Styve Tchachuang : « le tissu économique camerounais n’est que trop balkanisé en termes de mouvements et regroupements »
A la tête de l’Association des entrepreneurs du Cameroun (AEC), cet opérateur économique revient sur la crise au sein du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam), suite au processus de fusion en cours avec Entreprises du Cameroun (Ecam). Il jette également un regard sur le mouvement patronal au Cameroun, en général, et situe les PME et TPE dans cet environnement dans lequel foisonnent les regroupements corporatistes aux actions parfois peu coordonnées.
Le 5 avril 2023, les regroupements patronaux Ecam et Gicam ont signé un traité de fusion devant aboutir dès 2024 à la création d’une organisation patronale unique et plus forte. En tant que président d’une association d’entrepreneurs, quelle appréciation faites-vous de cette initiative?
Le traité de fusion est une étape résultant de la plateforme de coordination instituée par les groupements Gicam et Ecam en 2019, et visant à terme un rapprochement des deux mouvements. Il prévoit justement une unification des deux entités aux fins de créer une nouvelle centrale patronale à même d’obtenir des avantages plus significatifs que chacune des organisations patronales prise séparément, de fédérer les intérêts communs de ses membres et dans une large mesure, défendre davantage les valeurs et les apports de l’entreprise dans l’économie nationale. Si l’opération est menée à son terme, nous pensons que cette initiative consacre, en effet, les signes d’une véritable dynamique partenariale en actes.
Ce traité de fusion est contesté par des membres du Gicam. Que pensez-vous des arguments des contestataires qui reprochent notamment au président du Gicam de s’être embarqué dans le processus de fusion sans l’avis de l’assemblée générale, ou encore de vouloir faire disparaitre le Gicam simplement pour s’éterniser à la tête du patronat ?
Bien qu’il puisse exister au sein du Gicam des divergences de points de vue sur les modalités de l’opération, l’AEC ne relève pas de la part des critiques opposées, une véritable opposition à une volonté de fédérer toutes les entreprises du tissu économique camerounais au sein d’une centrale patronale unique, forte et mieux structurée.
Le slogan de l’Association des entrepreneurs du Cameroun, dont vous êtes le président, est » Ensemble nous sommes plus forts ». Qu’est ce qui, selon vous, justifie le foisonnement des organisations patronales ou des associations d’entrepreneurs au Cameroun?
Le tissu économique camerounais n’est que trop balkanisé en termes de mouvements et regroupements, même si ces derniers présentent parfois certaines spécificités dans leur domaine d’actions et convergent unanimement vers un idéal de défense des intérêts économiques de leurs adhérents auprès des pouvoirs publics. Nous pensons que lorsque plusieurs idées sont mises ensemble, l’on peut avoir un meilleur rendement. C’est dans cette logique qu’AEC entreprend organiser un colloque scientifique à Yaoundé du 26 au 27 juillet 2023 sur le thème : «La résilience des petites et moyennes entreprises camerounaises face aux crises ».
Quelles sont les conséquences de cette balkanisation sur le développement des entreprises et de l’entrepreneuriat au Cameroun ?
Chaque mouvement est important et nous ne pouvons pas dire qu’il y’ait une cause ou une conséquence à cette balkanisation. Mais, nous trouvons que l’ingéniosité et l’intelligence camerounaises avec le dynamisme permet à chaque camerounais, qui a le mérite de vouloir participer à la construction de l’écosystème entrepreneurial, de faire adhérer plusieurs PME ou d’autres jeunes entreprises et cela peut créer plusieurs mouvements. Et par rapport à cela, on peut dire que la balkanisation ne donne pas un interlocuteur dédié, mais plusieurs interlocuteurs tels qu’AEC et d’autres mouvements. Il serait judicieux qu’AEC et bien d’autres mouvements se mettent ensemble pour que l’information pour le bien-être de nos PME/TPE soit canalisée. Il faudrait de ce fait une plateforme qui permet de faire ventiler toutes ces informations et mieux les structurer. La multitude de mouvements d’entrepreneurs dilue l’information en donnant plusieurs sources. De ce fait, le résultat devient peu appréciable.
La crise actuelle au Gicam est susceptible de déboucher sur une implosion de la principale organisation patronale du Cameroun. Que conseilleriez- vous aux différents protagonistes pour éviter un scénario catastrophe?
Nous suggérons tout simplement que toutes les parties réussissent dans les prochains jours, à trouver des voies et moyens pour la consécration de la forme la plus optimale du processus d’unification des deux mouvements patronaux.
Vous êtes à la tête d’une association regroupant des entreprises de petites tailles. Qu’est-ce qu’un regroupement comme le vôtre peut attendre d’un patronat unifié?
Il est vrai qu’une association comme la nôtre n’a pas encore un écho aussi fort que les grands mouvements patronaux, pour que notre avis puisse impacter. Mais, qu’à cela ne tienne, nous ne saurons nous réjouir d’un conflit de patronat d’autant plus que plusieurs PME et TPE face à la faible industrialisation, vivent uniquement des prestations de service et de la sous-traitance. AEC tout comme les PME /TPE, en tant que participant à l’écosystème entrepreneurial au Cameroun et représentant plus de 90% de la force économique du pays, a besoin d’un environnement sain dans lequel copier l’exemple des grands mouvements patronaux tels que ceux qui font l’objet de l’actualité en cours. L’exemple vient d’en haut, alors les batailles des grands mouvements devraient plutôt avoir un impact de motivation, de leadership et mentoring sur les PME/TPE. Nous pensons que toute chose devrait se faire dans de bonnes conditions en respectant les règles. Nous souhaitons de ce fait, que les batailles actuelles soient vite réglées afin de permettre aux mouvements comme le nôtre et aux PME/TPE de bénéficier de l’expérience des grands mouvements patronaux pour notre éclosion.