Notation : Standard & Poor’s rehausse la note du Cameroun et suscite le débat sur la sévérité de ses notations
Au terme d’une nouvelle évaluation publiée le 10 août dernier, l’agence de notation américaine a rehaussé la note du pays la faisant passer de « SD/SD »(défaut sélectif) à « CCC+/C », premier niveau de la catégorie « extrêmement spéculatif » situé 4 crans au-dessus du défaut de paiement.
Deux jours après avoir déclassé de six crans (de B- à SD) la note de crédit souveraine du Cameroun, Standard & Poor’s Global Rating s’est ravisé. Au terme d’une nouvelle évaluation publiée le 10 août dernier, l’agence de notation américaine a rehaussé la note du pays la faisant passer de « SD/SD »(défaut sélectif) à « CCC+/C », premier niveau de la catégorie « extrêmement spéculatif » situé 4 crans au-dessus du défaut de paiement. C’est une bonne nouvelle pour Yaoundé, même si le profils émetteur de la première économie de la CEMAC est désormais plus faible que celui de la Côte d’Ivoire(BB/B-), la RDC(B-/B), le Bénin (B+/B) et même le Congo Brazzaville(B-/+B).
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La décision de S&P était prévisible. Ce qui ne l’était pas c’est la dégradation couperet infligée par l’agence le 08 août dernier. S&P avait en effet surpris tout le monde en déclassant(provisoirement) le pays au bord du défaut de paiement en raison de quelques retards de paiements affichés par Yaoundé sur sa dette due à Deutsche Bank Spain entre janvier et novembre 2022. Pour le même fait Moody’s s’était montré prudent, rétrogradant de deux crans seulement la note du Cameroun à Caa1 tandis que Fitch était resté de marbre.
« Pour éviter tout défaut, les paiements doivent être effectués dans les cinq jours ouvrables suivant la date d’échéance » avait pointé S&P. Or Yaoundé accusait des retards de 2 semaines et même 18 jours sur certains paiements. « Nous considérons donc les retards de paiement sur la dette à long terme comme un défaut » avait alors expliqué l’agence reconnaissant curieusement que Yaoundé avait épongé tous ses arriérés au moment de l’attribution de la notation. A ce jour, le Cameroun n’accuse aucun retard de paiement de la dette extérieure et ce malgré la forte contrainte des mois de juin et juillet 2023 (soit 256 milliards de FCFA) ce qui amène à 647 milliards de FCFA le montant total de la dette extérieure payé de janvier à juillet 2023, renseigne )t-on au ministère des Finances.
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Ce qui rend perplexe la décision de l’agence vis-à-vis du pays qui a fourni des efforts, pour honorer le service de la dette malgré une conjoncture difficile que lui imposent depuis 3 ans les facteurs externes comme la Covid-19 et la guerre en Ukraine. A cela il faut ajouter les conditions de financement serrées, l’inflation élevée, la volatilité des prix du pétrole et les menaces à la sécurité qui ponctionnent davantage les caisses de l’État. En tant qu’exportateur de pétrole brut, le Cameroun a enregistré certains effets positifs au niveau de ses finances publiques et de sa situation extérieure. Toutefois, l’intensification de la hausse des prix mondiaux et des perturbations de l’approvisionnement ont alourdi considérablement le coût des subventions aux carburants(900 milliards de FCFA en 2022) et fait peser une pression supplémentaire sur les prix intérieurs.Ce qui ne l’empêche pas jusqu’ici à rester solvable auprès des créanciers domestiques et internationaux.
La première économie de la CEMAC fait, certes face à des contraintes, mais une si large dégradation de son profil d’émetteur n’est pas exempt de toute critique. Pour rappel, le Ghana n’avait été admis dans cette catégorie de l’échelle de notation en décembre 2022 par S&P, qu’après avoir annoncé qu’il était en cessation de paiement auprès de ses créanciers internationaux et locaux. Ce qui est loin le cas du Cameroun.
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Cette situation peut donc être assimilé à une sanction qui va rendre pour le Cameroun l’accès aux marchés internationaux de capitaux plus difficile et surtout plus cher durcissant par la même occasion les conditions de refinancement. De quoi relancer le débat sur la pertinence de l’approche des notations internationales en Afrique. Un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), publié en mai dernier révèle que les approches de S&P Global Ratings, Moody’s et Fitch pour donner une note à la qualité des émetteurs africains ne sont pas toujours appropriées. Le rapport indique que des « notations de crédit plus objectives » permettraient aux pays africains d’emprunter plus souvent et moins cher. De quoi leur faire économiser près de 75 milliards de dollars – l’équivalent de 80 % des besoins annuels d’investissements de l’Afrique –, selon les calculs du PNUD.
La note des emprunts intérieurs du Cameroun a également été déclassé à CCC+ par S&P. Il faudra donc scruter les prochaines sorties du pays sur le marché des titres publics de la BEAC pour juger l’appréciation qui a été faite de cette décision par les investisseurs domestiques. Elle devrait être mitigée car le Cameroun est l’émetteur de dette de référence pour le marché régional de la CEMAC. Le pays utilise un fonds d’amortissement à la BEAC pour le remboursement de sa dette à moyen et à long terme et les banques appliquent une pondération de risque réglementaire nulle à ses titres.
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