Finances publiques : menaces sur le budget de 4850,5 milliards en 2019
La direction générale du Budget craint des problèmes de gouvernance (la corruption administrative) qui affaiblissent la saine gestion budgétaire selon les règles d’économie et d’efficience.
Le gouvernement camerounais lui-même n’est pas serein quant à l’exécution budgétaire en 2019. En effet, au cours de la conférence annuelle des services centraux et déconcentrés du ministère des Finances (Minfi), le directeur général du Budget (DGB), Cyrill Edou Alo’o, a exprimé quelques craintes relatives au solde budgétaire. Il a alors relevé que le contexte socio politique et notamment la situation sécuritaire « pourrait générer des dépenses plus importantes que ce qui est prévu dans la loi de finances 2019 ». Par ailleurs, a-t-il noté, il y a des problèmes de gouvernance (la corruption administrative) qui affaiblissent la saine gestion budgétaire selon les règles d’économie et d’efficience (idée de gaspillage des ressources).
L’exécution des projets du Plan d’urgence triennal pour l’accélération de la croissance (Planut) et de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) 2019 retirée au Cameroun en novembre 2018, nécessite une couverture budgétaire plus importante que celle prévue dans la loi de finances (problème de la sous budgétisation des besoins de ces projets y compris les arriérés). Cyrill Edou Alo’o a par ailleurs indiqué que l’appel à garantie des passifs latents des entreprises publiques et des partenariats publics-privés nécessiteraient une couverture budgétaire ;
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Le DGB a mentionné la persistance des procédures dérogatoires (déblocages de fonds, avances de trésorerie, interventions directes Société nationale des hydrocarbures) qui pourrait saper les efforts de régulation budgétaire visant la constitution des marges budgétaires. Bien plus, il craint l’accélération des décaissements des financements extérieurs (Finex) liée à celle des grands projets et des travaux de la CAN au-delà du plafond de 617 milliards autorisé dans la loi de finances 2019 ;
Le budget du Cameroun en 2019 est de 4850,5 milliards de FCFA. Comparativement au budget de l’exercice 2018 qui était de 4 689,5 milliards FCFA, l’on note une augmentation des charges de l’Etat à hauteur de 161 milliards FCFA
Le gouvernement craint que la baisse de la production pétrolière ou la chute du prix du pétrole en deçà de l’hypothèse de 65,3 dollar/baril puisse entraîner la baisse des recettes pétrolières en deçà de la prévision de la loi de finances. Sans oublier un ralentissement de l’activité économique en deçà de l’hypothèse de croissance de 4,4% soutenant la construction de la loi de finances 2019, qui pourrait affecter le niveau de recettes potentielles attendues de l’exercice 2019 ; et enfin, une mise en œuvre insuffisante des mesures des programmes d’appui budgétaire ou une dépréciation des taux de change pourrait hypothéquer ou réduire les décaissements des appuis budgétaires attendus.
Le budget du Cameroun en 2019 est de 4850,5 milliards de FCFA. Comparativement au budget de l’exercice 2018 qui était de 4 689,5 milliards FCFA, l’on note une augmentation des charges de l’Etat à hauteur de 161 milliards FCFA. Les charges se répartissent ainsi qu’il suit : dépenses courantes évaluées à 2 465,5 milliards FCFA ; dépenses en capital prévues pour 1 327,6 milliards FCFA et le service de la dette publique est évaluée à 1 057,4 milliards FCFA.
En matière de recettes, l’Etat s’attend à des recettes non pétrolières de 3 079,5 milliards FCFA. Les recettes pétrolières et de gaz sont à hauteur de 450 milliards FCFA. Les prêts projets sont estimés à 588 milliards FCFA. Les émissions de titres publics sont d’un montant de 260 milliards FCFA.Les financements bancaires sont à hauteur de 65 milliards FCFA. Les appuis budgétaires de partenaires au développement pour un montant de 329 milliards FCFA et les dons, d’un montant de 79 milliards FCFA.
Craintes pour des appuis budgétaires de 329 milliards
Les conséquences liées au dérapage du solde (par l’accumulation des arriérés) sont les suivantes : le dérapage du programme économique et financier et le non décaissement des appuis budgétaires attendus (329 milliards de FCFA) ; l’accentuation de la crise (tension) de trésorerie ; le rallongement des délais de paiement et l’arrêt des chantiers ; le dérapage des critères de convergence de la Cemac avec pour corolaire le durcissement des conditions de financement (augmentation des primes de risque et des coefficients de pondération des risques de la Cobac) et la perte de crédibilité de la signature de l’Etat.
En somme, indique Cyrill Edou Alo’o, il convient de retenir que l’entretien des déficits excessifs et chroniques peut être préjudiciable à la stabilité macroéconomique et à la soutenabilité des finances publiques à moyen terme
Les principales mesures de régulation et mécanismes mis en place en 2019 pour préserver le solde budgétaire fixé dans la loi de finances sont légion selon la direction générale du budget. Elle propose par exemple le maintien à 20% des blocages de précaution sur les lignes de biens et services du budget de l’Etat ; le rationnement trimestriel de l’engagement des crédits de fonctionnement à travers la fixation des quotas budgétaires (un taux prudent de 15 % appliqué au 1er trimestre 2019). La DGB préconise également le renforcement de l’encadrement des procédures dérogatoires avec la mise en place des régies d’avance en remplacement des caisses d’avance, l’interdiction des déblocages de fonds pour les opérations pouvant s’exécuter par la procédure normale et l’interdiction des avances de trésorerie pour les dépenses autres que celles qui sont visées dans la Circulaire d’exécution (salaires, pensions, FINEX, service de la dette, frais de justice) ; l’interdiction des engagements provisionnels visant le cantonnement de crédits au niveau du trésor ; la régularisation mensuelle des opérations payées par avance de trésorerie ; l’amélioration du suivi de l’exécution du budget et du reporting financier ; la plateforme MINEPAT/CAA de régulation des décaissements des dépenses sur FINEX et les mesures d’anticipation de l’arrêt de l’exécution du budget 2019.
En somme, indique Cyrill Edou Alo’o, il convient de retenir que l’entretien des déficits excessifs et chroniques peut être préjudiciable à la stabilité macroéconomique et à la soutenabilité des finances publiques à moyen terme. Les conséquences possibles d’un tel comportement du déficit budgétaire sont la récession économique, l’inflation et la dynamique explosive de la dette à laquelle s’ajoute la question de sa viabilité.
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Si le cadre institutionnel et le système budgétaire actuels encadrent bien le principe de l’équilibre budgétaire et permettent déjà la préparation et la présentation des budgets sincères et équilibrés au Cameroun (LF 2018 et 2019), il reste cependant que pour atteindre cet équilibre, l’enjeu majeur réside dans l’exécution des budgets, en matière de gestion des recettes, des dépenses et des liquidités.
En matière de recettes, le défi majeur qui interpelle la DGI, la DGD et la DGB est celui du recouvrement optimal des recettes internes non pétrolières prévues. En matière de dépenses, les défis majeurs qui interpellent la DGB sont d’une part celui de la régulation budgétaire à travers un pilotage stratégique d’exécution du budget, et d’autre part, celui de l’amélioration du reporting financier ;
Enfin, pour ce qui est de la gestion des liquidités, elle interpelle la direction générale du Trésor qui doit mettre l’accent sur l’amélioration de la gestion de la trésorerie (limitation des avances et arriérés de paiement) et la Caisse autonome d’amortissement sur la gestion de la dette (maîtrise des décaissements des financements extérieurs, prêts et dons projets, appuis budgétaires, régulation des décaissements des FINEX).
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