Stade d’Olembé : le Cameroun condamné à verser 15 milliards à Magil
La décision rendue par la Chambre internationale de commerce de Paris avant la sentence finale est assortie d’une injonction de 13 millions de FCFA pour chaque jour de retard du Cameroun.
L’Etat du Cameroun vient de perdre une première bataille face au canadien Magil Construction Corporation (MCC). Dans une décision du 14 avril dernier, la Chambre de commerce Internationale de paris (CCI) a condamné le pays à reverser 23,3 millions d’euros un peu plus de 15 milliards de Fcfa à Magil. La décision de la justice parisienne est assortie d’une injonction de 20,000 d’euros (13millions de Fcfa) pour chaque jour de retard de la partie camerounaise. Ces fonds précise la CCI, seront logés « dans un compte séquestre dès réception des fonds » sous peine d’une injonction de 5000 euros (3,2 millions de Fcfa) par jours de retard.
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Les frais infligés au pays représentent l’argent encore disponible de la convention du prêt signé entre le pays et les banques internationales et qui constitue des « factures litigieuses », 11 au total que le constructeur canadien réclame au Cameroun dans le cadre du marché relatif à l’achèvement des travaux du complexe sportif d’Olembe, à Yaoundé, dont il est l’adjudicataire.
Pour bien comprendre la décision de la CCI, il faut remonter en juin 2021, à cette période, le Cameroun, représenté par son ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, a conclu une convention de prêt avec Standard Chartered Bank (Londres) et BPI France Export après l’autorisation du président de la République le 16 février de la même année d’un montant de 55 milliards destinés à financer l’achèvement des travaux du complexe sportif d’Olembe.
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Magil qui déplore avoir perçu l’avance sur démarrage pour le projet, prévu dans le contrat « avec presque deux années de retard », craint que la période de tirage de ces fonds (prêt) mis à la disposition du gouvernement camerounais ait expiré le 17 avril 2023. « Il s’agit de la période durant laquelle l’emprunteur peut utiliser les fonds disponibles au titre de la convention de prêt, et elle constitue donc le délai contractuel au cours duquel les fonds, que les prêteurs s’engagent à prêter, peuvent être appelés », défend la société. Pour cette dernière, « les engagements qui, à ce moment, sont inutilisés seront immédiatement annulés à l’expiration de la période de disponibilité sauf accord contraire de l’ensemble des prêteurs […] et de l’emprunteur », redoute Magil. D’après lui, le ministère des sports « refuse d’appeler les fonds disponibles alors que ceux-ci permettraient de payer les factures litigieuses », or selon lui, les travaux ont débuté mais qu’en raison de l’absence de validation des éléments de programmation par le Minsep et du refus de celui-ci de payer les factures litigieuses, seules quelques prestations ont pu être réalisées.
La plaidoirie du Cameroun
Le gouvernement camerounais soutient pour sa part, que le partenaire privé aurait manqué à plusieurs de ses obligations contractuelles, en particulier la construction de la plupart des équipements de la phase 2 du contrat qui n’est pas achevée, et que ces paiements « ne seraient donc pas exigibles ». En plus, le gouvernement fait aussi valoir que les travaux réalisés ont très largement excédé les délais fixés. Le gouvernement soutient que le dépassement du budget prévisionnel pour l’étape 1 est exclusivement imputable à l’entreprise, celle-ci ayant notamment surévalué l’avancement des travaux réalisés.
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Dans une correspondance adressée par le ministre des Sports et de l’Education physique (Minsep),au Secrétaire général de la présidence en janvier 2023, le Minsep accusait Magil d’avoir mis en place « des stratagèmes pour gonfler artificiellement ses prestations à travers le ralentissement des travaux, leur arrêt pur et simple, des surfacturations, des doubles facturations, la rémunération exponentielle du personnel expatrié, etc. « Pour illustration, entre 2020 et 2021, sous le fallacieux prétexte du manque de matériel, le chantier fut mis à l’arrêt pendant 6 mois. Après vérification, il s’est avéré que les stocks de matériels laissés par Piccini et disponibles sur le site pouvaient permettre d’achever le stade principal, ses deux annexes, l’hôtel, le centre commercial et les salles de cinéma », rapporte le ministre.
Pour lui, Magil a déjà perçu des paiements atteignant près du double de ce qui avait été convenu « pour la « composante 1 » du contrat (42.905.408.263 FCFA au lieu de 21.415.336.095 FCFA), alors même que le but escompté n’a pas été atteint89 et que le site est démobilisé depuis le 31 décembre 2021 avec une production à 0% ».
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Pour ce qui est des fonds le gouvernement évoque que , « la seule garantie dont elle dispose pour récupérer une partie des sommes dues au titre des Factures Litigieuses est la libération des fonds disponibles au titre de la Convention de Prêt, avant le 17 avril 2023, date de son échéance. Il est donc, selon elle, urgent de sécuriser ces fonds pour prévenir le risque de non recouvrement », indique le ministre. Dans une autre décision de justice du 11 juillet dernier, la cours indique que le Cameroun n’a pas démontré à suffisance que la période de tirage n’est pas arrivée à échéance le 17 avril.
Les travaux toujours en attente
Magil avait hérité du chantier du complexe sportif d’Olembe en décembre 2019 après le constat par le maître d’ouvrage de la défaillance du premier adjudicataire, l’italien Piccini. Les termes du contrat prévoyaient, dans la première phase, l’achèvement des travaux du stade principal de 60 000 places, des stades d’entraînement, l’aménagement des parkings et des voiries, et même la construction d’un hôtel quatre étoiles qui reste attendu. La deuxième phase des travaux concerne la construction d’une piscine olympique dans l’enceinte du complexe, d’un gymnase, d’un centre commercial, du gymnase, de terrains de basketball et de volley-ball, de courts de tennis et de la clôture.
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Selon les informations, Magil a reçu à ce jour 42 milliards Fcfa sur l’enveloppe globale de 55 milliards Fcfa représentant le coût des travaux, dont 38 milliards Fcfa du prêt-garanti et 4 milliards Fcfa du prêt-relais gouvernemental, détaille le ministre des Sports. Qui ajoute que malgré ces diligences, Magil n’a achevé aucune composante du complexe d’Olembe laissée par son prédécesseur Piccini. « Ces montant cumulés représentent 76% du budget total du projet, sachant que les autres composantes de la phase 2, prévues par Piccini et bien que revues, sont restées au stade de maquettes », dénonce Mouelle Kombi.
En attendant la sentence finale de la Cour, cette première décision va inéluctablement impacter sur l’avancés du chantier, alors que le 30 juin dernier devant les parlementaires, le Premier ministre indiquait : « le gouvernement travaille avec l’entreprise Magil, pour aplanir les différends qui subsistent en vue de poursuivre les travaux finaux ».
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Rappelons qu’en juillet 2022, Magil avait suspendu les travaux sur le chantier pour non-paiement des décomptes dans lesquels se trouvent les factures des sous-traitants et des fournisseurs, d’un montant total de 12 milliards.
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