Cameroun : le ministre de l’Eau et de l’Energie signale des exportations frauduleuses des carburants vers la RCA
Gaston Eloundou Essomba dénonce la tendance chez certains acteurs du secteur pétrolier aval à maximiser leur marge bénéficiaire au détriment de la loi.
La crise énergétique mondiale née du conflit russo-ukrainien, marquée notamment par la flambée des prix des produits pétroliers a, entre autres conséquences au Cameroun, fait gagner du terrain à la fraude avec le frelatage des carburants automobiles, les détournements d’itinéraires, les importations et exportations frauduleuses et le stockage et la vente illicite des produits pétroliers. Selon le ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee), Gaston Eloundou Essomba, les opérations de répression menées par ses équipes en collaboration avec les forces du maintien de l’ordre sur le terrain ont permis de saisir 2 633 088 litres, tous produits pétroliers confondus au cours du seul exercice 2022 dans les régions du Centre, du Littoral, du Sud, du Sud-Ouest, de l’Est et de l’Ouest. Soit plus d’un tiers des quantités saisies sur les 5 dernières années, chiffrées à 5 603 673 litres, tous produits confondus.
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Dans une interview accordée cette semaine à l’hebdomadaire à capitaux publics Cameroon Business Today (CBT), il signale également une montée en puissance des exportations frauduleuses des produits pétroliers en direction des pays voisins. Notamment, en direction de la République centrafricaine (RCA), où le prix du pétrole lampant appliqué à la pompe est de 1150 Fcfa le litre contre 350 Fcfa au Cameroun. Le super y coûte 1300 Fcfa le litre contre 730 Fcfa au Cameroun, tandis que le gasoil y est vendu à la pompe à 1450 Fcfa le litre contre 720 Fcfa au Cameroun.
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Le Minee dénonce certains acteurs du secteur pétrolier aval d’être derrière ces pratiques frauduleuses en pleine expansion des pétroliers destinés aux mises à la consommation locale, dans le but d’« augmenter leur marge bénéficiaire à tous les prix, au détriment du respect de la règlementation en vigueur ». Ces pratiques pèsent évidemment lourd sur les subventions, qui étaient de plus de 700 milliards Fcfa en 2022. Pour l’exercice 2023, l’Etat a décidé de réduire cette enveloppe de moitié et a procédé à un ajustement des prix des carburants à la pompe, notamment en augmentation de + 100 Fcfa le prix du litre de super qui est ainsi passé 630 Fcfa à 730 Fcfa et de + 145 Fcfa sur le litre de gasoil, qui coûte 720 Fcfa en 2023 contre 575 Fcfa en 2022.
Pertes financières
Sur les pertes financières liées à la fraude des produits pétroliers, le ministre de l’Eau et de l’Energie souligne qu’aucune étude fiable menée au cours de ces deux dernières décennies n’est disponible. La dernière étude menée sur la question par le Groupement de professionnels du pétrole (GPP) remonte au début des années 2000. Elle avait relevé qu’une part des carburants mis à la consommation dans les points de distribution (stations-service et points privés de distribution) étaient soit frelatés (introduction du pétrole), soit détournés. « Ces phénomènes avaient causé des manques à gagner pour l’Etat estimés à environ 32 milliards de Fcfa par a », rappelle Gaston Eloundou Essomba. Il ne fait pas de doute que ces pertes se sont décuplées depuis 20 ans, au regard de l’ampleur prises par les fraudes, qui va avec une sophistication des techniques. En réponse à ce phénomène, explique, du reste, avoir organisé une mission de cartographie des points d’entrée des produits pétroliers. Plusieurs corridors d’approvisionnement frauduleux ont été identifiés, sur la base desquels la lutte s’organise.
Carburants militaires
Le ministre cite pêle-mêle « les carburants de contrebande issus des pays frontaliers, notamment du Nigeria ou tout simplement de la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée, les centres de brassage de carburants installés dans des baraquements jouxtant les environs des dépôts pétroliers de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP), les carburants venant de haute mer à partir des bateaux de pêche et des plateformes pétrolières ». Il en est de même, poursuit-il, « de la soustraction des produits pétroliers à partir des wagons et camions citernes par détérioration des scellés apposés sur les vannes, les carburants militaires et ceux destinés à l’exportation qui sont des produits défiscalisés et qui se retrouvent en station-service et autres points de distribution privés par le biais des détournements d’itinéraire, le pétrole réseau bénéficiant d’une forte subvention de l’Etat qui est acheté en station-service pour être utilisé dans les industries et les boulangerie ».
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