Carte nationale d’identité : la Corée pour remplacer le français Gemalto dans la production ?
Le Premier ministre sud-coréen fait une offre de production et de sécurisation de ce titre au président de la République, Paul Biya. Alors que persistent de graves défaillances dans la production et la mise à disposition de cette pièce malgré le limogeage de Thalès et le recrutement d’un autre opérateur européen en 2015, cette proposition intervient au moment précis où le gouvernement est à la recherche d’un nouveau partenaire technique pour implémenter le futur système de délivrance de la Cni en 48 heures.
C’est le premier déplacement officiel d’un Premier ministre de Corée du Sud au Cameroun depuis l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, en 1961. Han Duck-Soo qui a séjourné à Yaoundé du 31 octobre au 1er novembre derniers est venu solliciter le soutien du Cameroun à sa candidature pour l’organisation de l’Exposition universelle 2030. Parallèlement, il a discuté avec les plus hautes autorités camerounaises de renforcement de la coopération entre les deux pays, notamment aux plans économique, technologique et commercial, alors que les échanges entre les deux pays ont atteint 180 milliards Fcfa en 2021. Lors d’une audience avec le président de la République, Paul Biya, mercredi dernier, le Premier ministre sud-coréen a fait une offre de sécurisation des titres identitaires camerounais, notamment la carte nationale d’identité (Cni) dont le processus d’obtention demeure un véritable chemin de croix en dépit des avancées technologiques. Han Duck-Soo en a fait mention au sortir du Palais de l’unité. On n’en sait plus sur cette offre de la Corée du Sud qui est connue comme l’un des pays les plus avancés du monde en matière de technologies.
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Il convient néanmoins de noter qu’elle intervient un mois seulement après que le délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn), Martin Mbarga Nguele, a annoncé la mise en place, sur instruction du chef de l’Etat, d’un nouveau système de délivrance de la Cni en 48 heures « à partir du jour et de l’heure d’enrôlement ». Si l’on en croit le patron de la police nationale, ledit système entrera en service dans les tout prochains mois. Martin Mbarga Nguele a ajouté qu’un partenaire technique dont le recrutement est en cours se chargera de construire trois centres autonomes de production à Yaoundé, Douala et Garoua. Des centres modernes d’enrôlement seront également construits dans chacun des sept autres chefs-lieux de régions, qui seront ensuite dotés d’un minimum de 15 postes d’identification chacun ; ce qui fera passer le nombre à l‘échelle nationale de 280 actuellement à 543. Et pour un départ, pas moins de 700 kits fixes dotés d’une technologie de pointe vont être installés dans les postes d’identification et 300 autres, mobiles, vont être déployés dans les villes secondaires.
Un avenir en pointillés pour Gemalto
Il s’agit là d’une énième réforme de la carte nationale d’identité depuis 2015. La reprise en juillet de cette année-là par la multinationale de droit néerlandais Gemalto du marché de fourniture des titres identitaires sécurisés et infalsifiables au Cameroun, contrat détenu jusque-là par le français Thales, avait suscité beaucoup d’espoirs eu égard non seulement au prestige de l’opérateur – l’un des plus importants dans le secteur de la sécurité numérique et premier producteur de cartes Sim au monde -, mais aussi à la communication relative à l’acquisition d’un équipement de pointe pour plus de célérité et surtout de fiabilité dans la production de la Cni, de la carte de séjour, des cartes professionnelles du personnel de la Sûreté nationale, de la carte de refugié, etc. Le français Thalès avait réussi à revenir au Cameroun à la suite du rachat de Gemalto en 2019, mais les récentes évolutions sur fond de positionnement de la Corée au moment précis où le Cameroun est à la recherche d’un nouveau partenaire pour implémenter le futur système de production de la carte nationale d’identité en 48 heures, dessinent un avenir en pointillés pour l’actuel opérateur Gemalto qui est loin d’avoir été à la hauteur.
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En effet, 8 ans après, les plaintes n’ont jamais autant fusé sur les réseaux sociaux, de Camerounais qui attendent 5 ans, voire plus, pour obtenir la Cni. Un nombre important de citoyens en âge adulte n’a même jamais possédé ce précieux document sans lequel la plupart des transactions administratives sont impossibles. Fin 2020 et début 2021, l’on avait atteint un pic de plaintes sur les réseaux sociaux, avec la fameuse campagne citoyenne « Je veux ma Cni ». Celle-ci visait à encourager les services dédiés à poursuivre et améliorer les réformes engagées pour une résolution de la crise de la carte nationale d’identité. Officiellement, la Dgsn soutient que l’un des goulots d’étranglement dans la recherche des solutions au problème de la Cni est lié au phénomène de la falsification de l’état civil. L’institution indique que plus de 4 millions de Camerounais adultes sont en situation de double identité.
A noter que dans la perspective du lancement du nouveau système, le chef de l’Etat a instruit la création d’un comité interministériel qui, d’après Martin Mbarga Nguele, est déjà à pied d’œuvre « pour trouver une solution définitive au problème de double identité que rencontrent de nombreux Camerounais, avant le lancement du nouveau système de délivrance de la Cni ».