Diamant de Mobilong : l’Etat du Cameroun ne perçoit pas la redevance d’exploitation depuis 7 ans
L’opérateur coréen C&K Mining, le détenteur du permis d’exploitation qui avait cédé 30% de ses actions à une entreprise chinoise en 2013 est porté disparu. Le rapport ITIE 2021 que vient de rendre public par le Minmidt signale que l’entrée en scène de ce deuxième partenaire entraîne une forte spéculation au détriment des recettes attendues par l’Etat.
Le rapport 2021 de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) produit cette fois encore par le cabinet indépendant Enerteam pour le compte de l’Etat du Cameroun, publié fin septembre dernier par le Minmidt vient confirmer ce que beaucoup savaient déjà : la société coréenne C&K Mining, titulaire d’un permis d’exploitation valable pour diamant et substances connexes dans la localité de Mobilong, arrondissement de Yokadouma dans le département de la Boumba et Ngoko (Est), s’est joué du Cameroun. « Le moins que l’on puisse dire à ce sujet est que l’opérateur C&K est porté disparu et ne s’acquitte pas de la redevance superficiaire annuelle (royalties) depuis sept ans », après avoir « cédé 30% de ses actions à une société chinoise en 2013 », indique le rapport. Ceci « entraine une forte spéculation au détriment des recettes attendues de cette exploitation », preuve que, « finalement, ce projet qui a charrié beaucoup d’espoir pour le Cameroun est un exemple de spéculation négative observée dans le secteur minier », regrette le rapport.
En effet, juste après l’exportation en deux temps de deux lots de diamants d’une quantité totale de 2140,76 carats il y a sept ans, cet opérateur s’était mis en arrêt d’activités, après que le gouvernement lui a « demandé d’effectuer les travaux supplémentaires de certification des réserves avant la poursuite des travaux d’exploitation, chose qui n’a pas encore été faite », rappelle le cabinet Enerteam. La raison en était simple : sur ce gisement de diamants de Mobilong, « on a assisté à des déclarations de réserves qui sont parties de 750 millions de carats à 150 millions de carats. Il y a de cela sept ans, l’opérateur avait affirmé qu’il pouvait produire 4 000 carats, mais, jusqu’ici aucune pierre ne sort du sol ». C&K Mining s’est débiné soudainement alors même que le Cameroun s’est particulièrement investi pour adhérer au Processus de Kimberley. Pour mémoire, afin d’être conforme aux exigences internationales en matière d’exportation des diamants bruts, l’Etat du Cameroun s’est investi pour adhérer au Processus de Kimberley et a mis en place le Secrétariat national permanent du processus de Kimberley créé par décret N° 3666/PM du 02 novembre 2011, soit un an juste après l’octroi du permis d’exploitation à C&K Mining en date du 16 décembre 2010, sur une superficie de 236,25 Km2.
Enquête
Dans une enquête publiée en mars 2022 sur ces entreprises qui vendent du vent au Cameroun sur divers projets miniers, EcoMatin était largement revenu sur le cas du diamant de Mobilong. Pour l’histoire, c’est le 27 mai 2009 que Badel Ndanga Ndinga, alors ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt), confirme que l’entreprise sud-coréenne C&K Mining (détentrice d’un permis d’exploration minière délivré en 2007) a découvert un important gisement diamantifère à Mobilong et Limokoali, à l’Est. Selon C&K Mining, « ces réserves, les plus grosses jamais connues à ce jour dans le monde, sont estimées à 90 tonnes, soit 736 millions de carats et à 5 fois la production mondiale annuelle ». Pour la phase d’exploitation, l’entreprise déclare qu’elle va investir jusqu’à 500 milliards Fcfa sur 25 ans et créer 4 000 emplois directs.
Au milieu de l’euphorie qui va entourer cette annonce, Paul Nia, un géologue rattaché à l’Institut de recherches géologiques et minières, estime qu’« il n’est pas encore prouvé que cette découverte est plus importante que les gisements d’Afrique australe ». Et l’histoire va lui donner raison. En septembre 2011, un député coréen de l’opposition révèle que, contrairement aux chiffres de 2009, le gisement de Mobilong ne vaut que 18 millions de carats, environ 3,3 tonnes, soit 23 fois moins. Entre-temps, alors que C&K n’était chargé que de l’exploration, l’annonce du ministre des Mines de l’époque avait multiplié par cinq, en dix-sept jours, son cours en Bourse. Le scandale sera tel qu’en février 2013, le patron de C&K Mining, Deuk Gyun Oh est incarcéré, puis libéré à la fin de septembre 2014. Malgré cela, C&K Mining a réussi à céder la majorité de ses actifs dans ce projet minier à un certain M. Yang, milliardaire d’origine chinoise résidant à Hong-Kong, détenteur d’un passeport américain, à la tête d’un joint-venture entre opérateurs coréens et camerounais. Dans l’affaire, les partenaires coréens, jusqu’ici majoritaires « avec plus de 50% » dans le capital de C&K Mining, n’en contrôlent plus que « moins de 10% », apprend-on. En un an, la junior minière avait perdu plus des deux tiers de sa valeur. Le Cameroun, détenteur de 35% dans le capital de C&K Mining, venait de se faire berner.
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