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Régime financier de l’Etat: les innovations de 2019

A travers les lois du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance et le régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, le Cameroun s’arrime enfin aux exigences de la Cemac.

Le gouvernement semble désormais disposer à donner un coup d’accélérateur à la gouvernance dans la gestion des finances publiques. Information confirmée le 13 décembre 2018, à l’issue de la dernière réunion du comité de pilotage de la plateforme de dialogue sur les finances publiques. Outre l’évaluation de l’exécution des réformes sur la gestion des finances publiques entre 2016 et 2018, il a surtout été question d’arrêter les priorités du triennat 2019-2021.

Au sortir de cette réunion, le directeur général du Budget au Minfi, Cyrille Alo’o Edou, a indiqué que « dès janvier 2019, les principes définis par le Code de transparence et de bonne gouvernance et le Régime financier de l’Etat et des autres entités publiques commenceront à être mise en œuvre. » Promulguées le 11 juillet 2018, ces deux lois introduisent de nombreuses innovations dans la gestion des finances publiques. Il s’agit notamment du renforcement de la place de politique budgétaire dans le processus d’élaboration du budget à travers l’instauration du débat d’orientation budgétaire (DOB), l’attribution d’un statut au responsable de programme, la redéfinition du rôle du contrôleur financier, le renforcement des pouvoirs de la juridiction des comptes, la traçabilité des fonds des partenaires au développement.

Par ces lois, le Cameroun s’arrime aux exigences communautaires adoptées en 2011. Car, les autorités de la Cemac avaient fixé comme date butoir pour l’arrimage à cette directive, janvier 2019.

Ceci permet d’apporter plus de souplesse dans la gestion des moyens accordés au responsable d’un programme et de préserver les objectifs de développement à travers le maintien de l’investissement.

Normes communautaires

S’agissant des autorisations d’engagement, les lois du 2 juillet lèvent le verrou de la limitation des autorisations d’engagement jusque-là scellées à trois ans. Cette situation était préjudiciable aux projets dont la réalisation dépassait cette durée de vie. Ce verrou est donc levé afin de favoriser une meilleure budgétisation et réalisation des projets d’envergure à l’instar des contrats de partenariats publics-privés. Ce qui n’était pas pris en compte dans l’ancien régime.

Alors que le régime financier de 2007 avait institué la limitation de la fongibilité à 15% au sein d’un programme, la loi du 2 juillet 2018 consacre le principe de fongibilité totale et asymétrique des crédits d’un programme. Ceci permet d’apporter plus de souplesse dans la gestion des moyens accordés au responsable d’un programme et de préserver les objectifs de développement à travers le maintien de l’investissement. Dans l’ancien régime, la limitation de la fongibilité des crédits réduisait la marge de manœuvre des gestionnaires de crédits. Cependant, dans la loi du 2 juillet, en dépit de ce principe de fongibilité total et asymétrique, les crédits concernant les dépenses de personnels ne peuvent être augmentés et ceux qui concernent les dépenses d’investissements ne peuvent être réduits.

Autre innovation, le statut accordé au responsable de programme. Désormais, ce dernier est nommé par son ministre et dispose aussi d’un statut. Des compétences d’ordonnateur lui sont ainsi déléguées à travers son acte de désignation. Cette innovation a pour objectif de responsabiliser davantage le chargé du programme qui devient le principal artisan du budget programme.

Dans la loi du 2 juillet, le contrôleur financier devient un acteur budgétaire avec des pouvoirs élargis et bien définis. Cette disposition renforce le contrôle de la dépense publique tout en l’adaptant en fonction du niveau de risques budgétaires. Autrefois, le contrôleur financier n’était qu’un acteur avec une responsabilité individuelle spécifique. Aujourd’hui, avec les nouvelles dispositions concernant les contrôleurs financiers, l’on introduit également la possibilité de modulation du contrôle interne.

Chambre des Comptes aux compétences élargies

Pour ce qui concerne le contrôle juridictionnel des comptes de l’Etat, la loi du 2 juillet renforce les pouvoirs de la juridiction des comptes. Toutefois, il n’est pas prévu, comme le recommandent les directives communautaires, de créer une Cour des comptes ; la juridiction actuelle, à savoir la Chambre des comptes de la Cour suprême voit ses pouvoirs renforcés et ses compétences élargies. Le contrôle juridictionnel prend donc un nouveau visage car, la Chambre des comptes va désormais assister le Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois des finances, et va aussi se charger de la certification du compte général de l’Etat.

C’est aussi cette chambre qui va juger les ordonnateurs, les contrôleurs financiers et les comptables publics. Elle va également s’occuper de contrôler la légalité financière et la conformité budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l’Etat et évaluer l’économie, l’efficacité et l’efficience de l’emploi des fonds publics. L’objectif vise à permettre à la juridiction actuelle, d’agir sur l’ensemble des finances publiques sans modification de la constitution.

Pour donner plus d’exhaustivité à la loi de finances, les fonds des partenaires au développement intègreront désormais le budget de l’Etat. En outre, les bailleurs de fonds et autres partenaires techniques et financiers sont tenus d’informer le ministre des Finances de tout financement apporté aux administrations ; de même, la mise en place de ces financements est soumise à l’approbation préalable du ministre des Finances. En annexe de la loi de finances, l’on aura désormais le détail sur l’origine et l’emploi dédié à ces fonds.

Ce qui change avec le débat d’orientation budgétaire

La session parlementaire de juin s’annonce désormais comme un grand moment de renforcement des mécanismes de contrôle et de redevabilité dans la gestion des finances publiques, aux plans politique, juridictionnel et administratif. Le directeur général du budget au Minfi reconnait qu’avant, « quand nous préparions le projet de loi des finances, les parlementaires ne le découvrait qu’à la fin du processus, quand il était difficile pour eux d’apporter efficacement leur contribution ». Avec la loi du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat, l’article 11 institutionnalise le débat d’orientation budgétaire (DOB), « avant le 1er juillet ».

L’Assemblée nationale  et le Sénat ont ainsi l’occasion d’examiner la pertinence et la sincérité du cadrage macroéconomique et budgétaire, six mois avant celle consacrée au budget proprement dit.

Pour le DOB, le Parlement reçoit communication des rapports sur la situation macro-économique et sur l’exécution du budget de l’exercice en cours en plus des documents de cadrage à moyen terme (CBMT et CDMT). La mise à disposition de ces documents dans le cadre du DOB, participe au renforcement du pouvoir de contrôle démocratique. L’Assemblée nationale  et le Sénat ont ainsi l’occasion d’examiner la pertinence et la sincérité du cadrage macroéconomique et budgétaire, six mois avant celle consacrée au budget proprement dit. Le débat intervient en séance publique ce qui contribue au renforcement du contrôle citoyen.

Par ailleurs, le DOB renforce le statut des documents de cadrage à moyen terme dans le processus d’élaboration de la loi de finances de l’année : la mention d’une transmission au Parlement « par le gouvernement » implique leur examen en Conseil de cabinet, sinon en conseil des ministres ; et leur confère la dimension d’un document financier traduction de la solidarité gouvernementale.

Pour le spécialiste des finances publiques, Pr. Silvestre Honoré Nnanga, «le DOB permet de mieux comprendre l’articulation entre les lois des finances et les stratégies sectorielles de développement et de croissance ». Désormais, il devra être en mesure de publier et de déposer au Parlement les documents de cadrage à moyen terme [CBMT et CDMT, Ndlr] pour permettre la tenue d’un débat au courant du premier semestre et au plus tard le 30 juin de chaque année.

De fait, certains leaders de la société civile attendent avec impatience ce rendez-vous, perçu comme une opportunité de faire avancer le processus de transparence budgétaire au Cameroun. Leonard Eonssy de l’ONG Open Budget espère que ce débat permettra de «franchir un palier dans la sincérité des chiffres présentés aux Camerounais, comme ces excédents budgétaires que le gouvernement annonce systématique et dont on ne voit pas de report d’une année à l’autre». Pour le secrétaire exécutif de la Dynamique mondiale des jeunes, Dupleix Kuenzob Pedeme, le gouvernement a l’occasion d’expliquer à la population les orientations du budget de l’Etat parce que, «pour le moment, nous ne sommes pas vraiment convaincus de la pertinence des choix économiques et des objectifs de développement annoncés

Processus budgétaire : ce que dit la loi

Article 14.(1). Est établi et rendu public, un calendrier budgétaire annuel de préparation du budget de l’Etat. Ce calendrier prévoit notamment, dans un délai raisonnable précédant le dépôt des projets de loi de finances, la publication par le gouvernement d’un rapport sur les hypothèses économiques, ses grandes orientations et priorités budgétaires sur le moyen terme, ainsi que ses principaux choix fiscaux, et les risques budgétaires pour l’année à venir.

(2). Ce rapport fait l’objet d’un débat au parlement.

Source : Loi du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques

Article 11.(1). Chaque année, avant le 1er juillet, le gouvernement transmet au Parlement les documents du cadrage à moyen terme définis à l’article 10 ci-dessus, accompagnés d’un rapport sur la situation macro-économique et d’un rapport sur l’exécution du budget de l’exercice en cours.

(2). Sur la base de ces documents et rapports, le Parlement organise un Débat d’orientation budgétaire, en séance publique, mais sans vote.

(3). Les loi de finances annuelles doivent être conformes à la première année du cadrage à moyen terme du budget de l’Etat, qui est arrêté définitivement à la suite du débat d’orientation budgétaire.

Source : Loi du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques.

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