Délestage: comment le barrage de Memve’ele a failli
Entre la fin de l’année dernière et le premier trimestre de cette année, ce barrage a perdu plus de 82% de sa production électrique. Alors que le Réseau interconnecté sud (RIS) n’avait besoin que de 75% de sa puissance pour éviter les délestages actuels que subit le Cameroun.
Identité remarquable dans les projets structurants de première génération du septennat des grandes ambitions, le barrage de Memve’ele (211 MW) figurait parmi les ouvrages devant reléguer les délestages au rang de tristes souvenirs durant la décennie écoulée. Mais la promesse pour des lendemains éclairés tardent à se réaliser.
Ce constat en forme d’aveu éclate dans la correspondance du ministre de l’Eau et de l’Energie au patron d’Eneo du 17 février portant sur délestages observés sur le Réseau interconnecté sud (RIS). « Ainsi, Eneo dispose d’une puissance installée thermique de 244 MW dans le RIS qui aurait pu mitiger la baisse drastique de la production hydroélectrique de Memve’ele, passée de 200 MW fin décembre 2022 à 35 MW à mi-janvier 2023 », mentionne Gaston Eloundou Essomba qui précise au départ que les délestages journaliers sur le plus important des trois réseaux électriques du Cameroun varient de 40 à 150 MW.
En d’autres termes, cette « grande réalisation » fonctionnant à 75% de sa capacité aurait permis aux sept régions (Centre, Est, Littoral, Sud, Ouest, Nord-Ouest et Sud-Ouest) du pays de passer la période d’étiage (correspondant au niveau où celui du cours d’eau est au plus bas), qui coure théoriquement jusqu’en fin mars, sans encombres.
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Cette contreperformance ne date pas d’aujourd’hui. Sur les deux premiers mois de l’année dernière, la production de Memve’ele était passée de 90 MW à 30 MW, soit une perte sèche de puissance de 60 unités.
Faute de barrage de retenue en amont pour réguler le débit du fleuve Ntem – qui baisse drastiquement en saison sèche – tout au long de l’année, un problème qu’a longtemps connu la Sanaga avant la construction de Lom Pangar, Memve’ele connait une réduction de plus de 82% de sa production électrique comme c’est le cas actuellement.
Un problème longtemps dénoncé par des experts, qui participe d’un défaut d’anticipation lors de la conception de cette infrastructure qui a coûté 365 milliards de F Cfa. Cette incapacité à prévoir avait également emmené le Cameroun à s’endetter en 2017 auprès de China Eximbank, pour 86 milliards de F Cfa, pour financer la ligne de transport qui ne fut pas prise en compte au départ.
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Pourtant, l’importance de cet ouvrage géré par Electricity Development Corporation (EDC), la société de patrimoine, n’est plus à démontrer. Une partie de sa production a vocation à être exportée, ce qui en ferait une source de devises. Par ailleurs, Memve’ele constitue un déterminant du projet d’exploitation du fer de Mbalam. En son temps, la junior australienne Sundance avait manifesté son désir d’acquérir la moitié de sa production. Il est fort probable que la donne n’ait pas fondamentalement changé, sans compter les autres initiatives minières susceptibles de se développer dans cette région, comme le projet du fer d’Akom II promu par l’entreprise G-Stone.
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La résorption de ce problème passe inéluctablement par la construction d’un barrage réservoir. Gaston Eloundou Essomba avait du reste rassuré la représentation nationale à ce sujet il y a un an, indiquant l’accord de Paul Biya pour que des études soient menées dans ce sens « Entre les différentes études, la recherche des financements et la réalisation des travaux, il faut compter en moyenne entre 8 et 10 ans pour qu’une telle infrastructure puisse fonctionner », analyse un spécialiste. Entre temps, Memve’ele continuera de faillir en période d’étiage.