Cotisations sociales : le gouvernement veut taxer la vieillesse
La direction générale des impôts fait pression sur la Cnps pour mettre en œuvre la fiscalisation des pensions de retraite. Les organisations syndicales et les associations des retraités sont vent debout contre le projet de l’administration fiscale et envisagent une grève en cas d’un passage en force.
Le 8 août 2023, le Directeur général de la Caisse nationale de Prévoyance sociale du Cameroun a convoqué une réunion regroupant les confédérations syndicales et associations des retraités « aux fin de les informer sur la problématique relative à la fiscalisation des pensions de retraite et autres prestations ». Il s’est agi pour la Cnps d’entretenir les organisations syndicales au sujet de la volonté d’appliquer une imposition qui pourrait asphyxier les retraités.
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Si pour l’heure, il est impossible de dire quelle forme prendra cette réforme encore moins le taux d’imposition, il va sans dire que l’administration fiscale veut ressusciter un projet vieux de 20 ans. C’est en 2003 que le gouvernement camerounais a institutionnalisé l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Irpp). La loi de Finances 2003 précise à cet effet que « sont imposables, les revenus provenant des traitements, des salaires, indemnités, émoluments, des pensions et rentes viagères, et les Gains réalisés par les producteurs d’assurance, les voyageurs-représentants-placiers, lorsque l’activité rétribuée s’exerce au Cameroun. » bien plus, « les pensions et rentes viagères sont réputées perçues au Cameroun lorsque le débiteur y est établi », éclaire la loi.
C’est dire que « la DGI a jusque-là fait preuve de tolérance administrative d’une part et d’autre part, la Cnps usait d’un artifice juridique (Traité CIPRES) pour s’affranchir de son obligation de retenue de l’impôt », nous souffle un analyste. Visiblement, la DGI n’est plus disposée à une telle souplesse.
A en croire les confidences faites par le patron de la Cnps, lors de la concertation, l’administration fiscale aurait entrepris de « saisir » jusqu’à 26 milliards de FCFA dans les comptes bancaires de la Cnps pour faire plier celle-ci à implémenter cette taxe.
Ce projet de la DGI dont on ne sait encore les contours s’est heurté à un refus catégorique de la part des organisations syndicales. « Tout prélèvement opéré par la DGI sur ce fait sera considéré non seulement comme une volonté injustifiable de s’attaquer au pouvoir d’achat déjà faible du 3eme âge mais aussi comme une volonté délibérée de ternir la paix sociale », s’indignent les syndicalistes.
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Ils soutiennent d’ailleurs que « les Camerounais ne sont même pas au courant qu’on est en train de vouloir imposer les prestations de la Cnps. Cet argent qu’on donne aujourd’hui aux retraités avait déjà été taxé dans leurs salaires. Pourquoi on veut encore taxer cela ?», grognent-ils.
De l’avis des experts, cette taxe sera un caillou dans la chaussure des personnes du troisième âge. Au Cameroun, ces personnes constituent une couche vulnérable. Selon les données de 2017, elle ne représente moins de 11 % de la population camerounaise. La majorité des retraités bénéficient de pension de retraite assez dérisoire pour leur permettre de vivre décemment. Depuis plusieurs années, elles espèrent une revalorisation, comme cela a était le cas pour le Smig en 2014 (36 270F CFA) et 2023 (41 875 FCFA).
Une taxe pour les personnes vulnérables
La fiscalisation des pensions serait donc une entorse à la politique gouvernementale de protection de couche vulnérable et exposerait davantage ces personnes. Et pourtant, dans sa profession de foi, le président camerounais Paul Biya à l’élection présidentielle de 2018 s’est engagé « à veiller à la prise en compte systématique des catégories vulnérables dans la mise en œuvre des politiques publiques et dans le fonctionnement des institutions » et « à assurer la stabilité des revenus des plus défavorisés » ainsi que d’« assurer le relèvement du pouvoir d’achat ».
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Les confédérations syndicales et associations des retraités préviennent d’ailleurs « les pouvoirs publics des conséquences graves qui pourraient résulter de la persistance d’une telle initiative auprès des retraités ».
Même si depuis 2016, Paul Biya a signé le décret n° 2016/072, fixant les taux des cotisations sociales et les plafonds des rémunérations applicables dans les branches des prestations familiales, d’assurance-pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès, des accidents de travail, ce qui a donné accès à une hausse des pension dont la pension la plus élevée a augmenté de 165% passant de 154 000 à 409 000 de FCFA, et la pension moyenne, a progressé de 101% passant de 52 000 à 105 000 FCFA. Sur le terrain, ces ajustements peinent à se faire ressentir. En raison notamment de l’inflation qui nuit à la capacité des retraités à subvenir aux besoins quotidiens.
Selon les données officielles de la commission de la Cemac, avec 7,7 % à fin juin 2023, le Cameroun enregistre la plus forte hausse de l’inflation sur un an. Il dépasse ainsi de deux fois et demie le seuil de 3% fixé par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Dans la sous-région, c’est la plus forte progression des prix à la consommation finale des ménages sur la période sous revue. La hausse des prix pèse particulièrement sur les populations à faible revenu et met ainsi à rude épreuve les dispositifs de protection sociale.
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Le mécanisme d’indexation des retraites à l’inflation pourrait donc constituer un élément essentiel de la réponse de politique publique en périodes de forte inflation, notamment dans le cas de l’épisode actuel. Par indexation, on désigne les modalités de progression des retraites servies, c’est-à-dire la revalorisation automatique des pensions au rythme de l’augmentation des prix, des salaires ou d’autres indicateurs choisis. Comme le précise la loi de 1994. L’indexation des retraites est donc essentielle, car les pensions sont généralement versées sur une longue période et constituent, en règle générale, la principale source de revenu de la majorité des retraités.
En l’absence d’indexation, l’inflation rognerait progressivement le pouvoir d’achat des prestations de vieillesse comme c’est le cas actuellement. Aux États-Unis, par exemple, l’indexation sur les prix des prestations de sécurité sociale, et donc des retraites, a été mise en place en 1972.