurer qu’il y a une traçabilité de cet argent et d’être sûr de le reverser dans les caisses de l’État en s’assurant que les pertes que l’État enregistre aujourd’hui ne se répètent plus.
Certains estiment que les péages automatiques ne sont pas réellement automatiques, puisse que l’usager effectue lui-même les opérations de paie ?
Il ne faut pas confondre télépéage et péage automatique. Dans un télépéage, il y a de l’automatisation derrière. Mais dans un péage automatique, il peut ne pas avoir de télépéage. C’est ce qui est le cas au Cameroun. Le péage automatique veut dire qu’un véhicule arrive en gare, cette dernière le reconnaît (un poids lourd ou un poids léger ou une moto). Le système détermine le montant à payer. Ensuite, le système va demander le type de paiement choisi (par exemple espèces). Effectivement, là on n’est pas au télépéage. Je rappelle que c’est le système qui demande le type de paiement. Le péager contrôle simplement.
Après avoir perçu le paiement par la caisse si c’est en espèce ou par le code si on a badgé, le système ouvre la barrière. Ou alors on dira, type de paiement exonéré, et là le système va demander la carte d’exonération, une fois qu’elle est reconnue et valide, la barrière s’ouvre automatiquement sans attendre de paiement. Ou alors on dira que c’est un exempté (véhicule militaire ou de la santé publique) et on ouvre la barrière. Dans le cas où c’est un exonéré, on va badger la carte et on va rentrer le numéro d’immatriculation dans le système. Ce dernier va le reconnaître puisqu’il est bâti sur une base de données.
Ce sont des véhicules qui sont exemptés ou exonéré, pas des personnes. Sachant que tous les véhicules qui passent sont pris en photo. Lorsqu’on refera la réconciliation entre le trafic et les recettes perçues, pour tout ce qui est exonéré, exempté, passage en convoi, ou tout autre chose, il y aura un audit qui va vérifier chacun des passages.
Aujourd’hui, le péage automatique c’est le fait qu’on laisse le système décider si on ouvre, reconnaître le type de véhicule, prendre des photos, prendre une traçabilité du passage, décider si on attend un paiement ou pas et d’enregistrer toutes ces informations automatiquement pour que plus tard (jour +1) on puisse faire des réconciliations entre la recette qu’on a reçu et toutes les informations du trafic qu’on a. C’est ça le péage automatique.
Quelles ont été les difficultés rencontrées dans le cadre de l’exécution de ce marché ?
Les deux principaux défis que nous avons eu avec le péage automatique ont été l’énergie et la connectivité. Nous avons pris le pari d’interconnecter les gares de péage. Ça veut dire que ce qui se passe à Boumnyebel, à Tiko ou à Mbankomo, on est capable de voir l’information, la contrôler et de résoudre un problème à distance. Sur le point de l’énergie, nous avons beaucoup travaillé avec Eneo, nous sommes arrivés à des installations qui sont stables aujourd’hui en termes d’énergie. Ça a été long, difficile mais nous y sommes arrivés. De plus, nous avons mis en place un système de Backup énergétique c’est-à-dire, un premier groupe électrogène en cas de coupure d’électricité et un deuxième groupe électrogène en cas de panne du premier groupe électrotrogè. Chaque gare de péage à ce dispositif-là. Ce sont des coûts qui ont été conséquents, mais ce sont des points essentiels où nous étions attendus pour avoir l’énergie 24h/24.
La connectivité est également un point hyper important. Nous travaillons avec Camtel à cet effet. Nous avons opté pour la solution technique la plus adaptée, à savoir la fibre optique.
Nous avons payé d’infrastructures neuves d’installation de la fibre optique. Nous avons souscrit à des bandes passantes assez élevées, sachant qu’au Cameroun internet est extrêmement chère. Nous travaillons en permanence à adapter les bandes passantes sur les 7 gares interconnectées. Nous pouvons dire que nous faisons ce qu’il faut pour adapter l’infrastructure et adapter la fourniture à notre besoin. Avec le concours de CAMTEL, nous arrivons à avoir une stabilité. En conclusion, nous pouvons dire qu’à ce jour Tollcam est prêt à mettre en service les 7 premières gares de péages, nous pensons d’ailleurs qu’il est extrêmement urgent de le faire pour plusieurs raisons : La première étant les coûts engendrés par des installations prêtes et non exploitées. La seconde étant l’enjeu pour l’ensemble des partenaires de rester crédibles vis-à-vis non seulement de l’opinion publique, des collectivités locales qui ont été très sollicitées pour la réalisation de ce projet, et des partenaires bancaires.
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