Recettes fiscales : brouille entre les Maires et le Minddevel autour de la redevance publicitaire
Autorisées selon le ministre Georges Elanga Obam à ne prélever aux entreprises, que le droit de timbre sur la publicité sur leurs opérations publicitaires, conformément aux articles 589 et suivants du Code général des impôts, plusieurs Collectivités territoriales décentralisées(CTD) estiment qu'elles sont juridiquement fondées à prélever cette taxe, indispensable, selon elles, pour leur autonomie financière, et au nom du désordre urbain, l'occupation anarchique des espaces et des emprises publiques, par les régies publicitaires. Elles présentent leurs arguments.
Le rappel à l’ordre de Georges Elanga Obam, le ministre de la décentralisation et du développement local (Minddevel), à l’endroit des Maires de Villes et des maires des communes fait des émules. À travers une correspondance signée ce 22 mai 2023, le membre du gouvernement répercutait, une nouvelle fois, les termes d’une correspondance du 17 novembre 2022, de Louis Paul Motaze, le ministre des finances, dans laquelle ce dernier rappelait que « la législation en vigueur n’ayant pas prévu de redevance publicitaire applicable sur les opérations publicitaires des entreprises, et dont le recouvrement serait effectué par les collectivités territoriales décentralisées, la collecte de ladite redevance par ces derniers s’avère non conforme ».
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Cette opposition n’est pas une première depuis la création des Mairies de Villes et l’entrée en vigueur du Code général des Collectivités territoriales décentralisées. En mars 2022, les régisseurs de publicité, soutenus par les opérateurs économiques, contestaient déjà la légalité de la redevance publicitaire versée à certaines Communautés urbaines. Redevance dont le montant varie entre 20 et 23% du montant (hors taxe) global d’une campagne publicitaire. Se fondant sur la loi de 2009 sur la fiscalité locale, qui consacre l’annulation de la taxe sur la publicité, et l’inexistence de la redevance publicitaire.
La première salve contre la correspondance ministérielle provient de l’Honorable Patricia Tomaino Ndam Njoya, le maire de Foumban, dans la Région de l’Ouest. Dont l’argumentaire repose sur diverses dispositions. Notamment, sur l’article 4 de la Loi du 19 décembre 2006, fixant les conditions d’exercice des professions publicitaires par les agences conseil en publicité, ainsi que sur la régie de publicité et le courtier en publicité. Elle s’appuie également sur les articles 37, 38, 42 et 44 du Code général des Collectivités territoriales décentralisées qui indiquent, formule-t-elle, que les Collectivités territoriales décentralisées disposent des services propres, et peuvent bénéficier des services déconcentrés.
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Les services publics des Mairies peuvent également être exploités en régie, par voie de concession ou d’affermage, selon le Maire de Foumban. « Parce qu’il n’est exclu nulle part, le secteur de la publicité, par conséquent, la publicité, peut être exploitée en régie dans les Collectivités territoriales décentralisées. Parce qu’on est porteur d’un agrément dont les droits sont perçus au niveau central, alors on peut sans aucun respect, ni égards, venir implanter ses panneaux partout dans les Collectivités territoriales décentralisées, sans aucun respect, à chaque poteau, qui eux-mêmes, n’obéissent toujours pas aux règlements d’urbanisme, on doit souffrir de voir la guerre des publicités des plaques concurrentes? », s’interroge le Magistrat municipal.
Dans le même élan, Luc Messi Atangana, le Maire de Yaoundé aborde dans le même sens. Indiquant que si la Mairie de Yaoundé ne procède au recouvrement d’une redevance publicitaire ou d’une autre imposition de même nature, pas plus qu’elle ne contractualise au bénéfice des prestataires privés, des missions de recouvrement d’un tel impôt, elle « a toujours perçu et entend continuer de percevoir les revenus issus de l’exploitation de son domaine public telle que prévu par les articles 390 et 393 du Code générale des Collectivités territoriales décentralisées et rappelés par le ministre des Finances dans sa correspondance du 17 novembre 2022 ».
Cette position de Luc Messi Atangana tranche avec celle du ministre de la Décentralisation et du développement local qui indique que les magistrats municipaux concernés, ont compétence d’exiger seulement aux entreprises, le paiement du droit de timbre sur la publicité sur leurs opérations publicitaires, conformément aux articles 589 et suivants du Code général des impôts. « Ces revenus sont la contrepartie de l’affichage publicitaire effectué sur le domaine public relevant de sa compétence, notamment les emprises et dépendances des voiries primaires et secondaires sur lesquelles ladite Mairie exerce une compétence exclusive (article 241 du Code général des Collectivités territoriales décentralisées), par le biais d’une délégation faites aux régies publicitaires qu’elle accrédite (art.14 al. Loi du 29 décembre 2006 régissant la publicité au Cameroun), à charge pour ces dernières d’en effectuer le reversement auprès du fisc (cf. art. 591 et 592, Code général des impôts) », ajoute le Maire de la Ville de Yaoundé.
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À la Communauté urbaine de Douala qui contrôle un marché publicitaire potentiel de 50 milliards de FCFA, on a choisi « de ne pas réagir à la sortie du Minddevel et de continuer d’appliquer la redevance », apprend-on d’une voix autorisée de cette super-Mairie. Toutefois, Il convient de relever que, c’est le Cabinet Quantum qui a été désigné régulateur de la publicité dans la ville de Douala, à travers un partenariat avec la Communauté urbaine de Douala. Une quinzaine de régies publicitaires exercent par conséquent dans la capitale économique sous son contrôle. Ramant à contre-courant des différentes mises en garde du ministre de la Décentralisation et du Développement local.
En réalité, cette déferlante des Maires de Yaoundé, de Foumban et la position à peine voilée de la Communauté urbaine de Douala révèle le rejet systématique par les Collectivités territoriales décentralisées du Cameroun, de l’interdiction qui leur est faite de prélever la redevance publicitaire applicable sur les opérations publicitaires des entreprises. Par conséquent, on est en droit de s’interroger si le Ministre de la décentralisation et du développement local fait-il une interprétation erronée du Code général des Collectivités territoriales décentralisées ou du Code général des impôts?
Au-delà, les Maires à la tête des Communautés urbaines ou des Mairies s’exposent, prévient Georges Elanga Obam, à « la mise en jeu de leur responsabilité personnelle, ainsi que celle de la collectivité territoriale décentralisée… ».