Concessions d’Orange, Mtn et Nexttel : révélations sur l’audit commandé par la Présidence
Une curieuse note confidentielle élaborée sur la base de la dénonciation d’un ingénieur des travaux au Tribunal criminel spécial (Tcs) depuis mai 2018 à l’origine de l’enquête exigée par le secrétaire général Ferdinand Ngoh Ngoh. Ladite dénonciation accable les ministres des Postes et Télécommunications et des Finances
C’est une note confidentielle non datée parvenue à la présidence de la République ainsi que l’indique son secrétaire général, Ferdinand Ngoh Ngoh, dans une correspondance qu’il adresse le 10 décembre dernier à la ministre déléguée chargée du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), lui demandant de mettre sur pied conjointement avec – le ministre de la Justice, celui des –Postes et Télécommunications, – le délégué général à la Sûreté nationale, – le secrétaire d’Etat à la Défense chargé de la gendarmerie et – le directeur général de l’Agence de régulations des télécommunications (Art), une équipe interministérielle en vue d’auditer les concessions faites à ces trois opérateurs en mars 2015.
L’objet de ladite note est fort violent : « Urgence de l’intervention du président de la République pour neutraliser les ministres des Finances, Louis Paul Motaze, des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng et l’ancien ministre des Postes et Télécommunications Jean-Pierre Biyiti Bi Essam pour haute trahison et intérêt dans un acte ».
Le document accuse les trois personnalités d’avoir, « dans une opération contre nature concernant le renouvellement des licences et l’attribution des licences 4G de Mtn, Orange et Nexttel, bradé celles-ci, faisant [ainsi] perdre à l’Etat des centaines de milliards Fcfa afin de préserver les intérêts mafieux au détriment de l’Etat ».
Au tout début de la correspondance, on peut lire : « Selon une source au Tribunal criminel spécial (Tcs), le parquet général de cette juridiction d’exception cherche un moyen d’étouffer la dénonciation qui lui a été adressée le 08 mai 2018 par le sieur Ondoua Ella Godfroid, ingénieur principal des travaux des télécommunications ».
Le document accuse les trois personnalités d’avoir, « dans une opération contre nature concernant le renouvellement des licences et l’attribution des licences 4G de Mtn, Orange et Nexttel, bradé celles-ci, faisant [ainsi] perdre à l’Etat des centaines de milliards Fcfa afin de préserver les intérêts mafieux au détriment de l’Etat ».
Pour la vente des licences @700Mhz, relève la même source, la France a récolté un peu plus de 104,8 milliards Fcfa supplémentaire, « comparativement au montant engrangé (par le Cameroun, Ndlr) pour la vente des @800Mhz, pour une quantité de spectre identique, à savoir 2×30 Mhz @700Mhz, comme @800Mhz. Dans l’ensemble, outre ce supplément, les ventes des licences @700Mhz a permis à l’Etat français d’empocher la somme astronomique de 1,8 milliard Fcfa… »
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Ce qui fait dire à l’auteur de la note (ou plutôt les auteurs) que les concessions attribuées aux opérateurs de téléphonie Viettel/Nexttel, Mtn et Orange l’ont été en total contradiction des dispositions de la loi 2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun en son article 9, alinéa 1, et son article 20, alinéas 1 et 2, ainsi que son texte d’application, à savoir le décret n02012/1638/Pm du 14 juin 2012 fixant les modalités d’établissement et/ou d’exploitation des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation, en son article 26 ».
Rappelons que dans cette opération, l’Etat avait empoché 150 milliards Fcfa pour les deux premiers qui exploitent depuis lors les licences 3G et 4G, contre 20 milliards pour le troisième Nexttel, arrivé sur le marché de la téléphonie en 2014 et qui exploite la licence 3G.
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Le document omet de préciser en effet qu’au moment de la signature des contrats de concessions, en mars 2015, l’Etat du Cameroun était représenté par Jean-Pierre Biyiti Bi Essam, et non par Minette Libom Li Likeng qui n’arrive à la tête du ministère des Postes et Télécommunications que le 04 octobre 2015. Elle n’intervient dans ce dossier qu’au moment de la signature des avenants à ces concessions, en avril et mai 2018. Et pour cela, elle avait été habilitée avec Louis Paul Motaze, fraîchement nommé ministre des Finances, par le président de la République. Et comment comprendre que cette dénonciation ait été camouflée depuis sept mois pour n’être mise dehors que maintenant ?
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