Vie chère : le ministre du Commerce exige la baisse des prix du poulet, des œufs, du pain et du ciment
Luc Magloire Mbarga Atangana accuse les acteurs de ces filières de continuer à entretenir l’inflation en maintenant des prix élevés alors que le contexte international, marqué par la chute des cours de plusieurs intrants et une normalisation au niveau des chaînes de distribution, est favorable à la baisse des prix. Jugeant légitime l’aspiration des consommateurs à profiter de la détente en cours, il vient de sommer les associations professionnelles de revoir immédiatement à la baisse les coûts de ces produits de grande consommation.
Dans une correspondance datée du 19 octobre dernier, adressée au président de l’Interprofession avicole du Cameroun (Ipavic), le ministre du Commerce (Mincommerce) appelle à son engagement moral et citoyen pour une prise en compte des intérêts et droits légitimes des consommateurs, à travers la baisse, à due hauteur, du prix du poulet et des œufs de table dans nos marchés. Luc Magloire Mbarga Atangana fonde sa demande sur « l’évolution récente de certains coûts de facteurs parmi les plus importants de ce secteur d’activité », au moment où, étrange paradoxe, les prix du poulet et des œufs connaissent une hausse vertigineuse sur le marché camerounais. Les produits avicoles sont désormais hors de prix, signe que les acteurs profitent de la crise pour réaliser de supers profits dans le dos des ménages dont le pouvoir d’achat s’est fortement dégradé. Le Mincommerce relève en effet, pour m’en féliciter, que le prix du maïs est passé de 310 Fcfa/kg à 200 Fcfa. Parallèlement, le son de blé, qui s’échangeait sur les marchés à 150.000 Fcfa la tonne, se vend depuis trois semaines à 70.000 FCFA, soit une baisse de 53%. « Par- dessus tout, les poussins sont abondants et disponibles, avec des prix stabilisés. Au-delà des considérations d’ordre éthique, le bon sens commande que la baisse de ces coûts de facteurs essentiels soit répercutée au niveau du consommateur », ajoute le ministre.
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Il demande en conséquence au président de l’Ipavic de prendre immédiatement, de concert avec tous les acteurs de la filière, les mesures qui s’imposent et qui doivent se matérialiser par un recul significatif des prix du poulet et des œufs sur l’ensemble des marchés de la République. « Je donne en tout cas les instructions nécessaires aux services compétents de mon département ministériel, qui devront travailler avec vos équipes, pour qu’il en soit ainsi et pas autrement », conclut le membre du gouvernement. Le même jour, le Mincommerce a saisi le président du syndicat des boulangers du Cameroun pour lui signifier l’obligation d’une baisse significative et immédiate des prix du pain et des produits panifiés. « A l’issue d’une concertation récente que j’ai tenue avec l’industrie meunière, les acteurs de cette filière m’ont informé qu’en rapport avec l’évolution des cours du blé sur le marché international, ils avaient procédé à une baisse automatique des prix sortie usine de la farine de l’ordre de 4000 à 4500 Fcfa/sac. Par-delà les considérations d’ordre éthique, le bon sens commande que les boulangers observent la même discipline en procédant, à l’identique, à la baisse concomitante des prix du pain et des produits panifiés, au bénéfice du consommateur », écrit-il.
Circuit de distribution
Au cours des dernières semaines, les industries du secteur de la cimenterie ont annoncé avoir revu à la baisse le prix du ciment, sans préciser à quel taux. Luc Magloire Mbarga Atangana vient de saisir le président de l’Association des producteurs de ciment, pour lui demander de lui communiquer en urgence les nouveaux prix, afin de lui permettre de s’assurer qu’ils « sont dûment répercutés par le circuit de distribution au niveau du consommateur final, en proie à une inflation galopante depuis trois années consécutives et qui a le droit de bénéficier, à son tour, de la détente des cours mondiaux ». Ces demandes qui sont loin d’être nouvelles vont-elles trouver un écho favorable cette fois auprès des qui a le droit de bénéficier, à son tour, de la détente des cours mondiaux ». Ces demandes qui sont loin d’être nouvelles vont-elles trouver un écho favorable cette fois auprès des acteurs de ces filières ? Depuis juin dernier, le Mincommerce n’a eu de cesse de répéter qu’il est temps d’amplifier et généraliser le mouvement de gel des prix des produits de grande consommation, mais son discours est resté inaudible jusque-là. « Je le redis haut et fort, les prix aux consommateurs doivent baisser, en tenant évidemment compte de la conjoncture extra et intramuros, c’est-à-dire, interne et internationale. Entendons-nous bien, le gel des prix signifie la fin de la hausse des prix et le blocage des compteurs dans le sens de la hausse. A contrario, geler les prix dans l’entendement du gouvernement signifie amorcer le mouvement de la baisse dans un processus certes progressif, mais non moins significatif », relevait-il à l’occasion de l’ouverture d’un nouveau supermarché à Yaoundé, début juin.
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La baisse des prix est en effet une aspiration légitime des consommateurs lambda étranglés depuis trois ans par la vie chère, au regard de la tendance actuelle des cours des matières premières agricoles, baissière sur le marché international depuis le premier trimestre de l’année en cours pour la plupart des produits. Entre autres chiffres qui illustrent un refroidissement du marché, la tonne d’huile de palme coûte autour de 930 dollars environ, soit environ 560.000 Fcfa, contre plus de 1600 dollars, soit à peu près 980.000 Fcfa avant la fin de 2022. Et pourtant, les produits de la chaîne de valeur de cet oléagineux, à l’instar des huiles végétales et des savons n’ont pas baissé d’un pouce sur le marché camerounais. La bouteille d’un litre d’huile végétale, par exemple, coûte 1500 Fcfa contre 1000 Fcfa avant la survenue du Covid-19.
Embellie
Dans le même temps, les savons produits par l’industrie locale, en plus d’avoir connu des hausses de prix de l’ordre de 20 à 30% en fonction des marques et des volumes, ont perdu en poids et en qualité sous le regard impuissant des autorités publiques et au mépris des normes. Les prix des produits de la chaîne de valeur blé restent eux aussi inchangés alors que le cours de cette céréale a fortement baissé sur le marché international comme indiqué supra par le Mincommerce. La tonne s’est dépréciée d’environ 25 euros depuis le début de l’année. Au-delà de cette baisse qui concerne la plupart des oléagineux et des graines, les prix du fret qui avaient connu une explosion à +400% sur certaines destinations sont à nouveau à leur niveau d’avant la double crise. Cette situation est du reste confirmée par le rapport Cyclope 2023, qui est l’ouvrage de référence qui passe en revue les grandes tendances de marché. Selon ce document, « le marché des matières premières a repris son souffle, même si les perspectives à partir de 2024 sont sombres pour quelques-unes ». Il explique cette embellie par le fait que les tensions sur les marchés agricoles se sont estompées grâce à de bonnes récoltes et des perspectives pour la campagne prochaine plutôt encourageantes.
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Dans le domaine de l’énergie, le gaz a chuté à 30 euros le MW/h, après avoir atteint 300 euros en septembre 2022. Tandis que, dans le secteur des métaux, l’on assiste « globalement à une détente des prix ». Il faut noter, toutefois, qu’au Cameroun l’indice des prix à la production industrielle (Ippi) a enregistré une hausse de 15% au 1er trimestre de 2023 en raison, entre autres facteurs, de la hausse des prix du gaz et de l’électricité aux entreprises. C’est un indicateur que les prix vont rester haut pendant un certain temps encore. Et selon la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), le Cameroun devrait terminer l’année 2023 sur un taux d’inflation autour de 6,4%.