La Beac travaille sur la mise en place d’une monnaie numérique
Abbas Mahamat Tolli, le gouverneur de la Banque centrale des Etats de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) a signé le 13 septembre dernier une décision portant création d’un groupe de travail ad hoc.
La Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) l’institut d’émission commun aux six États de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) envisage la mise en place d’une monnaie numérique. C’est du moins le sens qu’indique une décision qu’Abbas Mahamat Tolli, le gouverneur de ladite Banque, a signé le 13 septembre dernier. Cette décision dont Eco Matin a reçu copie, révèle qu’il a été créé un groupe de travail chargé d’effectuer le suivi et ka mise en place des travaux relatifs à la « réflexion sur une monnaie numérique de la Beac).
Ce groupe de travail est constitué d’un superviseur, huit membres et deux rapporteurs. Le gouverneur précise dans sa décision que ce groupe de travail peut faire appel à « toutes les personnes ressources de son choix ». Ce qui signifie que d’autres personnalités peuvent étoffer le groupe qui a ainsi été créé.
Cette décision du gouverneur intervient dans un contexte où l’optique d’une monnaie numérique de la banque centrale n’était point envisagée il y a peu. En effet, au cours d’une conférence de presse qui a ponctué la première session extraordinaire du Comité de politique monétaire de la Beac de l’année 2022, tenue le 18 novembre 2022 à Ndjamena, la capitale tchadienne, Abbas Mahamat Tolli, a fortement déconseillé aux populations d’investir dans les cryptomonnaies.
« L’option de la Beac est de dire aux citoyens de ne pas investir dans ces actifs spéculatifs, parce qu’ils sont très risqués. Le Bitcoin, par exemple, a perdu plus de 70% de sa valeur depuis le début de l’année 2022 », avait indiqué Abbas Mahamat Tolli. Et ce dernier de réitérer que la cryptomonnaie demeure une monnaie non reconnue dans l’espace Cemac. « Je tiens à préciser que pour tous les pays de la zone Cemac, la seule monnaie est le franc CFA », a-t-il martelé. Abbas Mahamat Tolli maintient ainsi la position de la banque centrale face à l’officialisation, le 22 avril 2022, d’une cryptomonnaie par la Centrafrique.
Réticence de la banque centrale jadis
De plus, dans sa Lettre de la Recherche de mars 2022, la Beac a traité de la cryptomonnaie sous la plume de Jacques Eloundou Ndeme, chef de service à la direction des systèmes et moyens de paiement de la banque centrale. « Les monnaies numériques de banque centrale sont-elles une réponse face aux cryptomonnaies ? » est la problématique au centre de cet article.
Selon son auteur, l’introduction d’une cryptomonnaie de banque centrale, désignée monnaies numériques de banque centrale (MNBC), peut perturber le système bancaire existant. Cela pourrait se produire si les citoyens décident de détenir de la monnaie numérique au lieu de conserver leur monnaie physique sur un compte bancaire. Cela signifierait que les banques n’auraient pas d’argent pour accorder des prêts et autres produits financiers. Cela pourrait amener les banques à augmenter leurs taux d’intérêt pour inciter les clients à conserver leurs dépôts au sein des banques. Mais alors les intérêts perçus sur les prêts augmenteraient également pour couvrir les intérêts sur l’épargne.
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Aussi, indique le chercheur, l’usage d’un portefeuille numérique peut entraîner une défiance pour le compte bancaire. À moins d’accorder l’autorisation aux banques, de gérer les portefeuilles numériques, les populations pourraient ne plus avoir recours aux services de paiement des banques. Cependant, étant donné que la MNBC ne produit pas les intérêts et que la Banque centrale peut imposer des limites de transaction et de solde sur certains portefeuilles, ce risque peut être minimisé.
Le deuxième risque est opérationnel. Car, indique Jacques Eloundou Ndeme, les systèmes informatiques sont susceptibles de tomber en panne ou faire l’objet de cyberattaques. Inévitablement, la MNBC amène à une centralisation ; une situation qui exacerberait les cybervulnérabilités déjà répandues et augmenterait les surfaces et les vecteurs d’attaque, faisant de la banque centrale une cible. Ces attaques peuvent compromettre la confiance des utilisateurs ou pire, conduire à la disparition de la monnaie en circulation. La banque centrale aura besoin d’une technologie robuste et de systèmes de sécurité informatique de niveau militaire.
Evolution
Mais il faut noter que cette posture de la Banque centrale a évolué. Car il existe désormais un nouveau règlement régissant le marché financier commun au pays de la sous-région entré en vigueur le 1er août 2022, les notations d’« actifs numériques » et de « jetons numériques » sont apparues. « Constitue un jeton, tout bien incorporel (c’est-à-dire immatériel, NDLR) représentant, sous la forme numérique, un ou plusieurs droits émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien », explique l’article 76 de ce règlement, adopté le 21 juillet 2022 par le Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) et rendu public le 14 septembre 2022. Selon des acteurs du marché financier, associés à la rédaction de ce texte, ce concept intègre les cryptomonnaies, mais aussi les jeux vidéo, les photographies ou des logiciels.
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En plus, « les prestations de services sur actifs numériques » font désormais partie des activités admises sur le marché financier de la Cemac. Il s’agit, selon l’article 160, du « fait de proposer un ou plusieurs des services ou opérations ci-après : conservation d’activités numériques pour le compte d’un tiers ; achat d’actifs numériques contre une monnaie ayant cours légal ou contre d’autres actifs numériques ; exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques ; autres services sur actifs numériques tels que la réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers, la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, le conseil, le placement ».