Bolloré perd son procès contre Mediapart sur ses pratiques au Cameroun
La filiale du groupe français, Bolloré Africa Logistics s’était pourvu en cassation pour contester la relaxe du média français et sa journaliste Fanny Pigeaud par la Cour d’appel de Versailles, dans le cadre d’une affaire ayant mis en scène deux entrepreneurs camerounais.
Le piège s’est définitivement refermé sur le Groupe Bolloré, en procès depuis 2016 avec le célèbre média français Mediapart et sa journaliste Fanny Pigeaud, pour une affaire de diffamation, à la suite de la publication il y a six ans, d’un article mettant en relief les pratiques de la filiale du groupe, Bolloré Africa Logistics, au Cameroun. « Comment le groupe Bolloré a ruiné deux entrepreneurs camerounais », tel s’intitule l’article objet de discorde entre Bolloré et Mediapart, lequel raconte les misères de « deux petits patrons camerounais », qui sont restés dans l’attente inlassable pendant 23 ans, du respect d’un jugement rendu par la justice camerounaise en leur faveur, au point de tomber en ruine.
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Bolloré avait alors saisi le tribunal de Nanterre, lequel a sévèrement condamné le média engagé le 8 janvier 2019, jugeant l’article empli de « mauvaise foi », et que « en tant que journaliste d’investigation, Fanny Pigeaud se devait d’être irréprochable dans son travail d’enquête ». Non sans lui imposer « la suppression de tous les passages incriminés, sous peine d’astreinte », indique le journaliste et président de Mediapart Edwy Plenel, dans un article d’opinion publié jeudi dernier, et rapportant la victoire de son média sur le mastodonte français. Par la suite, Mediapart fera appel de la décision rendue par le tribunal de Nanterre et obtiendra gain de cause à la Cour d’appel de Versailles le 10 février 2021. Un camouflet pour le groupe Bolloré, qui n’en revenait pas, et dans son obstination à réduire au silence le média iconoclaste, il s’est pourvu en cassation.
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La procédure a donc suivi son cours, et le 11 octobre dernier, la cour de cassation s’est prononcée une nouvelle fois au profit de Mediapart, déboutant définitivement Bolloré dans cette affaire. La cour étaye son jugement en ces termes : « les propos litigieux ne reposent pas uniquement sur des déclarations non vérifiées de tiers mais aussi sur un faisceau de pièces tendant à conforter ces propos, dont la décision inexécutée de la Cour suprême et le courrier de la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Cameroun, confirmant le caractère exécutoire de la décision [condamnant le groupe Bolloré à indemniser les deux patrons camerounais] ». Une victoire qu’exalte à souhait le président de l’influent media français, qui martèle que « le groupe Bolloré ne réussira à faire taire la presse indépendante et le journalisme d’intérêt public », conclut Edwy Plenel.
Bolloré condamné à payer 89 millions
L’article « Comment le groupe Bolloré a ruiné deux entrepreneurs camerounais » signé par Fanny Pigeaud et paru le 13 avril 2016 sur le site de Mediapart, présente les misères de deux entrepreneurs camerounais, Séverin Ohandja et Thomas Mabou, qui sont restés pendant 23 ans dans l’attente du respect par Bolloré d’une décision de justice. En effet, la Cour suprême du Cameroun avait confirmé en 1993 la condamnation de la société Socopao, filiale du Groupe Bolloré installée à Douala, à verser environ 89 millions de FCFA aux Ets Ohadja dont les deux entrepreneurs étaient les mandants. « Nous étions alors partenaires dans la vente de Voakanga, matière première très recherchée, même actuellement encore, pour la fabrication de médicaments. Nous avons entreposé, par le biais des Ets OHANDJA, cette marchandise dans les locaux de la société SOCOPAO à Douala.
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Cette dernière avait l’obligation de traiter la marchandise, périssable, tandis que nous cherchions acquéreur. Lorsque nous avons trouvé preneur et souhaité récupérer notre marchandise, personne n’a été en mesure de nous la restituer, pas même de nous indemniser au titre de cette perte », avaient indiqué les deux entrepreneurs dans une déclaration cosignée et publiée dans la presse. Ils avaient alors saisi le Tribunal de première instance de Yaoundé, et le 30 décembre 1987, cette juridiction leur a donné gain de cause. Par la suite, Bolloré fera appel à la Cour d’appel du Centre, puis à la Cour Suprême, et sera débouté.