Retrait d’agrément : Agnès Ndoumbe Mandeng, la DG de la Banque camerounaise des PME, bannie pour 10 ans
Suite à une procédure disciplinaire ouverte contre cette banque publique et sa directrice générale depuis le 21 mars 2023, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) interdit à Ndoumbe Mandeng l’exercice de toute fonction au sein de la direction générale ou du conseil d’administration d’une banque ou établissement de microfinance de l’espace Cemac pendant 10 ans.
Un conseil d’administration de la Banque camerounaise des PME (PB-PME) devrait se tenir dans l’urgence, afin de procéder au remplacement, au moins à titre intérimaire, de Agnès Ndoumbe Mandeng au poste de directeur général de cette institution bancaire publique camerounaise. En effet, ce haut-cadre de l’administration camerounaise, devenue la première dirigeante de la BC-PME le 5 juin 2014, vient d’être bannie par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), le régulateur du secteur bancaire dans la zone Cemac. « A compter de la notification de la présente décision, il est interdit à Madame Mandeng, née Ndoumbe Agnès, de contrôler les opérations ou d’exercer des fonctions au sein de la direction générale ou du conseil d’administration d’un établissement de crédit ou de microfinance sur l’ensemble du territoire des Etats membres de la Cemac, pendant 10 ans », précise la décision signée par Abbas Mahamat Tolli, le président de la Cobac, à l’issue de la session disciplinaire du gendarme des banques du 21 juillet 2023.
Selon la décision de retrait d’agrément « à titre disciplinaire », dont Ecomatin a pu obtenir copie, cinq principaux griefs sont portés à l’encontre de celle qui deviendra bientôt l’ex-DG de la BC-PME. Il s’agit du « non-respect des dispositions de l’article 26 du règlement relatif au gouvernement d’entreprise dans les établissements de crédit ; du non-respect des dispositions des articles 15 et 22 du règlement modifiant et complétant certaines conditions relatives à l’exercice de la profession bancaire dans la Cemac ; du non-respect des dispositions des articles 15, 45, 68, 71 et 91 du règlement relatif au contrôle interne des établissements de crédits et des holdings financières… ».
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En outre, Mandeng est sanctionnée pour « non-respect des dispositions des articles 13 du règlement Cobac relatif à la classification, à la comptabilisation et au provisionnement des créances des établissements de crédit, et de l’article 3 de la décision Cobac portant mesures d’adaptation à la reglementation prudentielle applicable aux établissements assujettis à la Cobac ; et non-respect des dispositions de l’article 58 du règlement portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, ainsi que les articles 11 et 18 du règlement relatif aux diligences des établissements de crédit en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale ».
Exclusion du DGA de la gestion de la banque
En ce qui concerne le non-respect du règlement relatif « au gouvernement d’entreprise dans les établissements de crédit », il est reproché à Mme Mandeng de n’avoir pas appliqué « certaines résolutions prises par le conseil d’administration de la banque », instance pourtant reconnue par la Cobac comme le laboratoire de la stratégie de l’entreprise. Dans le cas d’espèce, il est fait grief à la DG de la BC-PME de n’avoir pas, par exemple, mis en œuvre la « résolution du 29 septembre 2020 portant sur les opérations internationales de trade finance, en l’occurrence la demande d’arrêt des émissions de garanties financières à l’international, dans l’attente que ces opérations complexes soient couvertes par des procédures dûment validées par l’organe délibérant ». Mais, bien avant cette résolution que la DG de la BC-PME n’a pas cru devoir appliquer, souligne la Cobac, « une demande d’explication avait déjà été adressée au directeur général par le président du conseil d’administration le 9 mai 2018, aux fins d’apporter des clarifications sur ses actes de gestion en désaccord avec la stratégie définie par le conseil ».
S’agissant du grief de non-respect de certaines dispositions « du règlement modifiant et complétant certaines conditions relatives à l’exercice de la profession bancaire dans la Cemac », la Cobac soutient que la DG de la BC-PME gère la banque sans associer son adjoint, contrairement aux prescriptions de la règlementation. « En effet, le directeur général adjoint est souvent tenu à l’écart de la gestion courante de l’établissement. Ainsi, le principe des ‘’quatre yeux’’ n’est pas respecté », souligne le gendarme des établissements de crédit dans sa décision. En outre, il est reproché à Mme Mandeng la non-certification des comptes de la banque pour l’exercice 2020, à cause de la caducité des mandats des commissaires aux comptes depuis la fin de l’année 2019.
Blanchiment des capitaux
Face à ces griefs, la Cobac souligne tout de même que lors de son audition, la DG de la BC-PME affirme s’être appuyée au départ sur son adjoint, qui « n’a pas souhaité s’impliquer dans le traitement des dossiers du fait de ses absences et de ses activités de conseiller municipal à Garoua ». Et que l’absence de la désignation des commissaires aux comptes n’est pas du fait de la banque, qui a régulièrement lancé un appel à manifestation d’intérêt en 2019. Celui-ci a été suivi en janvier 2021 par « la cooptation » par l’Assemblée générale de deux commissaires aux comptes, qui n’ont malheureusement « reçu l’avis favorable de la Cobac qu’en novembre 2021 ».
Au sujet du non-respect de la règlementation relative « au contrôle interne des établissements de crédits et des holdings financières », la Cobac soutient, par exemple que, des divergences sont nées entre le DG et le conseil d’administration au sujet du respect du plan des affaires de la banque, que les garanties financières émises par la banque à l’international ne sont pas systématiquement retranscrites dans le système comptable, et que la DG de la BC-PME entrave le travail de l’auditeur interne de la banque. « Dans un mail du 25 juin 2021, le directeur de l’audit rappelle que le directeur général lui avait clairement signifié au cours d’une réunion d’urgence le mercredi 23 juin 2021, que les opérations internationales font partie de son domaine réservé, et que l’audit interne ne doit pas s’en mêler », indique la Cobac dans sa décision.
S’agissant enfin du non-respect des règlements sur la prévention du blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que les diligences imposées aux banques pour lutter contre ces deux phénomènes, la Cobac reproche à la BC-PME d’avoir ouvert des comptes de correspondants à certaines banques et institutions financières n’ayant pas fourni la preuve de leur agrément. « De même, ces comptes dits de correspondants fonctionnent comme des comptes de particuliers », observe la Cobac. Entre autres griefs sur ce volet, il est également reproché à Mme Mandeng et sa banque d’avoir cautionné un rapatriement de 12 000 euros (7,5 millions de FCFA) de la Suisse. Ce d’autant que ce rapatriement, manifestement « frauduleux » selon la Cobac, était destiné, à en croire un rapport, à payer « certains agents véreux de la banque, contre la délivrance d’un instrument financier de type garantie bancaire de paiement auprès de ICICI Bank. Après un blocage des fonds de près de 7 mois, la direction générale a pris l’initiative, pendant le déroulement de la mission de la Cobac, de les renvoyer finalement à l’expéditeur », révèle la Commission bancaire.