Coton: malgré la controverse, la Sodecoton opte pour l’utilisation des OGM
Un décret présidentiel autorise le Minepat à emprunter 64,2 milliards FCFA pour assurer la campagne cotonnière 2017-2018. Cet argent devrait permettre à la société de renforcer son plan de développement, qui entrevoit également l’utilisation des organismes génétiquement modifiés.
Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat), vient de recevoir l’ordre du président Paul Biya, de signer un accord avec la Banque islamique de développement (BID) dans le but de financer le secteur agricole. Cet accord, de type Mourabaha (contrat d’une marge bénéficiaire connue et convenue entre les parties), devrait être signé dans les prochains jours, pour un montant de 64,2 milliards FCFA. Un financement destiné à acquérir des intrants agricoles (engrais, pesticides, herbicides), du coton graine et des graines de soja, et d’en assurer la vente sur le marché camerounais.
Cette mesure intervient au moment où la Société de développement du coton (Sodecoton) a récemment révélé qu’elle entend accélérer son processus de relance, après près de quatre années difficiles. Au cours de la campagne 2017-2018, le Cameroun a enregistré une production de 254 000 tonnes de coton graine et 207 000 tonnes de coton fibre. Un résultat stable par rapport à celui des années précédentes, où la moyenne s’élevait à 260 000 tonnes.
Selon les responsables de l’entreprise, l’avenir de la culture du coton au Cameroun passerait par l’implémentation de nouvelles méthodes culturales, afin de lui assurer une augmentation importante de la productivité des plantations et de la production du coton. Pour atteindre ses objectifs, la Sodecoton a récemment marqué son intention de relancer le processus d’utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans les plantations qui l’approvisionnent. Actuellement, les quelque 250 000 planteurs du Cameroun ont des rendements de 1 450 kilogrammes par hectare. Des rendements qui devraient augmenter de 30% au moins avec les OGM, estime-t-on.
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Une première expérience du coton transgénique avait été initiée dans la zone de Bocklé, région du Nord à travers quelques champs expérimentaux ; sans succès. Son échec avait été imputé aux planteurs, qui ont du mal à s’adapter aux exigences requises par l’utilisation des OGM. Il faut ajouter à cela une campagne anti-OGM de la part des organisations de la société civile qui avait réussi a émousser l’intérêt de nombreux planteurs pour cette méthode.
Mais, la Sodecoton, qui semble n’avoir pas baissé les bras dans son projet, entend désormais s’appuyer sur le rajeunissement de la main d’œuvre dans la filière. Elle trouve en effet les jeunes plus réceptifs à l’utilisation des OGM pour produire le coton. Des actions en « sous-marin » seraient effectuées depuis quelques temps pour préparer la venue des OGM. Et la recherche des financements, autorisée par le président de la République, indique que l’on devrait s’attendre à une offensive imminente.
Vers une nouvelle bataille sur les semences transgéniques
L’intérêt de la Sodecoton pour les organismes génétiquement modifiés (OGM) a été révélé il y a près de 10 ans. Au cours de la 8e réunion de l’Association cotonnière africaine (ACA), à Yaoundé en mars 2010, le directeur général de l’entreprise, Iya Mohamed marque la volonté de la société d’utiliser des semences transgéniques afin d’accroitre la production et annonce l’imminence d’essais y relatifs.
Une noble ambition qui ne trouve cependant pas l’assentiment de tout le monde, notamment de la société civile et de certaines organisations paysannes. En septembre 2015, le gouvernement organise pour la première fois un forum sur les OGM afin, dit-il, de « prendre des mesures pour assurer la protection de son espace social, environnemental, culturel et économique ». Des organisations de la société civile, actives depuis plusieurs années contre l’avènement de cette pratique culturale, estiment qu’il s’agit d’un stratagème pour ouvrir la porte aux OGM dans le pays.
« Nous sommes contre les OGM dans nos assiettes et dans nos champs. C’est un danger pour notre agriculture, pour la santé des consommateurs et pour l’environnement », argumente Bernard Njonga, ancien leader de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (ACDIC), aujourd’hui président du Crac (Croire au Cameroun), un parti politique qui soutient principalement les causes acteurs agropastoraux.
Les principaux arguments contre l’utilisation des OGM portent sur les risques sur la santé humaine (retard de croissance, cancers, déficit immunitaire, saignements de l’estomac, etc.) ainsi que sur l’environnement (pollution de l’eau et de l’air). Au plan socio-économique, les inconvénients ne manquent pas non plus, au détriment des agriculteurs. Les firmes programment l’ADN des plantes afin qu’elles tuent leurs propres germes. Les semences sont donc stériles et les agriculteurs sont obligés de racheter de nouvelles semences chaque année. Ainsi, l’agriculteur devient dépendant et s’endette, au risque d’abandonner la plantation.
Par ailleurs, les semences transgéniques dans les pays du Sud ont supprimé les cultures vivrières traditionnelles pour les remplacer par des monocultures destinées à l’exportation, ce qui implique non seulement dépendance, perte écologique et perte d’emplois. L’on note également que la qualité des produits n’est plus au rendez-vous. Au Burkina Faso, par exemple, la fibre issue du coton transgénique de Monsanto était moins longue, donc moins économiquement rentable.
Pour contrecarrer ces arguments, les pro-OMG mettent en avant quelques avant : apparition de variétés avec des caractéristiques supérieures à celles de plantes dites normales ; résolution du problème de la faim ; possibilité de culture sur des terres jusqu’ici non arables, donc augmentation des superficies ; réduction de l’utilisation des insecticides, etc.
Le débat reste en tout encore très houleux à travers le monde. Au Cameroun, les autorités ont une attitude positive à l’égard du développement des biotechnologies, à cause des perspectives d’accroissement de la production pour assurer l’autosuffisance alimentaire. Une véritable politique nationale pour définir le cadre institutionnel est en cours.
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