Activités industrielles: la hausse des coûts de production fait suffoquer les entreprises
En 2022, les industriels en activité au Cameroun ont enregistré la plus forte augmentation de leurs coûts de production depuis près d’une décennie. L’année 2023 n’augure pas d'améliorations, à cause de certaines décisions prises aussi bien par l’Etat que d’autres acteurs publics et privés.
13,3%. C’est le niveau d’accroissement des coûts de production dans les entreprises au Cameroun en 2022 par rapport à l’année 2021, selon l’Indice des prix à la production industrielle (IPPI) récemment publié par l’Institut national de la statistique (INS). L’INS précise d’ailleurs qu’il s’agit de la progression la plus significative de cet indicateur, depuis l’instauration de l’IPPI en 2017. Traduction : au cours de l’année 2022, les coûts de production des entreprises industrielles au Cameroun ont connu l’augmentation la plus importante depuis 6 ans. Et cette flambée des coûts opérationnels des entreprises, qui entretient l’inflation dans les marchés, n’est pas prête de s’estomper, au regard de la météo actuelle dans le pays.
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En effet, selon les opérateurs économiques, l’année 2023 devrait logiquement être elle aussi marquée par un renchérissement des coûts de production des entreprises, non pas à cause des effets de la crise russo-ukrainienne qui a entretenu la mauvaise conjoncture autour des coûts des entreprises en 2022, mais plutôt suite à un certain nombre de décisions prises par le gouvernement et d’autres acteurs économiques. Parmi ces décisions qui influencent la structure des coûts des entreprises depuis le début de l’année 2023, il y a l’augmentation des factures d’électricité des entreprises. En effet, depuis le 1er janvier 2023, est entrée en vigueur la revalorisation des tarifs d’électricité aux entreprises, décidée par l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel). Selon des documents consultés par Ecomatin auprès de sources internes au ministère de l’Eau et de l’Energie, cette augmentation des tarifs d’électricité a, par exemple, induit des surcoûts d’environ 1,5 milliard FCfa en seulement trois mois, pour les seuls industriels du secteur de l’acier, principaux consommateurs de l’énergie électrique au Cameroun.
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A côté de cette hausse des tarifs d’électricité aux entreprises, le gouvernement camerounais a, depuis le 1er février 2023, procédé à un réajustement des prix des carburants à la pompe. Les proportions de cette augmentation, qui porte également un coup aux coûts de production des entreprises, varient entre 15% pour le super, 25% pour le gasoil et 36,5% pour le pétrole lampant utilisé par les industriels. Mieux, en guise de mesure d’accompagnement à cette valorisation des prix des carburants, le gouvernement a revu à la hausse le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig), passant de 36 270 FCfa à 40 000 FCfa pour les entreprises du secteur agricole, et à 60 000 FCfa pour d’autres catégories d’entreprises. Au cours de l’année, cette autre décision gouvernementale aura une incidence notable sur les dépenses des entreprises, notamment en ce qui concerne la masse salariale.
Inflation persistante
Par ailleurs, dans le cadre de la loi de Finances 2023, entrée en vigueur depuis le 1er janvier dernier, le gouvernement a décidé d’étendre au gaz naturel la Taxe spéciale sur les produits pétroliers (Tspp). A la faveur de cette décision, les entreprises industrielles utilisant ce combustible sont tenues de payer à l’administration fiscale une taxe de 70 FCfa par mètre cube de gaz naturel consommé. Cette taxe est collectée puis reversée aux impôts par la société Gaz du Cameroun, qui exploite les champs gaziers de Logbaba, à Douala. Le gazoduc de cette entreprise permet depuis une décennie d’alimenter une trentaine d’entreprises industrielles, soucieuses d’avoir une source d’énergie alternative pour garantir la production face aux nombreux délestages imposés par Eneo, la compagnie d’électricité. L’instauration de cette taxe devrait elle aussi contribuer à grever les coûts de production des entreprises du pays en 2023.
Dans le sillage de l’Etat, qui a revu à la hausse la tarification de l’électricité aux entreprises à travers l’Arsel, ainsi que la taxation du gaz industriel dans la loi de finances 2023, la société Gaz du Cameroun vient à son tour de revoir à la hausse ses tarifs. Ce qui accentue davantage la pression sur les coûts de production qui étouffent déjà les entreprises en activité au Cameroun. En effet, dans une lettre adressée à ses clients le 15 mai 2023, cette filiale du groupe britannique Victoria Oil & Gas (VOG) annonce une augmentation de ses tarifs de 20%, à partir du 1er juin 2023. L’entreprise explique sa décision par la hausse de ses propres coûts de production. En effet, selon l’Institut national de la statistique, le secteur pétro-gazier a été le plus grand vecteur de la hausse des coûts dans les entreprises en activité au Cameroun en 2022, avec un accroissement des prix sortie-usine de 29% en glissement annuel.
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Suite à cette revalorisation des tarifs du fournisseur de gaz naturel Gaz du Cameroun, les coûts de production de nombreuses entreprises vont davantage croître au cours des six derniers mois de l’année 2023. Il s’agit de grandes unités industrielles telles que Dangote Cement, Boissons du Cameroun, l’Union camerounaise des brasseries, le producteur de lait Camlait, le sidérurgiste Prometal, Chococam, Sic Cacaos, la Cotonnière industrielle du Cameroun, Socaver, etc. La hausse des coûts dans toutes ces entreprises et bien d’autres, devrait continuer à entretenir l’inflation sur le marché camerounais en 2023, malgré la croisade que mène le gouvernement contre la hausse des prix dans les marchés. Pour preuve, selon les dernières prévisions du FMI, le taux d’inflation est annoncé dans le pays à 5,9% en 2023, ce qui représente toujours le double des 3% admis dans le cadre des critères de surveillance multilatérale de la Cemac, communauté économique que le Cameroun partage avec le Congo, le Gabon, le Tchad, la République centrafricaine et la Guinée équatoriale.
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