Ring-Road, CCAST Bambili, fédéralisme…: ces projets qui tenaient à cœur à John Fru Ndi
Outre la persistance de la crise anglophone depuis 6 ans, l’opposant historique tire sa révérence avant l’aboutissement de plusieurs propositions qu’il a faites au pouvoir et qui, pour certaines, dataient d’il y a plus de 20 ans.
Le dernier grand rendez-vous républicain auquel il a pris part ces dernières années avant son exil sanitaire de plus d’un an aux États-Unis d’Amérique, c’est le grand dialogue national tenu fin septembre et début octobre 2019 à Yaoundé, à l’initiative du président de la République, Paul Biya. Ni John Fru avait menacé de claquer la porte des travaux dès la deuxième journée, si sa proposition d’inscrire dans le menu, la question liée aux «causes structurelles profondes de la crise » dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, n’était pas retenue. « Je tiens à préciser ici et maintenant, que la République fédérale du Cameroun était formée de deux entités : l’État Fédéré du Cameroun Oriental et l’État Fédéré du Cameroun Occidental, ayant chacun un patrimoine culturel et institutionnel différent », avait-il lancé devant le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, qui présidait les travaux.
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Le président du Social Democratic Front (SDF) avait poursuivi sans fards : « c’est l’abolition de cette structure fédérale et son remplacement par un État unitaire sans passer par des référendums séparés pour chacun des deux États qui a ouvert la voie à la marginalisation et à l’assimilation des populations des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ».
Pour lui donc, il était fondamental d’abolir le décret du 04 février 1984 qui fait du Cameroun un État unitaire et réviser les dispositions qui renforcent cet État unitaire en lui conférant un caractère décentralisé, dans la Constitution du 16 janvier 1996. Très peu écouté par Yaoundé, du moins sur cette question-là en particulier, le baron de Ntarikon (Bamenda), dans le Nord-Ouest, tire malheureusement sa révérence sans avoir pu obtenir cette réforme qui n’est pas du goût du régime de Paul Biya, pour qui la remise en question de la forme de l’Etat est un non sens, une aberration. « La forme de l’Etat est non négociable », avait soutenu l’actuel ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, la veille du grand dialogue national, reprenant une rhétorique largement partagée au sein de l’appareil gouvernant depuis l’éclatement de la crise séparatiste en 2016.
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Le projet de retour au fédéralisme n’est cependant pas le seul qu’il n’aura pas, de son vivant, vu aboutir malgré son plaidoyer actif. Recevant l’ancien ministre de l’Education nationale, Joseph Owona à résidence de Bamenda, le 06 octobre 2000, (alors que ce dernier séjournait dans la ville dans le cadre de la célébration de journée de l’enseignant), il avait eu ces mots à son endroit, sous forme de boutade : « Mr minister, go and tell Mr Biya that the Bamenda man has nothing personal against him. Let him do these three things in this province : tar the Ring-Road ; erect the Bamenda Hospital into a General Hospital ; transform CCAST BAMBIILI into a full flesh University of Science and Technology ». En français : « Monsieur le ministre, allez dire à M. Biya que l’homme de Bamenda n’a rien de personnel contre lui. Qu’il fasse ces trois choses dans cette province (actuelle région du Nord-Ouest, Ndlr) : construire la Ring-Road, transformer l’hôpital de Bamenda en hôpital général et ériger le Collège des arts, sciences et techniques du Cameroun (CCAST) de Bambili en une université de sciences ». Aucun de ces projets n’a vraiment été réalisé tel qu’il l’avait souhaité.
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La Ring-Road dans l’impasse
Car, en lieu et place d’un hôpital général, c’est plutôt un hôpital régional qui a été construit à Bamenda. En somme, une formation hospitalière de 4e catégorie. A Bambili, le CCAST créé en 1962 est aujourd’hui un lycée technique ordinaire, calqué sur le modèle des établissements de cette catégorie dans la partie francophone. Le pouvoir peut cependant se targuer d’avoir construit dans cette ville, d’abord une école normale, puis une université d’Etat généraliste. 23 ans après, le projet de Ring-Road dont les travaux, effectivement lancés sur certains tronçons, est dans l’impasse. Financé par la Banque africaine de développement (BAD), le projet qui couvre un linéaire de 365 kilomètres et qui a vocation à interconnecter 5 des 7 départements de la région du Nord-Ouest jusqu’à la frontière avec le Nigeria, via la localité de Misaje, a été réalisé sur moins de 100 kilomètres, compte non pris des tronçons routiers en terre réhabilités, alors que la fin des travaux est projetée en décembre 2024. En juin 2021, la BAD a débloqué une deuxième tranche de financement d’un montant de 106 milliards de Fcfa. Mais, plusieurs lots attribués à des entreprises connaissent un piétinement dans la conduite des travaux, du fait de l’insécurité.
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