Restructuration d’Eneo : la thérapie de choc du gouvernement
En situation de quasi-faillite, le producteur/distributeur national d’énergie éprouve des difficultés à régler ses factures et à lever des fonds pour investir. Le gouvernement vient d’élaborer un plan triennal pour sortir l’entreprise de sa détresse financière, dans un contexte où son actionnaire de référence veut plier bagage.
Plus que deux semaines avant la fin du délai de conciliation fixé par Actis, dans sa lettre de début juin adressée au Premier ministre, Joseph Dion Ngute. L’actionnaire de référence (51 % des parts) d’Eneo sollicitait une ouverture des discussions avec le gouvernement, afin d’examiner la situation de quasi-faillite dans laquelle elle se trouve. Cet état de cessation de paiement a pour conséquence de faire perdre sa valeur au producteur et distributeur d’énergie, ce qui est préjudiciable au moment où le fonds britannique ne cache plus sa volonté de plier bagage. Faute de trouver un terrain d’entente à la fin du mois, Actis n’aura d’autre choix que de recourir à l’arbitrage.
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Face à l’échec des négociations de reprise avec la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), l’Etat, détenteur de 44 % des parts, se positionne. C’est d’ailleurs ce qu’a clairement laissé entendre, Lionel Omgba Oyono, le 8 juin, lors d’une rencontre avec les bailleurs de fonds, au Hilton hotel de Yaoundé. « Actis ayant exprimé sa volonté de vendre ses actions à travers des négociations avec la Cnps, l’Etat envisage, débuter les discussions avec Actis », déclarait le directeur de l’électricité au ministère de l’Eau et de l’Energie (Minee). Pour y donner suite, son ministre, Gaston Eloundou Essomba, a lancé un appel d’offres pour recruter un cabinet qui se chargera d’évaluer la valeur des parts du fonds britannique.
Cette démarche participe de la panoplie d’actions que le gouvernement entend déployer pour sauver la compagnie d’électricité sur les trois prochaines années, dans le cadre de la première phase du plan de redressement du secteur de l’électricité à l’horizon 2030. Car, le fonds de roulement d’Eneo, rendu à fin 2022, accusait un trou de -190 milliards de Fcfa et sa trésorerie était négative de -113,1 milliards de Fcfa. Des indicateurs ayant viré au rouge depuis quelques années, selon des données du Minee. Un état de fait l’ayant empêché d’obtenir 210 milliards de Fcfa auprès de certains bailleurs de fonds, à l’instar de Proparco, pour mettre le segment distribution à niveau, principalement à Douala, dans la perspective de l’entrée en activité de Nachtigal.
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La compagnie d’électricité se trouve dans l’impossibilité de faire face à ses charges, faute de générer assez de revenus. Pour survivre, elle recourt de manière compulsive à la dette dont le montant global était de 700 milliards de Fcfa l’année écoulée, faisant exploser son exposition auprès des banques locales. La conséquence étant que plus de la moitié des 31 milliards de Fcfa collectés par mois vont au remboursement des crédits à court et moyen termes contractés. Confrontée aux impayés de ses principaux clients, notamment le secteur public, Eneo éprouve des difficultés à régler les facteurs de ses fournisseurs, aggravant le déséquilibre financier du secteur qui se situait à -29 milliards de Fcfa en fin mai.
Compteurs prépayés, Compensation tarifaire…
La thérapie de choc du gouvernement passe donc par le paiement de 25 milliards de Fcfa représentant une partie de la compensation tarifaire, provenant des 180 milliards de Fcfa que la Banque mondiale met à la disposition du Cameroun. Elle sera complétée par de nouvelles hausses des tarifs de l’électricité, après celle du début d’année qui ne concernait que les clients moyenne et haute tension, même s’il est difficile de savoir si cette revalorisation touchera la tranche sociale, dont les ménages.
En-dehors d’une stratégie de restructuration de l’entreprise dans le but de maîtriser ses charges, la réduction des délais de paiement des factures passe par la généralisation des compteurs prépayés auprès de la clientèle. Plus de 86 milliards de Fcfa sont prévus pour ce faire entre 2024 et 2026.
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L’effort le plus conséquent porte sur le traitement de l’endettement. Une restructuration de la dette bancaire, probablement sur le modèle du mécanisme mis en place à propos de la Sonara, constitue l’une des principales pistes. Tandis que le volet commercial exige des discussions avec les fournisseurs (KPDC, DPDC, EDC, Aggreko, Sonatrel, Sonara, Arsel…) devraient s’ouvrir pour allonger les délais de paiement. Il n’est pas exclu une titrisation de cette ardoise, comme l’entente conclue en décembre 2021, en vue de sauver la CAN de football qu’organisait le Cameroun.
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