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Politique monétaire/BEAC : Une nouvelle hausse des taux suffira-t-elle pour contenir l’inflation?

La banque centrale commune aux six pays de la Cemac a engagé depuis début 2022, un durcissement progressif de sa politique monétaire en vue de ramener l’inflation qui est de plus en plus persistante dans la région, à un niveau inférieur au seuil de 3%. Une mesure qui a tendance à ralentir le niveau de croissance et contre laquelle certains chercheurs s’opposent arguant son inefficacité. À quelques semaines du premier comité de politique monétaire de la BEAC, EcoMatin explore d’autres leviers qui pourraient permettre de limiter le niveau de progression actuel des prix dans la région.

En 2022, le Cameroun a enregistré un taux d’inflation annuel de 6,3%, soit le plus élevé de ces 27 dernières années, selon l’Institut national de la statistique(INS). Le statisticien public indique que cette hausse a été soutenue par la guerre russo-ukrainienne, qui a contribué au renchérissement, sur le marché international, des prix de plusieurs catégories de produits (céréales, oléagineux, intrants agricoles…). L’INS pointe également la perte de valeur du FCFA face au dollar. Autant de facteurs qui ont entraîné une hausse du coût des produits à l’importation.

Comme le Cameroun, les 5 autres pays de la CEMAC ne sont pas épargnés par cette conjoncture internationale car ayant une forte dépendance vis-à-vis des importations. Le niveau de progression des prix dans les pays où les données sont disponibles se situe au-dessus du seuil communautaire de 3%. En Guinée Équatoriale par exemple, l’inflation est ressortie à 4,9% en 2022 contre 3,5% pour le Congo. En 2023 l’addition devrait être encore plus salée pour les ménages. Sous-programme avec le FMI, la plupart des pays de la région ont été contraints de réduire les subventions de carburants et de relever le niveau des prix à la pompe. Au Cameroun, l’INS anticipe sur un niveau des prix bien au-dessus de la barre de 6%. La BEAC, elle, table sur 4,8% en 2023.

Politique Monétaire agressive

Prévue pour le mois de mars 2023, la prochaine réunion du Comité de Politique Monétaire(CPM) devrait permettre d’apprécier la stratégie de la BEAC face à ces pressions inflationnistes. Jusqu’ici, l’institut d’émission monétaire s’est maintenue sur une politique monétaire plus restrictive avec le durcissement des conditions financières. Ceci s’est traduit par un relèvement (à trois reprises successives) de ses taux directeurs. Fixant respectivement à 4,50% et 6,25% les taux d’intérêt des appels d’offre (TIAO) et de la facilité de prêt marginal (TFPM). Sur ce point, la BEAC s’est montrée plus agressive que la BCEAO, sa jumelle de l’UEMOA, qui reste prudente avec un TIAO de 2,75% et l’équivalent du TFPM à 4,75% malgré que le niveau d’inflation ait atteint 8,5%. Mais l’institution dirigée par Abbas Mahamat Tolli ne s’arrête pas là. Depuis le début de l’année 2022, elle réduit de manière progressive son offre de financement aux banques commerciales, dans le cadre des opérations hebdomadaires d’injections de liquidités. Ce financement qui culminait encore à 250 milliards FCFA à fin 2021 est aujourd’hui fixé à 50 milliards. À contrario, la BEAC accentue également ses offres de reprises de liquidités hebdomadaires de 50 milliards. Des mesures dont l’objectif n’est ni plus ni moins que de restreindre l’accès aux crédits bancaires et ramener l’inflation au niveau du seuil communautaire.

Quels leviers contre l’inflation

La BEAC pourrait donc choisir de resserrer davantage l’étau sur les crédits bancaires dès la prochaine réunion du CPM. Elle est encouragée dans cette démarche FMI. « Les administrateurs saluent le resserrement de la politique monétaire de la BEAC, et l’encouragent à resserrer davantage si elle observait des signes de poussée inflationniste… Les administrateurs encouragent également la BEAC à absorber plus efficacement les liquidités excédentaires et à mettre en œuvre la réglementation des changes de manière transparente et cohérente » , renseigne l’institution multilatérale dans un communiqué publié le 22 décembre dernier.

D’ailleurs, le gouverneur de la banque centrale avait, au cours de l’avant dernière réunion du CPM tenue à Yaoundé, laissé entendre que le levier des taux était le plus efficace dans la situation actuelle. « Le rôle principal d’une banque centrale, c’est la stabilité des prix. Et si l’inflation augmente, cela signifie que les prix ne sont pas stables. Cela va taper sur le pouvoir d’achat des consommateurs et affecter de manière immédiate tout le monde, les entreprises et les ménages. Il fallait donc véritablement maîtriser l’outil principal dont disposent les banques centrales. À savoir, le taux d’intérêt aussi bien que la régulation des liquidités pour injecter ou retrancher. Nous jouons un peu sur ces tableaux pour que l’inflation reste maîtrisée dans le cadre de la réglementation » indiquait Abbas Mahamat Tolli.

Pour Barnabé Okouda le directeur exécutif du Camercap, think tank apparenté au gouvernement camerounais, le levier des taux d’intérêts a très peu d’incidence sur l’économie réelle Ce d’autant plus que le marché de crédit est très limité dans la zone, et en particulier pour les ménages. « Cela reste de l’intellectualisme et de la technocratie » commente-t-il dans une note de conjoncture, avant de poursuivre « cela fonctionne mieux dans les économies industrielles et avancées où une telle décision peut avoir un effet immédiat sur la consommation des biens d’équipements ou l’accès au logement, par exemple. Les ménages camerounais recourent plus au marché financier informel par des tontines et très peu au crédit bancaire, ou au crédit-bail qui n’existe quasiment pas ».

Pour ce chercheur, « le soutien à la production (augmentation des quantités disponibles sur le marché) et la facilitation des échanges par la mise à disposition en quantités suffisantes des signes monétaires nécessaires ayant cours légal » sont des pistes que devraient envisager la Banque centrale pour juguler la hausse des prix. Abordant dans le même sens, Yannick Achille Fogne expert financier camerounais suggère de procéder par des allocations de ressources ciblées, à travers la mise sur pied d’un TLTRO (Targeted Long Term Refinancing Operation).  « Ce LTRO peut se traduire par exemple par une ligne de 500 milliards, avec une maturité fixe de 5 ans et un taux de 1% ; dirigé exclusivement au refinancement des crédits ayant servi à l’investissement dans l’immobilier industriel, l’immobilier de bureaux, éventuellement l’immobilier commerciale et les générateurs électriques de grande capacité. Reste à la BEAC d’en définir les modalités et les collatéraux.  Le taux de 1% permettrait aux banques d’appliquer un taux de 6%TTC maximum sur ces financements et sur 7 à 9 ans, permettant ainsi aux entreprises d’améliorer significativement leurs performances, étant donné que l’immobilisation de la trésorerie réduit leur fond de roulement et crée un retard de croissance chez beaucoup d’entrepreneurs ».

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