Corruption pétrolière et minière : les non-dits d’une mafia transnationale
Corruption de fonctionnaires, blanchiment d’argent, surfacturations, faux accords de consultance, distorsion de concurrence, manipulation de prix en vue de grossir les bénéfices de l’entreprise, déclarations tronquées de gisements, etc., constituent entre autres pans d’un phénomène qui floue et cloue les Etats dans l’extrême pauvreté. Zoom sur les pratiques malsaines et dolosives d’une multinationale qui gangrène des dirigeants fragilisés.
Le Foreign Corruption Practice Act (FCPA), un organisme du ministère américain de la Justice qui traque les actes de corruption commis par des multinationales, des sociétés ou des individus en lien avec les Etats-Unis, n’a pas mis les gants pour faire les responsables de la multinationale anglo-suisse Glencore. Ces derniers ont reconnu après de longues années d’enquête s’être rendus coupables de faits de corruption de fonctionnaires et de manipulation des cours des matières premières pendant de nombreuses années.
Au terme d’une enquête menée conjointement par les autorités pénales et civiles américaines, anglaises et brésiliennes, l’on a découvert la mise en place d’un stratagème par Glencore et ses filiales afin d’effectuer et dissimuler des paiements corrompus et des pots-de-vin via des intermédiaires à des fonctionnaires étrangers dans plusieurs pays dont le Cameroun, la RDC, le Nigéria, le Brésil notamment. Pour la justice américaine, «les plaidoiries de culpabilité de corruption de Glencore démontrent l’engagement du ministère à tenir pour responsables ceux qui profitent de la manipulation de nos marchés financiers et de la corruption dans le monde entier », a déclaré le procureur général adjoint Kenneth A. Polite, Jr. de la division criminelle du ministère américain de la Justice.
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D’après lui, le système de corruption et de trafic des prix de la multinationale minière et pétrolière s’appuie sur un réseau d’intermédiaires opaques et de fonctionnaires à leur solde à tous les niveaux de l’administration dans nombre de pays dans le monde. «Glencore a versé des pots-de-vin pour obtenir des contrats pétroliers. Glencore a versé des pots-de-vin pour éviter les audits gouvernementaux. Glencore a soudoyé des juges pour faire disparaître les poursuites. Au fond, Glencore a payé des pots-de-vin pour gagner de l’argent – des centaines de millions de dollars. Et il l’a fait avec l’approbation, voire les encouragements, de ses cadres supérieurs. Les accusations criminelles portées contre Glencore dans le district sud de New York sont une autre étape pour montrer clairement que personne – pas même les multinationales – n’est au-dessus de la loi », assure le procureur.
Dans l’affaire de corruption pétrolière transnationale, Glencore et ses filiales avouent avoir soudoyé des intermédiaires corrompus et des fonctionnaires étrangers dans sept pays dont le Cameroun notamment à la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et la société nationale de raffinage (Sonara) pendant plus d’une décennie. Des accusations que rejette en bloc Adolphe Moudiki, le Directeur Général de la SNH. «La SNH n’est, ni de loin ni de près associé à de telles pratiques, strictement interdites par son règlement intérieur » at-il déclaré dans un communiqué signé le 30 mai dernier.
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Pourtant, selon les documents judiciaires déposés dans le district sud de New York, Glencore, par le biais de ses employés et agents, a mis en place un stratagème pendant plus d’une décennie pour payer plus de 100 millions de dollars à des intermédiaires tiers, en vue de verser des pots-de-vin à des fonctionnaires au Nigéria, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Guinée équatoriale, au Brésil, au Venezuela et en RDC.
«La portée de ce stratagème de corruption criminelle est stupéfiante», déclaré le procureur américain Damian Williams pour le district sud de New York. Car, indique le rapport, « Glencore a dissimulé les paiements de pots-de-vin en concluant de faux accords de conseil, en payant des factures gonflées et en utilisant des sociétés intermédiaires pour effectuer des paiements corrompus à des fonctionnaires étrangers ».
Que ce soit au Cameroun ou ailleurs, Glencore et ses filiales britanniques ont conclu de multiples accords soit pour acheter du pétrole brut et des produits pétroliers raffinés aux compagnies pétrolières publiques contrôlées par l’État. Aussi des intermédiaires sont-ils engagés deux intermédiaires pour rechercher des opportunités commerciales et d’autres avantages commerciaux inappropriés, y compris l’attribution de contrats de pétrole brut. Pour obtenir ces facilités et faveurs illicites, des intermédiaires versent des pots-de-vin aux représentants des gouvernements. 52 millions de dollars au Nigeria, 21 millions de dollars au Cameroun par exemple. Pour sa part, la Sonara annonce avoirs saisit les autorités américaines et anglaises « en vue de fournir les éléments qui permettraient d’établir la véracité de ces allégations ».
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Cours des matières premières : des manipulations sulfureuses
Selon les aveux et les documents judiciaires américains, l’étendue des mauvaises pratiques mises en place par Glencore, défie les lois de la maffia. Alors que la multinationale exploitait une entreprise mondiale de négoce de matières premières dont celui du mazout, elle s’est rendue coupable entre janvier 2011 et août 2019, de conspiration et de manipulation de deux évaluations de prix de référence du mazout publiées par S&P Global Platts (Platts) pour les produits pétroliers au port de Los Angeles et au port de Houston. «Dans le cadre du complot (sur la manipulation des prix des matières premières Ndlr), les employés de Glencore ont cherché à s’enrichir illégalement et à enrichir Glencore Ltd. elle-même, en augmentant les bénéfices et en réduisant les coûts des contrats d’achat et de vente de mazout physique, ainsi que certaines positions dérivées détenues par Glencore Ltd », rapporte la justice américaine.
En fait, les conditions de prix des contrats physiques et des positions dérivées, étaient fixées par référence aux évaluations quotidiennes des cours de référence publiées par Platts un ou plusieurs jours avec promesse de prime fixe. Lors de ces journées de tarification, les employés de Glencore Ltd. ont soumis des ordres d’achat et de vente à Platts pendant la « fenêtre » de négociation quotidienne pour les évaluations de prix de Platts dans le but de pousser artificiellement les cotations vers le haut ou vers le bas.
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«Par exemple, si Glencore Ltd. avait un contrat d’achat de mazout, ses employés soumettaient des offres dans le but exprès de faire baisser l’évaluation du prix et donc le prix du mazout acheté par Glencore Ltd. Les offres ne sont pas soumises à Platts pour une quelconque raison économique légitime par les employés de Glencore Ltd., mais plutôt dans le but d’affecter artificiellement l’évaluation pertinente du prix de sorte que le prix de référence, soit le prix du mazout que Glencore Ltd. acheté et vendu à une autre partie, ne reflète pas les forces légitimes de l’offre et de la demande », détaille le rapport.
Cette activité illicite s’est poursuivie sur de nombreuses années notamment entre janvier 2014 et février 2016 où, des employés de Glencore Ltd. ont également entrepris une « coentreprise » avec une société. Celui-ci qui consistait à acheter du mazout à la société en question à des prix artificiellement déprimés par la manipulation de Glencore. Cette conspiration géante a amené l’inspecteur en chef des postes au service d’inspection postale des États-Unis, Gary Barksdale, à indiquer que «l’idée d’un commerce équitable et honnête est à la base du commerce américain. C’est une insulte à nos traditions et valeurs communes lorsque des individus et des entreprises utilisent leur pouvoir, leur richesse et leur influence pour empiler injustement le jeu en leur faveur».
Dans le stratagème de manipulation des prix des matières premières, Glencore, de l’avis des inspecteurs et magistrats américains, a sapé la confiance du public en créant une fausse apparence d’offre et de demande pour manipuler les prix du pétrole. «La manipulation des prix du marché par Glencore menaçait non seulement un préjudice financier, mais sapait la confiance des participants dans le fonctionnement équitable et efficace des marchés des matières premières sur lequel nous comptons tous », a déclaré la procureure américaine Vanessa Roberts Avery du district du Connecticut.
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Simon Pierre Mbarga