Fonds Covid-19 : Atanga Nji et Gabriel Mbaïrobe mis à l’index
Dans un nouveau rapport, la Chambre des comptes de la Cour suprême reproche au ministre de l’Administration territoriale d’avoir reçu et utilisé des ressources de bailleurs sans en référer au ministre des Finances. Elle révèle également que prétendument dans l’optique de « réduire la dépendance alimentaire », le ministre de l’Agriculture a distribué 424,5 millions Fcfa « à des particuliers sans lien direct avec les activités agricoles ».
Le deuxième rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême relatif à la gestion du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le Coronavirus et ses répercussions économiques et sociales, pour le compte de l’exercice budgétaire 2020, bouclé depuis septembre 2022, est enfin disponible. Les enquêteurs n’établissent pas clairement des détournements massifs de deniers publics comme cela avait été le cas dans le premier audit dont les résultats avaient été publiés en juin 2021, mais ils relèvent de nombreuses irrégularités, notamment sur les engagements de dépenses imputés sur cet exercice. Ceux-ci se sont poursuivis largement au-delà du 31 décembre 2020, soit jusqu’au 30 juin 2021. Ce qui, dénoncent-ils, fait entorse au principe d’annualité du budget.
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Une enveloppe de 76,87 milliards Fcfa avait été mise à la disposition de 20 départements ministériels pour l’exercice concerné, mais, seuls quatre administrations peuvent justifier de l’utilisation des fonds, pour un montant total de 8,512 milliards Fcfa (10,799 milliards Fcfa en incluant les dépenses des ministères sur leur budget propre).
D’après la Chambre des comptes, cette sous-consommation chronique s’explique par une tendance chez les ordonnateurs à « privilégier des financements extérieurs d’entités publiques ou d’organisations internationales », plutôt que ceux du compte d’affectation spéciale. Le ministère de l’Administration territoriale (Minat), par exemple, a reçu des ressources des bailleurs extérieurs dans le cadre de la riposte contre la pandémie sans en référer au ministre des Finances. Le chef de ce département ministériel, Paul Atanga Nji, a néanmoins expliqué aux enquêteurs que les activités qui lui incombaient ont été totalement réalisées et en conséquence, il a retourné les crédits alloués dans le cadre du compte d’affectation, soit 1,4 milliard Fcfa au Minfi. Cependant, souligne le rapport, le Minat n’a fourni à la Chambre des comptes « ni le montant des sommes reçues des bailleurs, ni les détails sur les activités ainsi réalisées ». Une situation qui est contraire aux dispositions de la loi, selon lesquelles les administrations publiques et les bailleurs de fonds internationaux doivent informer le ministre chargé des finances de tout financement apporté aux entités publiques ou à la réalisation des projets et d’activités d’intérêt public.
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Aides aux députés et ministres
Le rapport révèle également que des aides du ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader), prétendument destinées à la réduction de la dépendance alimentaire ont été attribuées à « 64 particuliers, pour un montant de 424,5 millions Fcfa ». Parmi ceux-ci, un ministre, deux députés, un colonel, et un contrôleur financier. Alors que ces personnes, souligne la Chambre des comptes, étaient sans lien direct avec les activités agricoles, ni compétence avérée dans le domaine de la réduction de la dépendance alimentaire. « On pouvait par conséquent douter qu’elles étaient les mieux placées pour conduire des actions visant cet objectif », commentent les enquêteurs.
Par ailleurs, le Minader n’a effectué aucun contrôle sur l’utilisation de ces ressources et n’a pas demandé aux bénéficiaires quel avait été l’usage des ressources attribuées. La Chambre des Comptes souligne que cette situation est dommageable et qu’elle laisse la porte ouverte au détournement de l’aide, au profit personnel des particuliers bénéficiaires qui sont susceptibles d’en avoir fait commerce. Par ailleurs, « cette situation est susceptible de constituer une infraction à la loi pénale ».
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Au final, la Chambre des comptes formule 12 recommandations et décide d’engager quatre procédures pour faute de gestion, sans préciser les administrations ou les personnes visées par lesdites procédures. A noter que, dans son premier rapport d’audit des fonds Covid-19, cette instance avait déjà fait autant de recommandations et promis des poursuites judiciaires contre les gestionnaires épinglés. Cette promesse est restée un effet d’annonce.