Cameroun : ce qu’il faut retenir de la session de novembre 2022 à l’Assemblée nationale
En dehors de l’adoption de cinq projets de loi et de l’augmentation du budget de l’Etat pour l’exercice 2023, la loi de finances consacre la hausse du prix du timbre, des taxes …
Après 30 jours de travaux, les députés ont rejoint leurs circonscriptions respectives. Au cours de cette dernière session ordinaire de l’année législative 2022, consacrée essentiellement à l’examen et au vote du projet de loi de finances pour l’exercice 2023, certains honorables n’ont pas caché leur déception alors que d’autres repartent avec le sentiment du devoir accompli. De manière globale, le budget de l’Etat au titre de l’exercice à venir s’équilibre en ressources et en emplois à la somme de 6 345,1 milliards de Fcfa contre 6 080,4 milliards en 2022 ; soit une augmentation de 264,7 milliards de Fcfa. Ce texte a été adopté au petit matin du 05 décembre dans une ambiance électrique.
Lire aussi : Ce qu’il faut retenir de la session parlementaire de mars 2022
Prix du timbre
Dans ses grandes masses, les recettes internes et les dons sont projetées à 4 676,4 milliards, en augmentation de 453,3 milliards de Fcfa par rapport à la loi de finances rectificative de 2022, où elles se situaient à 4 223,2 milliards, soit une progression de 10,7% en valeur relative. Face aux nombreux projets et la conjoncture galopante tant au niveau national qu’international, le gouvernement a trouvé judicieux d’augmenter les taxes et les prix du timbre fiscal par exemple. Il passe désormais de 1000 Fcfa à 1500 Fcfa ; soit une hausse de 50%. Le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, a dit comprendre les plaintes qui fusent de part et d’autre. « On peut s’en plaindre effectivement. De toute façon, même à 1000 Fcfa on va dire que c’est cher. Peut-être faut-il rappeler qu’au Sénégal, le timbre fiscal coûte 3000 Fcfa, en Côte d’ivoire c’est 2000 Fcfa et au Gabon c’est 2500 Fcfa. Nous sommes passés à 1500 Fcfa. Je ne connais pas un pays au monde qui peut être content si on dit que l’impôt ou la taxe augmente ». Le tollé suscité n’a rien changé. Ce qui fait dire à certains camerounais que les « députés ont validé la vie chère en 2023 » car plusieurs produits sont désormais soumis au droit d’accises.
Suppression des micro-projets
Parmi les grandes innovations de cette loi de finances figure en bonne place, la suppression des micro-projets alloués depuis plusieurs années aux députés. Ils étaient appelés à réaliser certains projets dans leurs circonscriptions avec une enveloppe de 8 millions de Fcfa. Ce rôle allait en contradiction avec les dispositions en vigueur. Selon l’article 14 de la constitution, les députés ont deux fonctions essentielles à savoir : légiférer et contrôler l’action du gouvernement. L’honorable Cabral Libii dit avoir toujours été contre ces micro-projets. « Les micro-projets étaient une ligne de 1 milliard 430 millions. Cette ligne était logée dans le budget du ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat). Allez vérifier le budget. Cette ligne n’existe plus. Le rôle du député n’est pas d’exécuter le budget. Nous adoptons le budget ici ; c’est le pouvoir exécutif qui doit exécuter le budget ».
Les parlementaires veulent des moyens conséquents pour mener à bien leurs missions sur le terrain. Ils ont d’ailleurs sollicité un ‘’appui parlementaire’’ pour améliorer leurs conditions de travail. « Le député est une institution. Qu’on lui donne les moyens de réaliser les charges de son mandat. Le député camerounais n’a pas de meilleures conditions de travail. Il a les conditions les plus basses de la zone Cémac », a martelé l’honorable Koupit Adamou. Le bureau de l’Assemblée nationale du Cameroun étudie depuis quelques jours cette question. Les montants consacrés à cet ‘’appui parlementaire’’ n’ont pas encore été arrêtés.
200 milliards pour accompagner les Pme
Les Petites et moyennes entreprises (Pme) font face à un problème de financement au Cameroun. De belles idées naissantes disparaissent très souvent faute de moyens. Les porteurs de projets ne bénéficient pas de crédits parce qu’ils n’ont aucune garantie. Cette situation préoccupe au plus haut les parlementaires dont le rôle, au-delà de légiférer, est de contrôler l’action du gouvernement. Il ressort des différents travaux en commission des finances que le gouvernement a ouvert un Fonds de garantie d’un montant de 200 milliards de Fcfa, afin de permettre au porteur de projets pertinents de disposer de la garantie nécessaire pour obtenir des financements auprès des banques. Des réflexions sont en cours, en vue de créer une nouvelle structure qui, contrairement au Fonds de garantie pour la petite entreprise (Fogape) sera financée conjointement par l’Etat et le secteur privé.
Lire aussi : Budget 2022 : 2 750 milliards de Fcfa de recettes collectées à fin juin 2022
Pour l’année 2023, l’enveloppe allouée à la politique d’import-substitution s’élève à 136 milliards de Fcfa. Elle est repartie dans le budget de plusieurs ministères parmi lesquels : le ministère de l’Agriculture et du développement rural (Minader), le ministère de l’Elevage des pêches et des industries animales (Minepia), le ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat).
Plus de 8 milliards de Fcfa recouvrés
Le dernier rapport de la Commission nationale anticorruption (Conac) est un indicateur clé. En 2021, l’Etat du Cameroun a perdu 43, 947 milliards de Fcfa pour des affaires de corruption et des infractions assimilées, conformément aux investigations menées par la Conac, et aux décisions rendues par le Conseil de discipline budgétaire et financier (Cdbf) du Contrôle supérieur de l’Etat, et le Tribunal criminel spécial (Tcs) ; soit une hausse de 26,336 milliards de F en valeur absolue par rapport à l’année 2020, ou le même préjudice s’est établi à 17,611 milliards de FCFA, et 149,54% en valeur relative. Avec la corruption galopante et les détournements de fonds publics, l’Etat du Cameroun, à travers ses institutions spécialisées, a réussi à récupérer plusieurs milliards de Fcfa grâce à l’action des juridictions à la date du 10 octobre 2022. Selon le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, l’action des juridictions a permis au « Trésor Public de recouvrer, à la date du 10 octobre 2022, une somme de 8 milliards 965 millions 162 mille 156 Francs cfa au titre de la restitution du corps du délit ». Le gouvernement a mené des actions de sensibilisation et de formation des contrôleurs, des ordonnateurs et gestionnaires des crédits dans plusieurs administrations, entreprises et établissements publics.
Lire aussi : Loi de finances 2023: 9 ministères se partagent près de 30 % du budget global
Au-delà de ces questions au centre des préoccupations des uns et des autres, la problématique de la qualité du système éducatif était au cœur des échanges. L’honorable Cavaye Yeguie Djibril, président de la Chambre basse du parlement, appelle à la réforme de l’enseignement supérieur afin de résoudre le problème du boom des diplômés sans emplois. Cette dernière session législative s’achève sans qu’on n’ait trouvé une réponse définitive à la question de la Carte nationale d’identité (Cni) et des approches pour sortir de la crise anglophone. Il est important de souligner qu’une enveloppe de 15 milliards a été dégagée pour la reconstruction des régions de l’Extrême Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.